L'achat des denrées alimentaires de base met à mal le budget du consommateur à moyens revenus. Pourtant, les étals sont bien garnis... Il compte les dinars, fait des calculs stricts, examine les panneaux affichant à la craie les prix des denrées alimentaires pour décider, enfin, des courses qui feront son approvisionnement basique pour la semaine. Le consommateur tunisien à moyens revenus peine à trouver dans les étals tentants du Marché central une marchandise qui convienne à son budget. La cherté de la vie est plus dure à supporter quand elle touche les produits vitaux. Il est 11h30 en ce mardi 17 novembre. Le Marché central connaît une affluence timide. Le pavillon des légumes est richement garni de produits de saison et autres, disponibles grâce aux cultures sous serre. Mais les étals semblent être trop bien rangés pour une fin de matinée, ce qui dénote une stagnation de l'activité commerciale. Mme Sihem est femme au foyer. Chaque semaine elle s'approvisionne auprès du Marché central. Certes, elle considère que les prix sont élevés. Cependant, et en tant que cliente fidèle, elle a la conviction qu'ils ne le resteront pas pour longtemps. «La semaine dernière, j'ai voulu acheter des haricots rouges. Mais ils étaient proposés à quatre dinars le kilo. Aujourd'hui, ils sont à deux dinars le kilo : une occasion à saisir», déclare-t-elle. Qu'en est-il de l'équilibre offre-demande ? Mohamed El Euch vient d'acheter des mandarines. Il s'étonne de voir des prix bien salés pour des produits de saison. «C'est incompréhensible ! Les prix sont fixés en fonction du rapport offre-demande. Ce qui ne semble pas être le cas. Le prix minimal des mandarines est de 1dt300», s'exclame-t-il. Mohamed sait parfaitement qu'il peut trouver des prix plus abordables dans d'autres lieux de vente à Tunis. «Mais la qualité est tout autre. Je préfère donc payer plus cher pour une qualité meilleure», ajoute-t-il. Côté prix affichés au Marché central, on note que les betteraves sont proposées à 1dt980 le kilo, la laitue à 850 millimes la pièce, les pommes de terre à 1dt080 ; les tomates à 1dt180, le poivron à 2dt300, la botte de persil à 500 millimes. Pour les fruits, les prix sont de loin plus élevés. Les poires sont vendues à 5dt980 le kilo, les grenades à 2dt800, les mandarines à 2dt800, les pommes à 6dt900 et le raisin à 3dt450. Le secteur parallèle envahit la filière Le décalage entre abondance de l'offre et niveau élevé des prix, d'une part, abondance de l'offre et baisse de la demande, de l'autre, intrigue les professionnels. Ces derniers connaissent par cœur les hics de cette filière. Ils ne cessent d'attirer l'attention des parties concernées sur les défaillances et de proposer des solutions. En vain ! Akram Bou Kraâ est marchand de fruits. Il porte aussi la casquette de président de la Chambre syndicale des marchands de fruits et légumes à Tunis. Il se désole de voir l'activité commerciale stagner au point d'être quasi paralysée. «Les chiffres officiels annoncent une bonne production. Or, la réalité telle qu'elle est vécue est tout autre. Les prix restent trop élevés par rapport au pouvoir d'achat. Pourtant, la loi du marché est claire : si l'offre et la demande sont équilibrées, les prix baissent. Mais si l'offre est inférieure à la demande, les prix augmentent. Aujourd'hui, l'offre est abondante mais les prix restent élevés. Au niveau de la production, les petits agriculteurs qui contribuaient, jadis, à l'équilibre de la production et à la rationalisation des prix ne sont plus actifs. Quant aux actions de contrôle, elles restent insuffisantes et se limitent au dernier maillon de toute une chaîne, à savoir les détaillants», explique-t-il. Le président de la Chambre syndicale des marchands de fruits et légumes à Tunis recommande de développer une approche de supervision et de contrôle axée sur tous les niveaux de la chaîne de distribution. Il montre du doigt, en outre, la prolifération des marchands clandestins qui, munis d'un camion, proposent des fruits et des légumes sur les routes et sillonnent même les quartiers sans être interpellés ni interrogés sur la provenance de leurs marchandises. De son côté, Moncef Bouchami, marchand de fruits, évoque les contraintes imposées aux agriculteurs au niveau du Marché de gros. Il cite les taxes sur marchandise qui varient entre 12% et 13% «sans compter les quantités de fruits et légumes dérobées au marché de gros», fait-il remarquer. Du coup, bon nombre d'agriculteurs préfèrent vendre leurs marchandises sur place plutôt que de se déplacer jusqu'au Marché de gros. Ce qui nourrit le marché parallèle. M. Boukraâ attire, par ailleurs, l'attention sur le problème relatif à la carte professionnelle qui n'est plus opérationnelle, ce qui ouvre l'accès aux intrus dans la filière, au détriment du consommateur et des professionnels. La menace du secteur parallèle est évoquée par un autre marchand de légumes qui préfère garder l'anonymat. «Cette filière est devenue marginalisée, tellement elle est envahie par des marginaux. La plupart des cas sociaux s'approvisionnent en fruits et en légumes pour les vendre sur les routes», souligne-t-il, chagriné. Le commerce de volailles, tributaire des restaurateurs Nous quittons le pavillon des fruits et légumes pour visiter le pavillon d'un autre produit basique du panier de la ménagère, à savoir les viandes blanches. Ici, la viande de dinde est proposée à 7dt990 le kilo, le poulet petit format à 4dt990 le kilo, le poulet grand format à 5dt990 le kilo. Des prix raisonnables qui n'incitent toutefois pas les clients à faire la queue devant les vitrines des marchands de volailles. «Nous avons l'habitude de passer par des périodes de stagnation. Mais les choses se compliquent de plus en plus. Le mois d'octobre a été catastrophique au vrai sens du terme. Heureusement que nous continuons à assurer l'approvisionnement des restaurants, sinon nous aurions dû fermer boutique depuis des lustres», avoue Mohamed Chaâbane, gérant d'un magasin spécialisé dans la vente des viandes blanches. Quant aux bouchers, eux, ils ont décliné toute déclaration !