Depuis 2015, Nabeul vibre par amour pour la harissa, le temps d'un festival annuel qui s'étale sur 4 jours. En 2020, cette manifestation culinaire n'a pas manqué à l'appel du 1er au 4 octobre et s'est même adaptée à la conjoncture difficile. Une édition virtuelle spéciale a touché à sa fin, après 4 jours de rencontres scientifiques entre conférenciers et «Show Cooking» tenus par des artisans triés sur le volet. Le festival est à la portée de tous d'un simple clic ! Accessible à travers les écrans, l'Association pour la Sauvegarde de la Ville de Nabeul (Asvn), organisatrice de cette édition, s'est pliée aux règles sanitaires de lutte contre le Covid-19 en s'emparant de Dar Nabeul, située en plein centre de l'ancienne médina, et en accueillant le moins de monde possible sur place. Porte semi-fermée, seuls les organisateurs, équipe technique et invités programmés, sont présents : peu de stands sont exposés avec l'adresse de différents artisans ou producteurs d'Harissa, prêts à livrer des commandes à domicile. Toujours dans l'enceinte de l'espace central aéré de Dar Nabeul, un stand principal filmé voit défiler différents gastronomes tunisiens. Débats et conférences se sont déroulés les matins à effectifs réduits et démonstrations culinaires se sont déroulées les après-midi. Ce festival gastronomique local s'est imposé rapidement et a appuyé le dossier de candidature déposé pour l'inscription de la harissa «Savoir, savoir-faire et pratiques culinaires et sociales» dans la liste représentative du patrimoine culturel de l'humanité. Une mesure effectuée avec l'appui de l'INP parue dans la Convention pour la Sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) adoptée par l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco). L'équipe organisatrice a maintenu cette édition pour ne pas perdre en visibilité et afin de préserver la santé de tous. Pari gagné, même si la digitalisation du festival peut ne pas être du goût de tout le monde. La manifestation d'habitude ravive le lieu, rassemble festivaliers et acheteurs amoureux de la harissa et draine de nombreux curieux-participants aux échanges à caractère historique menés par des spécialistes/chercheurs autour de ce produit. En tant qu'invités, des chefs de renom tunisiens ont répondu présent comme Gilles Jacob Lellouche qui a, en premier lieu, présenté son livre «Lettres de Noblesse de la gastronomie tunisienne» publié chez Editions Dar el Dhekra 2019 : il s'agit d'un ouvrage gastronomique doublement lauréat aux Gourmands World Cookbook Awards 2020 dans les catégories «Afrique» et «Littérature culinaire» enchaînant ensuite avec la préparation des Cannoli farcis à la confiture de la Harissa. L'artisan culinaire, Foued Frini, a pris la relève pendant la même après-midi en préparant un «Lablabi Bread Ball»; enfin, place à un duo de père/fils chefs-cuisiniers, M.Faouzi et Mehdi Attia : un plat gastronomique tunisien-français-asiatique distingué a été cuisiné à quatre mains. Il s'agit d'une salade de Borghol aux légumes mariniers dans l'esprit d'un torchi. Du Borghol cuit à la vapeur assaisonné par une huile piquante (huile infusée à froid au piment fort, romarin et gousse d'ail écrasée), avec un zeste d'orange, de citron vert, d'oignon, de sel et poivre blanc. Makrem Ben Ayed, burgerman tunisien connu, initialement programmé, n'a pu venir. La veille, dans l'après-midi du 2 octobre, des femmes ménagères et passionnées de la cuisine nabeulienne se sont appliquées à confectionner différents plats piquants typiquement nabeuliens. Un atelier de fabrication d'Harissa traditionnelle a eu lieu et des chefs professionnels, comme Moez Baklouti et Asma Laajimi Bey, ont répondu à l'appel. L'aspect scientifique de la manifestation cette année était présent en faisant appel à des historiens, docteurs, chercheurs et universitaires afin de débattre de différents axes autour de la gastronomie piquante et autres. Le docteur Riadh Mrabet de la faculté des Lettres de Kairouan a évoqué pendant le 1er jour les traditions culinaires du Moyen-Age. Dr Adel Njim a parlé de la cuisine de l'Afrique du Nord antique. Intervention intéressante de Mme Ismahen Ben Barka chargée de recherche à la direction centrale de l'INP : elle est revenue sur les démarches effectuées afin d'inscrire la harissa dans la liste représentative de l'Unesco. L'histoire du marché du piment à Nabeul a été décortiquée par Dr Anouar Marzouki. Sans oublier l'intervention du nutritionniste Jabeur Denguir. «La mobilisation des médias, des pages de Nabeul sur Facebook ont donné du peps à cette édition. Rien ne remplace la présence physique : on aurait aimé avoir autant de festivaliers avec du live streaming, mais on s'adapte aux circonstances et aux difficultés. Il faut cohabiter désormais avec le Covid-19. L'une des composantes principales de cette manifestation, c'est l'aspect scientifique en espérant qu'à travers le live streaming, on a pu diffuser les débats. Ce qui a manqué, c'est clairement le public et le côté animation de rues, hélas!», déclare Zouhair Bellamine, président de l'Asvn, l'association organisatrice. «Nous donnons de la visibilité aux artisans et artisanes de la harissa à travers cette édition digitale en communiquant leurs adresses. Les achats ne pouvant se faire sur place, il a fallu agir autrement. Notre nouvelle chaîne Youtube permettra aux festivaliers de ne rien rater de l'édition», cite Ahmed Bouhnek, directeur de l'édition de 2020. La harissa est un patrimoine national à préserver. Son inscription dans le patrimoine immatériel de l'Unesco reste très importante.