Par Samira DAMI La 26e édition des JCC (du 21 au 28 novembre) a vécu, s'achevant dans les conditions exceptionnelles que l'on sait : sous l'état d'urgence et un couvre-feu sur le Grand-Tunis. Cela suite au lâche attentat perpétré, le mardi 24 novembre, à Tunis, contre le bus de la garde présidentielle qui s'est soldé par un bilan tragique de 12 morts et 20 blessés. Ainsi, en dépit de ce drame national, la manifestation cinématographique s'est poursuivie dans une volonté claire et nette du rejet de toute capitulation face à l'obscurantisme et de résistance au terrorisme qui n'a pour buts que de semer la mort, le chaos et la destruction et de bannir toute expression de la vie. or, on le sait, «quand on aime la vie, on va au cinéma». Et les Tunisiens, dont notamment les cinéphiles, ont (dé)montré, en se ruant vers les salles le lendemain même de cet acte perfide et barbare, leur amour intense de la vie et du 7e art. Voilà qui réjouit et rassure à la fois. Toutefois une question taraudait l'esprit des uns et des autres : l'affluence-record du public (150.000 spectateurs, durant la semaine des JCC) allait-elle perdurer dans la foulée de la manifestation ou alors complètement s'émousser et retomber comme un soufflé, comme de tradition après chaque édition des Journées cinématographiques de Carthage ? La question s'imposait d'autant que nous avons observé que même les films les plus courus, durant le festival, n'arrivaient plus à drainer le public, une fois les JCC terminées. Et la réponse n'a pas tardé à travers l'exemple concret de la sortie du film tunisien Les frontières du ciel (Chbabek el jenna) de Farès Naanaa, produit par Cinétéléfilms (Habib Attia) sur les écrans, depuis lundi dernier, dans la foulée des JCC, dans 8 salles à travers le pays (Tunis-Sfax-Bizerte). Cet opus qui réunit dans les principaux rôles Anissa Daoud et Lotfi Abdelli a drainé, durant le premier jour de sa sortie, trois mille (3.000) spectateurs. «Un record d'affluence, selon des exploitants de salles, surtout si l'on prend en considération l'état d'urgence et le couvre-feu sur le Grand-Tunis». Mieux «la plupart des salles où passe le film affichent complets jusqu'à aujourd'hui dimanche, tous les billets ayant été vendus». Voilà qui promet. Raisons de l'affluence du public Comment expliquer cette fréquentation importante qui rompt avec la tradition de faible affluence du public vers les salles justes après les JCC? Quelques facteurs pourraient mettre au clair les raisons de ce désir de cinéma du public : d'abord, il s'agit d'un film tunisien et qui, de surcroît, a interpellé et ému le public lors de sa projection durant les JCC. Cet opus «oublié du palmarès» a bénéficié à l'évidence d'un bon bouche à oreille, outre les échos positifs rendus par la critique nationale dans les médias. N'oublions pas, ensuite, que l'interprète principal de Les frontières du ciel n'est autre que Lotfi Abdelli, une vedette qui attire les foules, mêmes s'il campe ici, un rôle à contre-emploi. Enfin le thème du film, soit un jeune couple face à la mort de son enfant unique, interpelle et ne laisse jamais indifférent. L'enjeu thématique se focalisant sur le couple, la famille, en un mot l'humain, rompant, ainsi, avec les thèmes des derniers films tunisiens pour la plupart braqués sur la révolution et dont le public s'est, carrément, lassé. Au final, cette affluence notoire pour un film tunisien contribuera, certainement, à réconcilier le public, avec le cinéma national et à (re)créer une dynamique dans le secteur de l'exploitation. Car sans salles et sans public il ne peut y avoir de cinéma. Donc de production qui a besoin que les écrans s'allument de nouveau pour exister et perdurer. Espérons que cet engouement et cet intérêt du public pour le cinéma national continuent de plus belle lors de la sortie d'autres nouveaux films tunisiens!