Un jugement se fabrique, une bonne réflexion ne s'invente pas … Il y a un vrai sujet de réflexion sur l'équipe de Tunisie et notamment, sur la culture de la réussite à laquelle elle devrait souscrire, indépendamment de tout ce qui se trame ici et là au profit des enjeux diverses. Plus qu'une réflexion de résultats ou de matches, l'équipe de Tunisie offre les contours d'un étonnant sujet de débat autour duquel apparaît un champ d'action toujours renouvelé à travers les avis des uns et des autres. Quand le sport dépasse le sport, il s'aventure souvent dans les chemins annexes où se mêlent les volontés et les réalités. Et les interprétations tiennent souvent plus de place que les rebonds de la balle. A peu près mot par mot, nous avons souvent entendu le même discours, la même démagogie, le même populisme au sujet de la sélection, mais au cœur de la compétition, venait toujours la vérité… De nouveaux constats surgissent, laissant penser que l'équipe de départ n'était qu'une réflexion de départ. Dans ce monde qui rend l'échec inacceptable, seule la victoire est belle. La défaite est tellement stigmatisée que le risque d'être perçu comme un perdant peut devenir insupportable. On se souvient encore de tout ce qui a été dit et écrit après la défaite devant le Botswana. En ce moment -là, on donnait l'impression d'avoir oublié que les sportifs ne sont pas seulement dans une quête de résultat, mais aussi d'émotion. Revirement total à N'Djamena où on a vu des "guerriers". Cette fois, on n'a pas eu peur d'écrire ce mot terrible. Pour certains observateurs et surtout commentateurs de télévision, c'est un beau nom pour définir le caractère d'hommes "allant au bout d'eux-mêmes". Le portrait de ces "vainqueurs" qu'en ont tire les gros plans de télévision et à travers lequel on dessine les traits "d'hommes lutteurs avec la plus extrême détermination et défendant sans répit leurs couleurs". Il faut dire que réfugié dans la chaîne satellitaire du pays hôte, nous n'avons pas manqué de constater que les visages exprimaient un vrai don de soi sur un terrain et dans un environnement où il fallait à tout prix faire reculer la douleur. A voir la souffrance ruisselante des joueurs et leur esprit de résistance intact, on ne manquait pas de deviner qu'ils étaient, au contraire de leurs précédentes prestations, à l'unisson. A croire les sociologues qui font du sport un sujet d'étude, les matches internationaux refléteraient l'esprit des nations. Qu'ils nous autorisent donc à considérer que ce Tchad-Tunisie, où tout pousse à la recomposition et à la reconstruction, constitue une bonne matière de réflexion sur la façon avec laquelle on juge les équipes, les joueurs et le comportement de tout un ensemble. Emettre une critique sur une équipe qui perd, c'est provoquer en quelque sortes "le fantôme" de ses temps de force. Mais le devoir de pointer ce que nous considérons comme des erreurs, des manquements ou même des dérives ne devrait pas pour autant servir pour suivre le courant des hostilités dans lesquels se baignent depuis quelque temps les commentaires des consultants et quelques figures. Ceux qui s'érigent en protecteurs, en paratonnerres de la sélection au non de l'intérêt supérieur du football tunisien, se trompent de vocation. Ils incarnent un manque d'envie et de dimension. Et dire que ça serait tellement mieux si on acceptait le débat des idées, les questions de fond. Si on utilisait le sens de la formule pour éclairer l'opinion plutôt que pour éteindre la lumière. Dans le football, comme partout, on a la mémoire sélective et l'oubli préférentiel. Qu'une équipe parvienne à réussir ou à se planter, on trouvera toujours quelqu'un pour affirmer. "Je vous l'avais dit". Il faut faire le pari des idées et comprendre qu'il ne faut pas simplement produire des clichés valables pour toutes les équipes et pour des différents matches. Aujourd'hui, savoir parler ne suffit plus. Un jugement se fabrique, mais une bonne réflexion ne s'invente pas …