Finalement, l'Utica a décidé d'accorder une augmentation de l'ordre de quarante dinars par mois aux salariés du secteur privé. Mais à condition que le gouvernement prenne à sa charge le dossier des entreprises privées qui risquent de fermer Mardi 22 décembre, les membres de la commission administrative nationale de l'Union générale tunisienne du travail (Ugtt) réunis à Hammamet pour décider de l'action à entreprendre face au blocage des négociations salariales dans le secteur privé se sont séparés, au bout d'une journée entière de dialogue, d'échanges et de palabres, sur une décision qui laissait la porte ouverte à la poursuite des tractations entre la centrale syndicale ouvrière et l'Utica, à travers la présidence du gouvernement. La commission administrative nationale a opté, en effet, pour le retour aux grèves interrégionales sans pour autant fixer un calendrier qui organisera ces mouvements. «Le calendrier sera fixé lors d'une prochaine réunion de la commission», ont fait savoir les participants aux assises de Hammamet. Le message est on ne peut plus clair et précis : l'Ugtt espère toujours voir l'Utica revoir ses positions et accepter officiellement la proposition-médiation faite par le chef du gouvernement. Le message semble avoir été perçu comme il se doit par l'Utica. Hier, la présidente de la centrale patronale a annoncé que l'Utica «servira aux salariés du secteur privé les quarante dinars promis mais à condition que le gouvernement trouve une solution aux entreprises en difficulté qui risquent de mettre la clé sous le paillasson». Du côté de l'Ugtt, on pousse un ouf de soulagement. Toutefois, un autre problème surgit : «Les négociateurs de l'Ugtt et de l'Utica doivent se rencontrer de nouveau pour convenir de la date à partir de laquelle les salariés percevront leurs majorations pour le compte de l'année 2015», souligne Sami Tahri, porte-parole de l'Ugtt. Quand la menace de la grève planait Retour sur les événements qui ont émaillé la journée du mardi 22 décembre au cours de laquelle les salariés du secteur privé étaient suspendus jusqu'à 21 heures pour savoir ce que les membres de la commission administrative de l'Ugtt allaient décider face au blocage persistant, au point que même l'intervention-médiation du chef du gouvernement, Habib Essid, n'a pas réussi à rapprocher les vues des deux antagonistes. Il a, en effet, proposé une solution médiane consistant en une majoration salariale de l'ordre de 40 dinars, alors que l'Ugtt réclamait 60 et l'Utica était partante pour 21 dinars. Finalement, les syndicalistes de l'Ugtt ont accepté l'arbitrage du chef du gouvernement. Du côté de la place Mohamed-Ali, on est convaincu — tradition syndicale oblige — qu'il «est inacceptable que l'année 2015 soit clôturée sans que les salariés du secteur privé (près d'un million cinq cent mille) ne voient leurs salaires augmenter à l'instar de leurs collègues de la fonction et du secteur publics qui ont déjà profité d'une augmentation pour le compte de l'année 2015». Les syndicalistes de l'Ugtt avancent également un autre argument qu'ils ne sont pas prêts à abandonner : «Dans tous les pays du monde, on n'accepte pas une augmentation inférieure à celle servie l'année précédente. Nous avons fait le sacrifice de convenir que les majorations de 2015 soient, au moins, identiques à celles de 2014. C'est la concession majeure au-delà de laquelle nous ne pouvons plus contenir la colère de nos bases», ne cessent-ils de répéter. Sur un autre plan, ils estiment qu'ils n'ont pas été récompensés à la mesure des sacrifices qu'ils ont consentis, «plus particulièrement notre décision d'annuler la grève interrégionale prévue dans le grand district de Tunis le 25 novembre, et ce, à la suite de l'agression terroriste perpétrée un jour auparavant contre un bus de la garde présidentielle à l'avenue Mohamed-V à Tunis». Faut-il rappeler, dans cet ordre d'idées, que la commission administrative de l'Ugtt avait programmé une série de grèves interrégionales tout au long du mois de novembre 2015 (les deux premières s'étant déroulées dans les régions de Sfax pour le Sud et de Sousse pour le Centre) devant être couronnées par une grève générale de tous les travailleurs du secteur privé dans l'ensemble du pays. L'intermède du 10 décembre 2015, jour de l'attribution du prix Nobel de la paix 2015 au Quartette du Dialogue national à Oslo, avait laissé penser à une accalmie entre l'Ugtt et l'Utica et à un possible retour à la table des négociations bloquées à plusieurs reprises, avec davantage de souplesse et de compréhension de la part des négociateurs des deux centrales syndicales, «l'objectif ultime étant de parvenir à un accord consensuel afin d'éviter au pays les tensions sociales en cette période difficile au niveau politique, sécuritaire et socioéconomique», comme l'a rappelé, mardi, Belgacem Ayari, S.G. adjoint de l'Ugtt, chargé du secteur privé, avant le démarrage des travaux de la commission administrative. Du côté de la Cité El Khadhra, les négociateurs de l'Utica, plus particulièrement Khalil Ghariani, président de la commission sociale de la centrale patronale, campent sur leurs positions initiales et assurent qu'ils ne peuvent pas «accorder une augmentation supérieure au montant proposé à l'Ugtt, soit 21 dinars mensuels». Ils ajoutent : «Plusieurs entreprises privées ne sont pas en mesure de servir même les 21 dinars promis par le bureau exécutif de l'Utica». Sauf que Belgacem Ayari a introduit une nouvelle donne au dossier des négociations. Il a, en effet, déclaré : «Beaucoup d'entreprises privées ont déjà servi des avances à leurs salariés pour le compte des augmentations attendues». Qui croire alors ? Les responsables de l'Utica, qui assurent que leurs caisses sont vides, ou les syndicalistes de l'Ugtt, qui donnent l'impression qu'ils sont mieux informés que leurs vis-à-vis de l'Utica ?