100% des déchets marins, dont 75% en plastique, sont produits par l'homme. La dégradation de la biodiversité marine revient, essentiellement, à la propagation alarmante de la pollution qui transforme la mer en un réel dépotoir. La Méditerranée, beaucoup plus que les autres mers, gémit sous l'effet nocif de la pollution, étouffée qu'elle est par les déchets qui y sont rejetés par l'homme. L'Association santé et environnement a mis en lumière ce thème qui préoccupe aussi bien les experts et spécialistes nationaux que ceux internationaux. Elle a organisé, samedi dernier, une table ronde pour exposer l'état des lieux de la biodiversité marine et pour réfléchir sur les solutions susceptibles de réduire la pollution marine et garantir une meilleure qualité de vie tant pour la faune, la flore que pour l'homme lui-même. Le Pr Habib Boujnah, président de l'ASE, a insisté, lors de l'ouverture de la table ronde, sur la gravité du phénomène, un phénomène caractéristique du XXe siècle. En effet, «l'eau constitue 73% du globe terrestre. Cette quantité n'a pas évolué depuis des lustres. Néanmoins, sa qualité a été altérée au bout d'un siècle. La biodiversité marine en peine», souligne-t-il. «Ça déborde, la mer est pleine» Il s'agit du titre d'un documentaire-introductif, projeté à l'occasion. Il résume la situation désastreuse dont souffrent la faune et la flore. Selon le Programme des nations unies pour l'environnement, 80% de la pollution marine provient de la terre et y est transférée via le vent et les cours d'eau. Notons que 75% des déchets sont en plastique. Cette matière se dissout pour former une substance frêle et transparente qui peut être confondue par les animaux marins à des aliments. Une fois consommée, elle entraîne la mort des pauvres bêtes. Par ailleurs, 25% des déchets marins sont en verre, fer, textile et autres et sont dus aux déchets rejetés par les navires et les estivants. Ainsi, 100% des déchets causant la pollution marine sont produits par l'homme. Pour mieux démontrer l'impact nocif de tous ces objets déversés en mer sur la faune, des scientifiques ont procédé à la dissection des appareils digestifs de plusieurs animaux marins. Ils ont trouvé dans le ventre d'un albatros mort de quoi monter un marché aux puces : un briquet, un ballon de golf, un applicateur de tampon et bien d'autres objets. Pis encore : 7 déchets sur dix coulent et forment un tapis opaque, qui sépare l'eau des sédiments, ce qui amoindrit la quantité d'oxygène et entraîne l'asphyxie des animaux et des végétaux. Cela risque d'empirer ! De son côté, M. Bouali Zaghouani, ingénieur principal en hydrographie et en cartographie marine et vice-président de l'Association méditerranéenne pour la sauvegarde de la biodiversité marine (Amsbm), a présenté un exposé exhaustif sur l'agression anthropique, sur l'état environnemental et de la biodiversité marine dans le golfe de Tunis. L'orateur a longuement expliqué les spécificités du golfe de Tunis ainsi que des zones humides y référant, notamment la lagune de Ghar el meleh, Oued Majerda, Sabkhet Ariana, Sabkhet Sijoumi, les lacs de Tunis, Oued Meliane, Oued el Bey, etc. L'analyse scientifique démontre la fragilité palpable et désolante de l'écosystème marin dans le golfe de Tunis. Un écosystème ébranlé par plusieurs facteurs menaçants et destructeurs, dont les quatre stations d'épuration des eaux usées relevant de l'Onas et le déversement des déchets organiques, chimiques et industriels dans les zones humides tout comme dans la mer. D'un autre côté, l'intrusion en Méditerranée des espèces invasives via la veine du courant atlantique et la mer Rouge représente une autre menace pour la biodiversité marine. L'orateur souligne, en outre, que plusieurs techniques de pêche sont contre-indiquées. A l'exception de la pêche côtière, la pêche par chalutage, la pêche au feu et celle à senne tournante sont considérées comme des techniques nocives dont les répercussions sur l'environnement marin sont irrémédiables. L'orateur prévient, enfin, de la détérioration croissante de la biodiversité marine et de l'écosystème du golfe de Tunis; un acheminement quasi certain en l'absence de solutions durables et d'une politique d'assainissement respectant l'environnement. Des polluants à couper le souffle... Pour sa part, le Pr Néjib Mrizak, membre de l'ASE et chef de service de la médecine du travail au CHU Farhat Hached à Sousse, a parlé de la pollution marine d'origine industrielle. Il a indiqué que l'industrialisation à outrance est, indéniablement, une source de toxicité et de pollution chimique ; deux phénomènes qui impactent négativement sur l'environnement, sur la santé de l'homme et des êtres vivants. La pollution marine, elle, est doublement dangereuse, dans la mesure où l'eau est à la fois source de vie mais aussi un composant essentiel aux réactions chimiques. En Tunisie, la pollution d'origine industrielle est répandue. Elle envenime l'environnement dans la région de Sfax. Le Pr Mrizak cite plusieurs types de polluants, notamment les polluants microbiologiques, les polluants chimiques, thermiques, radioactifs, bactériologiques et viraux. Rejetés en mer, ces polluants surcontaminent l'eau, la faune et la flore. Parmi les polluants les plus redoutables sur la santé figurent les métaux lourds comme le cadmium, l'arsenic, et le mercure.