Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Tunisie – Kasserine – Bouchebka : Saisie de kits de communication utilisés pour tricher aux examens    Tunisie – Démantèlement d'un réseau de trafic de drogue opérant entre Tabarka et Béja    Le président chinois en visite officielle chez Poutine    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Tunisie – Augmentation des ventes des voitures pour le premier trimestre 2025    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur le nord et le centre    Handball – Coupe de Tunisie : L'Espérance remporte le derby face au Club Africain et file en finale    Tunisie – Demain dernier délai de payement de la vignette pour ce type de véhicules    Victoire capitale pour la Tunisie face au Kenya (3-1) en Coupe d'Afrique U20    Affaire du détenu à Bizerte : le ministère de la Justice dément les allégations de torture    Brésil : un attentat à la bombe déjoué lors du concert de Lady Gaga à Rio    Amnesty International: La liberté de la presse au Bénin menacée, un appel à réformer le Code du numérique    Un bon procès n'est pas uniquement un verdict mais aussi et surtout des procédures et des réponses    Tunisie : Saisie de fausse devise étrangère sur un individu à Ben Arous    Ligue 1 – 28e journée : Le CAB et le Club Africain dos à dos à la mi-temps    Monde: Un lourd bilan humain de plus de 52 mille martyrs à G-a-z-a    Un fonds d'aide pour les personnes âgées en Tunisie : voici tout ce qu'il faut savoir    Ariana : deux syndicalistes du secteur judiciaire traduits devant le conseil de discipline    Deux bateaux chavirent en Chine : environ 70 personnes à l'eau    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Fake news, crise des médias… Zied Dabbar propose un fonds pour protéger l'information professionnelle en Tunisie    Incendies de forêts en Tunisie : appel à une réforme législative pour l'utilisation des drones    Manifestation de soutien à Sherifa Riahi    Interconnexions électriques : les 10 projets géants qui transforment le réseau mondial !    La FAJ appelle à une utilisation responsable de l'IA pour protéger le journalisme en Afrique    Coupure d'électricité aujourd'hui dans plusieurs régions en raison de travaux de maintenance    Des millions d'Israéliens se réfugient dans les abris après la chute d'un missile yéménite près de l'aéroport Ben Gourion    L'Allemagne, première destination des compétences tunisiennes en 2025    Décès du journaliste Boukhari Ben Salah: Hommage émouvant du SNJT    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    Trump se montre en pape sur son compte numérique    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    La Tunisie célèbre 69 ans de diplomatie indépendante    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    La STB Bank plombée par son lourd historique, les petits porteurs à bout !    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mes odyssées en Méditerranée : Paroles d'une « Histoire mineure…»
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 12 - 2020

Il ne faut pas croire que la vie des Siciliens de Tunisie a été un long fleuve tranquille...
Abandonnés par le nouvel Etat italien, qui a connu son unité en 1861, ils décidèrent de quitter leur Sicile suite aux conditions exaspérantes de vie et à la pauvreté vécue au quotidien. La mafia et la mentalité mafieuse qui régnaient sur l'île ne favorisaient pas non plus une bonne intégration dans la société, celle-ci, encore archaïque et féodale, voyait la grande richesse agricole partagée entre quelques grandes familles de la noblesse sicilienne, laissant mourir de faim la plus grande partie de la population. La seule solution était donc celle d'émigrer vers d'autres pays, comme les Etats-Unis, l'Argentine ou bien la Tunisie.
Pour la Tunisie, les avantages étaient représentés par la proximité géographique et le coût presque inexistant du voyage, effectué parfois avec de simples embarcations de fortune et organisé par des passeurs. On se rend vite compte que le « modus operandi » de l'émigrant n'a vraiment pas changé, il est resté, j'oserais dire, le même.
Nul, en effet, ne peut arrêter les flux migratoires, personne n'y a jamais réussi et personne n'y réussira ! Les hommes ont tous le droit à la mobilité, de traverser mers et océans, montagnes et collines. La mobilité humaine ne devrait pas être empêchée par une affreuse et inhumaine politique de visas !
Pour revenir aux conditions de vie de nos Siciliens de Tunisie, le peuple muet, comme on a bien voulu l'identifier, ces Siciliens ont trouvé en Tunisie un terrain favorable à leur intégration, le pays était en pleine construction ; routes, immeubles, infrastructures, bonification des terres marécageuses… Et la main-d'œuvre était vitale pour faire avancer le pays.
Le Sicilien était robuste, fort, peu exigeant quant aux conditions de travail et un simple morceau de pain sec lui suffisait pour travailler durement toute la journée.
Il ne faut pas croire, donc, que les conditions de vie étaient faciles, l'intégration dans un pays si proche ne s'est pas faite du jour au lendemain, le problème de la langue, la discrimination raciale, le dénigrement de la part des autorités coloniales étaient à l'ordre du jour. En effet, le Sicilien occupait une place entre le colonisateur et le colonisé, nous dira le grand écrivain tunisien Albert Memmi, un trait d'union entre les Français et ce qu'on appelait à l'époque « les Arabes », c'est-à-dire les Tunisiens. J'aimerais ouvrir une brève parenthèse à propos du mot « arabe ». Ce terme apparaît pour la première fois sur des documents officiels, au moment de la colonisation de l'Algérie, pour identifier une « race », alors que cette identification est fausse, vu que les races n'existent pas. Quant aux Tunisiens juifs du quartier de « La Hara », ils n'avaient aucun contact ou presque avec les Italiens juifs livournais, appelés « Grana ». « L'explication réside vraisemblablement dans les animosités intercommunautaires qui voient s'opposer les juifs tunisiens habitant donc le ghetto de La Hara à Tunis (les Touensa), dont Memmi est issu, et les juifs italiens (les Grana) qui, tout comme d'autres Italiens aisés, ne manquent pas d'afficher une certaine déconsidération à l'égard des autres ».
«Sale sicilien macaroni, retourne dans ton pays, où on crève de faim» ! Combien de fois et pendant combien de temps, les Siciliens parmi la masse des plus humbles de Tunisie ont entendu prononcer cette phrase ?
Mais si cette attitude raciste pouvait trouver une soi-disant « justification » dans l'attitude que le Sicilien pouvait avoir à l'égard du colonisateur, même si aucun acte raciste ne peut être justifié, celle-ci ne pouvait être tolérée par le Sicilien quand elle se produisait à l'intérieur même de la communauté « italienne », une communauté fracturée, culturellement différente, parlant aussi une langue différente ( les Siciliens étaient siculophones, les « Italiens » livournais, italophones ) qui rendait difficiles toutes sortes de compréhension entre les deux communautés.
En effet, l'écrivain Adrien Salmieri parle « d'une sorte de fracture au sein de la colonie italienne, à un niveau social et culturel, entre une minorité d'enseignants, de notables, d'artisans et de commerçants gravitant autour du consulat d'Italie et de l'association culturelle Dante Alighieri — qui se revendique italienne à part entière — et une masse populaire indifférente, souvent aux identités fragiles, déracinée et sans repères, candidate potentielle à la naturalisation française, car elle trouve au sein de la nation du protecteur les moyens de satisfaire les besoins quotidiens qui lui sont niés. Mais contrairement à la masse d'ouvriers non qualifiés et de travailleurs prolétaires tous secteurs confondus, les quelques Italiens, qui bénéficient d'une situation économique plus aisée, sont à la tête des réseaux associatifs, scolaires, hospitaliers et bancaires italiens créés en Tunisie dès la fin du XIXe siècle.
Maîtrisant l'italien littéraire, ils aiment affecter leur différence par rapport à leurs compatriotes, très souvent analphabètes (estimés à 40% des ressortissants de la colonie au lendemain de la Première Guerre mondiale). Cette minorité italienne de bourgeois, dominée par un clan de notables parmi lesquels on décompte de nombreux Grana, se donne comme objectif de mener, auprès de « ses compatriotes » plus démunis, une campagne civilisatrice parallèle à celle du colonisateur français.
Cela démontre comment les animosités intercommunautaires dans la Tunisie coloniale étaient nombreuses et difficiles à cerner pour « un observateur extérieur », mais c'est grâce au travail des chercheurs sur la mémoire des Italiens de Tunisie que ces différences peuvent être comprises et expliquées au grand public.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.