On pourra, toujours, polémiquer autour de l'épineux problème des cours particuliers et des conséquences néfastes sur le crédit à accorder au système éducatif tunisien. Décrié par tous les parents, ce phénomène ne cesse de s'amplifier et de prendre des proportions qui nuisent ouvertement à l'égalité des chances. De ce fait, un système à deux vitesses s'est installé chez nous préfigurant un éventuel enseignement payant. Pourtant, des règlements existent qui fixent des garde-fous devant les enseignants qui exercent ces activités rémunérées. A plusieurs reprises, des ministres avaient affirmé qu'ils allaient s'attaquer à ce fléau en vue, surtout, de l'organiser; ensuite de le confiner dans un espace déterminé. A savoir dans les établissements scolaires tout en astreignant les enseignants intéressés à se conformer à certaines conditions (dont une autorisation officielle). Un ministre a même promis la guerre contre les cours particuliers. Mais comme les responsables à la tête de ce ministère et de tant d'autres ne durent que quelques mois, on ne pourra pas leur demander de rendre des comptes. Toujours est-il que nos élèves, aussi bien des écoles primaires que des collèges ou des lycées, sont pris dans le piège et n'ont d'autres choix que de se plier aux nouvelles exigences de ces cours d'appoint payants. Avec la pandémie, les choses se sont aggravées davantage puisque les parents ont estimé que l'enseignement dispensé à leurs enfants n'était plus suffisant. Il fallait le renforcer par des séances de cours particuliers. C'est ainsi que des enseignants (tant du primaire que du secondaire en passant par le préparatoire) ont commencé à proposer leurs services. Presque toutes les matières étaient concernées. Dans les collèges et les lycées, la situation se présente mal d'autant que l'avenir scolaire des élèves est mis en jeu. Les pratiques utilisées par certains enseignants sont loin d'être honnêtes. On constate que des pressions sont exercées sur les élèves pour qu'ils acceptent de suivre ces cours. C'est, donc, contraints et forcés que de plus en plus de parents se plient à ces nouvelles exigences. La crainte de nuire à leurs enfants les oblige à se taire et à accepter les conditions imposées par ces enseignants. Ils n'osent pas dénoncer les abus qu'ils vivent au quotidien. Ils ne savent pas à qui s'adresser pour éviter d'être pris dans cette spirale infernale. Les chefs d'établissement ne peuvent rien faire de peur de s'attirer les foudres des syndicats. Ces derniers, pour leur part, affichent une position «neutre» et ne se prononcent ni pour ni contre le phénomène des cours particuliers. Toutefois, ce silence peut être interprété comme un silence complice. En tout cas, les autorités sont restées, jusqu'à l'heure, incapables de trouver la parade. En effet, aucun responsable n'est en mesure d'appliquer les dispositions qui existent et qui organisent les cours de soutien. Car, justement, les problèmes sont tellement nombreux que les priorités sont bouleversées. Malgré tout, il y a lieu d'agir, et dans l'urgence. Dans les coulisses On peut comprendre les enjeux qui se cachent derrière les pratiques des cours particuliers quand on sait que tout se joue (dans certains lycées) au moment de la préparation des emplois du temps. En général, le grand public n'est pas au courant de ce qui se passe dans les coulisses. Depuis longtemps, des professeurs ont pris l'habitude de demander aux responsables de leurs établissements des «privilèges» selon lesquels on leur attribue les classes où il y a des élèves des classes terminales ou d'orientation. La chasse à ces classes s'ouvre en été. La rivalité est grande entre les enseignants des matières scientifiques, notamment. C'est à qui arrachera les classes « juteuses ». Bien sûr, ces agissements ne se font pas au grand jour même si les emplois sont, de plus en plus, informatisés. Ce qui ne manquerait pas d'étonner c'est, sans doute, cet échantillon réel d'un enseignant exerçant dans l'un des lycées relevant du commissariat régional à l'éducation de Ben Arous. Il a fait de sa seconde profession (donner des cours particuliers) une véritable occupation. De nombreux groupes d'élèves composés de 8 à 12 membres se relaient à son domicile. Ce qui est plus grave c'est qu'ils sont presque tous ses propres élèves du lycée où il enseigne. Ce qui est strictement interdit. Pis encore, il obligerait ces élèves à s'inscrire dans ces cours en leur donnant, au début de l'année, des devoirs dans lesquels ils n'obtiennent que des notes très basses pour les persuader que des études supplémentaires sont nécessaires. Ils chargent les parents de lui «recruter» le plus d'élèves possibles. Même ses propres collègues sont au courant de ces pratiques mais ne peuvent rien faire. Les parents ne peuvent pas le dénoncer de peur de représailles contre leurs enfants. Dans des classes d'orientation (2e année secondaire, par exemple) des notes inférieures à 10/20 sont distribuées hypothéquant tout l'avenir d'excellents éléments qui projetaient de choisir des filières scientifiques. En effet, dans une classe, la meilleure note n'a pas dépassé… 7/20 ! Cet enseignant ne s'en cache pas, il leur dit qu'ils ne méritent pas les sections scientifiques et qu'ils devraient voir autre chose. «Chez lui quelqu'un qui obtient la moyenne peut s'estimer heureux.» Il y a de quoi saper le moral de plus d'un élève. De nombreuses histoires sont racontées par les élèves à propos de cet enseignant. C'est à se demander comment on peut rester sans réagir alors que tout le monde semble connaître le comportement d'un tel personnage. On se demande, aussi, ce que fait le CRE de Ben Arous dont tous les numéros de téléphone fournis par télécom ne répondent pas. Idem pour le numéro qui est donné sur la page Facebook. Quant aux numéros verts du ministère, l'un est inopérant (1865) et l'autre écoute les doléances sans donner suite (80102520).