Le pétrole représente avec le gaz plus de la moitié des revenus budgétaires du pays. Or le budget 2016 et les prévisions ont été bâtis sur un baril d'or noir à 50 dollars... Le rouble et la Bourse de Moscou ont plongé vendredi dans le sillage des prix du pétrole, dont la chute assombrit les perspectives économiques de la Russie et pose des «risques sérieux» pour le budget selon le Premier ministre, Dmitri Medvedev. Ce début d'année prend une tournure cauchemardesque pour les Russes, confrontés depuis un an à une grave crise économique qui a fait chuter leur pouvoir d'achat, et qui voient s'éloigner chaque jour un peu plus toute perspective d'accalmie. Après une séance noire déjà lundi, l'indice RTS (libellé en dollars) de la Bourse de Moscou a cédé 5,8%. L'indice Micex (en roubles) a perdu 4,3%. L'euro a franchi successivement les seuils de 84 puis 85 roubles, montant jusqu'à 85,30 roubles, tandis que le dollar a touché 77,82 roubles. Il faut remonter aux pires heures de décembre 2014, soit au moment de l'entrée de la Russie en crise monétaire, pour retrouver de tels niveaux. La monnaie russe a perdu plus de 5% de sa valeur depuis le début de l'année. «Les effets de la baisse du pétrole se font sentir», ont constaté les analystes de la banque Brown Brothers Harriman. «Le sommet historique de 80 roubles pour un dollar devrait être franchi dans les semaines à venir». Le pétrole représente avec le gaz plus de la moitié des revenus budgétaires du pays. Or le budget 2016 et les prévisions économiques du gouvernement ont été bâtis sur un baril d'or noir à 50 dollars, alors que le Brent plongeait à Londres vendredi sous 30 dollars, entraînant les marchés russes dans sa chute. «Les mouvements spectaculaires des cours du pétrole tels que nous les voyons ces dernières semaines, et surtout ces derniers jours, créent de très sérieux risques pour l'exécution du budget», a averti M. Medvedev, cité par les agences russes lors d'un conseil des ministres. La dégringolade des cours du pétrole a changé la donne pour l'économie russe, au moment où apparaissaient des signes de stabilisation à la fin d'une année de profonde récession. Le gouvernement a déjà annoncé cette semaine qu'il prépare des coupes supplémentaires dans ses dépenses. Dmitri Medvedev a répété vendredi devant ses ministres qu'il attendait d'eux des «propositions en vue de diminuer les dépenses et réduire les effectifs de l'administration du gouvernement». L'objectif, a-t-il précisé, est de «diminuer les dépenses non efficaces pour pouvoir remplir les obligations sociales et financer les dépenses protégées (notamment la Défense, Ndlr) même dans une situation aussi difficile». En revanche, il a promis que le soutien au secteur automobile serait «augmenté». Les constructeurs ont fait état jeudi dernier d'une chute de 36% des ventes de voitures neuves l'an dernier et indiqué prévoir un recul de près de 5% cette année. La presse russe a rapporté cette semaine que les ventes de smartphones avaient baissé l'an dernier en Russie pour la première fois. Selon le journal Vedomosti de vendredi, le gouvernement s'apprête à fortement revoir à la baisse sa prévision de croissance du produit intérieur brut cette année, avec une contraction de 0,8% (après -3,7% en 2015), contre une croissance de 0,7% espérée jusqu'à présent. Le pouvoir d'achat des ménages, en forte baisse l'an dernier, devrait encore se dégrader, selon ces nouveaux pronostics. «En l'absence d'un rebond significatif des prix du pétrole, qui semble peu probable, la baisse des dépenses publiques va se prolonger bien au-delà de cette année, en 2017 et 2018», ont averti les économistes du cabinet londonien Capital Economics. «Une conséquence importante de cela, c'est que la politique budgétaire va peser lourdement sur la croissance économique pendant plusieurs années à venir», ont-ils ajouté.