Les toiles qui nous sont présentées relèvent toutes d'une étonnante technique. Un fil à plomb imbibé de peinture, tendu, puis relâché projette sur la toile des lignes d'une étonnante régularité nées de cet impact. Au début le clou. Métal, silex, cristal de roche, fondu dans une masse, tordu en une chaîne à l'infini, acéré, étincelant, cruel, coupeur de routes, que ce soit celles de la communication, celles des origines, celles de la filiation, celles du langage, le clou de Yazid Oulab s'enfonce et se suffit à lui-même, inaltérable, inextricable, né de lui-même et se reproduisant à l'infini par une génération que l'on imagine spontanée. Yazid Oulab, et le nom lui-même se martèle, a fait du clou sa langue première, son alphabet originel. Un galeriste subtil lui avait demandé un jour : «D'où êtes-vous ? Quelle histoire avez-vous de la peinture ? Vous êtes un peuple des lettres et non des images. Ne craignez-vous pas de singer à l'infini un art occidental loin de vous ?». Déstabilisé, Yazid Oulab quitte le monde des images, et revient à la quête première : celle de la langue. Il s'agit pour lui d'une quête vitale : réapprendre à parler, pour réapprendre à écrire. Cette quête le mène très loin jusqu'à l'écriture cunéiforme des Sumériens. Revenu au début de toutes choses, il façonne de ses mains des clous comme autant de Alif, ou début de l'alphabet, pour re-graver l'écriture. Cette démarche cependant ne s'avère pas innocente. Et de cette quête des origines, de cette fascination des commencements, du silence assourdissant des premiers signes naîtra une fascination pour le soufisme, son silence et sa solitude. Yazid Oulab n'en quitte pas pour autant le rapport à la peinture avec une obsession, s'en libérer pour pouvoir mieux peindre. Les toiles qui nous sont présentées à la galerie Selma Feriani relèvent toutes d'une étonnante technique. Un fil à plomb imbibé de peinture, tendu, puis relâché projette sur la toile des lignes d'une étonnante régularité nées de cet impact. Ce mouvement obsessionnel de l'artiste est reproduit par la sculpture de barbelés montrant le geste de la main. Et en fait, tout se tient. La démarche, qui aurait pu sembler à première vue éparse, est le corollaire d'une profonde remise en question, de l'exploration de voies antiques qui redeviennent d'une étonnante modernité, de la redécouverte par un artiste contemporain des gestes premiers.