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Un cauchemar devenu réalité !
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 12 - 2015


Par Hédi Ben Abbes
Loin de moi l'idée de faire de la politique-fiction ou de jouer à l'oiseau de mauvais augure, mais comme le disait jadis le théoricien politique Lénine dans sa Lettre aux Camarades en 1917, « ...les faits sont têtus». Examinons donc ces faits et tentons d'en déduire quelques conséquences quant au devenir politique de notre pays.
Après la vague d'espoir suscitée par l'achèvement de la rédaction de la Constitution, suivie d'élections tenues dans une perspective de stabilisation du pays, il était important d'œuvrer pour faire émerger une coalition susceptible de mettre en place les leviers politiques nécessaires afin de s'attaquer aux véritables afflictions qui gangrènent notre pays, à savoir, le sous-développement humain, l'absence de politique économique à grande échelle et la lutte contre l'insécurité grandissante. Inscrites au cœur de la consolidation du processus démocratique en cours, ces problématiques, résolues, auraient dû témoigner d'une bonne gouvernance et engendrer la citoyenneté pour tous.
Cet espoir tant désiré s'est matérialisé dans une alliance contre nature entre les deux plus grands mouvements politiques sortis des urnes. Ils devaient faire abstraction de leurs clivages idéologiques et devaient donner l'impression que l'intérêt supérieur du pays — lutter contre les difficiles situations économique, sociale et sécuritaire — ne laisserait aucune place aux querelles partisanes. Un luxe qu'une démocratie naissante ne peut se permettre !
Cette ossature politique ne pouvait tenir qu'à condition que les parties prenantes gardent le cap en hâtant le mouvement des réformes institutionnelles, économiques et sécuritaires, et en faisant abstraction des enjeux électoraux à venir aussi bien sur le plan partisan que personnel. Mais cela requiert un minimum de pragmatisme, de la grandeur d'esprit, du patriotisme et un sens de la responsabilité chez les acteurs politiques. Un an à peine après l'euphorie de l'espoir, nous nous trouvons, hélas, très loin de cet état d'esprit et les conséquences sont dévastatrices pour le pays.
Les faits, têtus, toujours les faits. Dès le lendemain de l'élection présidentielle, et peut-être même avant, une guerre de succession a commencé. Un processus irréversible s'est enclenché dont nous voyons aujourd'hui les conséquences immédiates. La guerre de succession et une ambiance de fin de règne sont devenues les handicaps majeurs contre toute stabilisation politique du pays et contre toute possibilité de fixer un cap pour s'occuper des vrais problèmes.
Cette guéguerre d'infortune se traduit aujourd'hui par l'implosion de Nida Tounès sur fond d'interférences des lobbies ploutocrates et mafieux. A cela, s'ajoute l'incapacité d'un président de la République à jouer pleinement son rôle (scénario que j'avais déjà annoncé dans des articles précédents, La Presse les 4/7/2014, 28/5/2015, 5/7/2015, 15/8/2015 et 21/9/2015).
En dépit de l'apparent conflit sur la ligne politique du parti, la véritable raison de l'implosion de Nida demeure bassement mercantile sur fond d'intérêts personnels, au sens stricto sensu. L'impossibilité de s'entendre sur les conditions de la légitimité de l'équipe dirigeante a empêché ce parti de se restructurer et freiné son ancrage dans le paysage politique pour jouer le rôle qui lui a été dévolu par les urnes. Les raisons sont toujours les mêmes, chaque camp dans cette guerre intestine a voulu se doter des moyens qui lui garantissaient de mettre la main sur l'appareil du parti pour mieux se servir et servir ses partisans. Le pactole électoral « destourien » semble encore une fois faire l'objet de la convoitise de tous les opportunistes et de tous les mafieux qui gravitent autour. Résultat des courses, le parti est scindé en deux, voire en trois blocs. D'où la rupture avec la politique de consensus et l'amorce de la politique de confrontation.
Aujourd'hui, le président de la République est sorti de son rôle de président de tous les Tunisiens et de toutes les Tunisiennes et semble avoir pris le parti d'un des clans rivaux qui se disputent le cadavre d'une Tunisie déjà à terre. Et un nouveau rapport de force est en train d'émerger. D'un côté, les opportunistes qui semblent avoir trouvé un nouveau cheval de Troie qu'ils espèrent proposer comme légitime successeur au président actuel. Il s'agit là d'une sorte de népotisme nouvelle génération ! De l'autre, les dissidents qui se revendiquent comme les gardiens de la ligne politique qui a porté Nida au pouvoir et qui puisent leur légitimité dans ce terreau idéologique pour attirer les déçus du Nida saison une.
Pendant ce temps, Ennahdha, qui ne fait confiance ni aux uns ni aux autres, regarde avec une distance prudente le paysage politique émergeant en essayant de voir comment en tirer profit. Il est à noter que cette situation profite pleinement aussi bien aux mafieux qu'aux terroristes. Les premiers profitent du chaos actuel pour étendre leur pouvoir au sein de l'appareil de l'Etat à coups de corruption, de menaces, de dossiers à sortir, voire de crime organisé. A telle enseigne qu'après l'économie parallèle et ses structures de contrebande, nous avons aujourd'hui une diplomatie parallèle, celle des réseaux miliciens aussi bien dans le pays, qu'en Libye, leur terrain de prédilection.
Quant aux terroristes, ils profitent du chaos actuel dans toutes les structures de l'appareil de sécurité en partie convoité par la mafia. Ils usent de la rupture de la chaîne de commandement pour mieux s'organiser et s'implanter durablement dans le pays. Ils assurent une continuité territoriale et opérationnelle avec la nouvelle filiale de Daech fraîchement installée en Libye et dont l'essentiel de l'équipe dirigeante est formée de Tunisiens aguerris par tant d'années d'expérience dans les théâtres de confrontation au Moyen-Orient.
Convergence d'intérêts entre les mafieux et les terroristes, c'est aujourd'hui une réalité. Tous deux cultivent le chaos dans la perspective de détruire l'Etat de l'intérieur par l'infiltration et la corruption, ou par la violence, et souvent le tout à la fois. Tous deux sont jusqu'au-boutistes, engagés dans une lutte à mort contre l'Etat de droit.
Sur le plan politique, voilà ce qui se prépare inéluctablement à court terme. Un Nida bis contrôlé par les « néo-progressistes » dont la ligne politique va puiser dans le fonds de commerce original de Nida, à savoir l'anti-Ennahdha. Ils vont de ce fait siphonner une bonne partie des déçus de Nida version une. Ils n'auront alors comme autre choix que de tirer à boulets rouges aussi bien sur Ennahdha que sur leur ancien mentor et ses acolytes à la présidence de la République. De l'autre, les tenants d'une politique d'alliance conjoncturelle avec Ennahdha et qui verront dans la scission une opportunité de se positionner pour obtenir par cette nouvelle configuration les postes dont ils ont été privés jusqu'à présent. Monsieur Béji Caïd Essebsi, peut désormais organiser le congrès électif de son parti assuré de la victoire du clan de son fils, maintenant que les sérieux rivaux ne sont plus là.
Quant à Ennahdha, elle-même prise au piège avec ses divisions internes sur la mutation ou le statu quo, elle ne pourra faire confiance ni aux uns pour les raisons politiques invoquées ci-dessus et encore moins aux autres, qu'elle considère comme des opportunistes sans foi ni loi.
C'est ainsi que certains de nos représentants politiques ont réussi à rompre le peu de confiance durement construite et qui avait un temps fait progresser le processus démocratique. C'est ainsi qu'on va rentrer dans une confrontation dont personne ne sortira indemne et certainement pas la Tunisie. C'est ainsi que notre classe politique élue va concourir à livrer l'Etat aux lobbies et fragiliser nos institutions au profit des terroristes. C'est ainsi qu'on va retirer au gouvernement sa légitimité et lui ôter toute capacité de faire face aux innombrables défis qu'il reste encore à relever.
Et pourtant, les solutions existent et elles résident plus que jamais dans les mains d'un seul homme. Cette personne, c'est le président de la République. Espérons qu'il changera et qu'il pensera un tant soit peu à la Tunisie.
Après l'intervention télévisuelle à laquelle nous avons assisté hébétés en voyant un président au plus fort d'une grave crise sécuritaire, sociale et économique, tenir le perchoir pour nous parler de son parti en faisant fi de toutes les règles de déontologie politique et de droit, nous sommes tous en droit de nous demander aujourd'hui ce qu'il attend pour assumer les responsabilités pour lesquelles il a été élu. On aurait peut-être préféré, à la limite, l'entendre dire que seule la démocratie interne peut résoudre le problème de Nida selon les normes en vigueur et dans le cadre d'un congrès organisé sous le contrôle d'observateurs non partisans. C'est le prix à payer pour faire émerger une direction légitime qui peut stabiliser le parti et, par là même, stabiliser le pays. A l'inverse, il a choisi la division avec une arrière-pensée népotique.
Il aurait pu aussi se libérer de l'influence des lobbies tout en se hissant au-dessus de la mêlée pour agir en tant que président de tous les Tunisien(ne)s, brandir la menace du chaos qui guette le pays et mettre ainsi chacun de nous devant ses responsabilités.
Il aurait pu mettre le costume de chef de l'Etat garant de l'unité du pays, de sa sécurité et de sa stabilité. Il aurait pu assumer ses fonctions conformément à la Constitution en se portant garant du processus démocratique et de sa progression.
Il aurait pu se doter de moyens humains et techniques pour assurer la sécurité du pays. Il aurait pu fixer le cap d'une politique étrangère claire et prudente, dont l'unique objectif serait l'intérêt réel de la Tunisie.
A la place de toutes ces prérogatives, les Tunisiens n'ont droit qu'à une parodie sans contour, un mimétisme pathétique et désolant, une Présidence tellement éloignée et décalée qu'elle fait passer la médiocrité de la présidence précédente pour un âge d'or !
« Oublier son histoire, c'est être obligé à la revivre », disait Churchill. Il semble évident que nous n'avons rien retenu de notre histoire. Les vieux démons sont encore bien enracinés dans la culture politique d'une génération aussi anachronique que bien peu patriotique. A l'heure où on a besoin de changer de paradigme, de faire de la politique autrement, de devenir adultes et responsables, on assiste impuissants aux expressions les plus irresponsables et les plus criminelles que la Tunisie n'ait jamais connues. A quelques exceptions près, du sommet de l'Etat jusqu'au dernier arriviste venu, rien ne laisse présager un avenir positif pour notre pays.
Monsieur le Président élu, votre responsabilité est historique.
Le pays est dans le gouffre et les menaces qui pèsent sur la Tunisie sont multiples et ne relèvent plus de la spéculation. Assumez vos responsabilités ou déclarez votre incapacité à gérer une situation devenue incontrôlable et faites ce que la Constitution vous oblige à faire dans pareil cas. Vous n'avez pas le droit de rester spectateur du drame qui se déroule sous vos yeux et encore moins être un acteur partial.
A vous suivre, et dans peu de temps, il n'y aura même plus d'Etat à gouverner et donc aucun enjeu qui vaille la peine de faire courir de tels risques à la Tunisie.
Donnez à votre gouvernement le soutien politique nécessaire à son action !
Cherchez en vous ce sursaut patriotique avant qu'il ne soit trop tard pour que l'on ne revive pas une certaine période de notre histoire et les affres de la guerre civile qui sévit tout autour de nous. Pensez au scénario yéménite, aux conséquences du népotisme syrien et libyen. Pensez au nouveau rapport de force que vous êtes en train de créer dans le pays et à ses conséquences dont les plus inéluctables sont l'immobilisme de tout l'exécutif, la prolifération des lobbies mafieux, le délitement de l'Etat et le développement du terrorisme avec toutes les conséquences connues d'avance sur l'économie du pays et sur la paix civile.
Si je m'adresse à vous en ces termes et avec respect, c'est parce que vous êtes le seul aujourd'hui —paradoxe d'une transition qui ne finit pas de finir— à avoir la possibilité de stopper ce lent glissement vers un chaos organisé et souhaité par certains. Car, en l'absence d'institutions démocratiques dignes de ce nom, l'action des hommes reste relativement déterminante.
C'est bien là tout l'enjeu qui consiste à créer les conditions nécessaires à l'avènement de l'Etat de droit qui place les institutions au-dessus des individus. En attendant, on s'en remet à vous, faute de pouvoir nous en remettre à un Etat protecteur.
Nous pensions que le processus démocratique était bien lancé et que l'ensemble des forces vives du pays pourraient se consacrer à la gestion de la sécurité et au développement économique de toutes les régions. Mais voilà, nous sommes revenus à la case départ puisque les codes d'une politique passéiste s'invitent de nouveau à la table de la démocratie naissante et de la pire des manières qui soit.
Notre Tunisie déjà blessée ne mérite pas un tel outrage, un tel retour en arrière avec tous les désastres qu'ils engendrent. Ni le peuple, ni l'histoire ne peuvent pardonner les défaillances commises à l'égard de notre chère patrie.
*(Universitaire et dirigeant d'entreprise)


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