La loi de finances 2016 adoptée par le Parlement, jeudi 10 décembre, pourrait être l'objet, d'ici le 15 du mois, d'un recours d'inconstitutionnalité. Les députés de l'opposition assurent élaborer actuellement le texte du recours qui sera soumis, dans les délais, à l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois S'achemine-t-on vers le remake de l'affaire de la loi organique portant création du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui a été attaquée à l'issue de son adoption au palais du Bardo, auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois par trente députés l'estimant non conforme à la Constitution du 27 janvier 2014 ? La question s'est imposée dans la mouvance de l'adoption, jeudi, par l'ARP de la loi de finances 2016 dont l'article 61, considéré par les députés de l'opposition comme l'article de la discorde. Les députés de l'opposition sont unanimes : «L'article 61 de la loi de finances 2016 est venu instaurer l'essentiel du contenu du projet de loi de Béji Caïd Essebsi sur la réconciliation économique qui a suscité une grande polémique quand il a été dévoilé à l'opinion publique. Aujourd'hui, on y revient, à travers la loi de finances 2016, pour blanchir les Tunisiens coupables de crimes de change. En plus clair, on autorise les contrevenants à la loi à rapatrier l'argent sale et on ferme les yeux sur leurs crimes. Une amnistie pure et simple en faveur des corrompus. Et l'opposition ne peut en aucune manière accepter que la supercherie soit avalée par l'Assemblée des représentants du peuple». Le recours sera déposé dans les délais Du côté de l'opposition, on apprend que trente députés (le nombre minimum requis) «ont déjà donné leur accord pour déposer un recours pour inconstitutionnalité de la loi de finances 2016 auprès de l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois. La loi nous accorde un délai de cinq jours à compter de la journée de l'adoption de la loi en question (jeudi 10 décembre) pour déposer notre recours auprès de l'Instance». Une source proche de l'opposition confie à La Presse : «Pour le moment, nous sommes en train de consulter les juristes afin d'élaborer le texte du recours. Ce qui est sûr, c'est que notre recours sera déposé dans les délais légaux». Elle ajoute : «Nous considérons que l'article 61 de la loi de finances est contraire à l'esprit général de la Constitution qui incite à la lutte contre la corruption et à la sanction des contrevenants à la loi de change. D'autre part, nous considérons qu'il existe une erreur au niveau de la forme puisque l'article incriminé n'a pas été proposé par le ministre des Finances, le seul habilité à le faire. On peut dépasser les délais Il est plutôt l'œuvre d'un parti politique qui cherche une astuce législative pour que les corrompus soient lavés et échappent à la justice». Reste à savoir maintenant comment va procéder l'Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois pour l'examen du recours de l'opposition, de manière à ce que les délais relatifs à la promulgation de la loi de finances 2016 soient respectés. En plus clair, l'Instance peut-elle faire prolonger les délais ou est-elle tenue de rendre son avis (validation ou rejet du recours de l'opposition) dans un délai déterminé ? Le constitutionnaliste Jawher Ben M'barek précise : «Cette fois-ci, l'Instance est obligée de rendre son avis dans un délai compris entre 3 et 5 jours. Au cas où le recours de l'opposition serait déclaré recevable, l'Assemblée des représentants du peuple est tenue de réexaminer la loi en question et de l'adopter, avant le 31 décembre 2015. Mais avant que la loi ne soit réexaminée et réadaptée, le parlement est tenu de faire parvenir à l'Instance le nouveau texte conformément aux rectifications qu'elle a ordonnées». L'année 2015 peut-elle expirer sans que le pays soit doté d'une loi de finances pour 2016 ? «Oui, l'année 2015 pourrait expirer sans loi de finances pour le compte de 2016 au cas où l'Instance de contrôle de constitutionnalité des lois trouverait que les correctifs demandés n'ont pas été pris en considération. Dans ce cas, le gouvernement a la possibilité de faire entrer en vigueur la loi sur le budget de l'Etat pour 2016 par tranches de trois mois chacune. Le chef du gouvernement procédera, dans ce cas, par décret-loi portant, chaque fois, sur une période de trois mois en attendant que la loi de finances soit adoptée dans sa totalité».