Tunisie : vers le forage de 10 nouveaux puits de pétrole à El Borma    Les dossiers de trafic de migrants dominent les activités de la Commission tunisienne d'analyse financière en 2024    Gafsa : saisie massive de viande de volaille dans un abattoir clandestin    L'Europe en alerte : la tempête Benjamin frappe dès jeudi    Grèce : un séisme de magnitude 4,5 frappe l'est de l'île de Rhodes    BH Bank obtient la certification MSI 20000 et confirme sa solidité financière    40 morts dans le naufrage d'un bateau de migrants à Mahdia    Démantèlement d'un réseau international de trafic de drogue à Kairouan    ChatGPT Atlas : le nouveau navigateur d'OpenAI basé sur l'IA qui menace Google Chrome    Quand le trottoir devient un tribunal : l'Allemagne se penche sur le catcalling    La Tunisie première productrice d'huile d'olive biologique à l'échelle mondiale    France : Réouverture du musée du Louvre à Paris après le vol d'un butin d'une valeur de plus de 80 millions d'euros    Divorce par consentement mutuel : ce qui va changer dans le projet de loi sur les notaires    La Marsa : Un homme tué à coups de pierres derrière un hôpital    Les médecins peuvent désormais prescrire des voyages pour la santé mentale dans ce pays...    Ligue 1 – Championnat national – 10e journée – ESS : Remonter la pente    Le Goethe-Institut Tunis propose Deux regards sur l'art contemporain : mémoire, écologie et pratiques curatoriales    Vient de paraître : Une fille de Kairouan de Hafida Ben Rejeb Latta    La Tunisie parmi les 25 meilleures destinations mondiales à visiter en 2026 selon Lonely Planet    Météo en Tunisie : pluies légères, températures en légère baisse    Roche Tunisie ouvre le dialogue sur le cancer du sein en partenariat avec la STOM et le Ministère de la Santé    Succès académique : Tunis El Manar renforce sa place de leader régional !    Après la crise en Tunisie… le comité olympique égyptien renvoie le duo de tennis de table devant le comité d'éthique    Equateur : un séisme de magnitude 6,1 frappe la province côtière d'El Oro    ligue 1 – championnat national – 10e journée (Match retard) – CA-USM (2-1) : A force d'insister...    2e édition du festival international du cinéma du Sahara : L'Algérie à l'honneur    L'Espérance de Tunis ouvre la vente des abonnements "Virage" à partir du 22 octobre    Annonce du Mufti : jeudi 23 octobre, début du mois de Joumada Al-Oula 1447    Huile d'olive, dattes, céréales : La Tunisie en route vers de nouveaux marchés    Gabès : Le peuple et l'Etat unis face à la crise    Un nouveau pont entre l'université et la jeunesse : l'IPSI signe avec l'Observatoire National de la Jeunesse    Wushu Kung Fu : la Tunisie décroche 7 médailles au championnat du monde en Chine    Film Jad : diagnostique de l'état des hôpitaux tunisiens dans un long-métrage qui fait mal    Le titre Plus Belle voiture de l'Année 2025 décerné à deux voitures dans les catégories généraliste et premium    Vient de paraître : Une fille de Kairouan de Hafida Ben Rejeb Latta    Gabès : un centre anticancer et la relance de l'hôpital universitaire en 2026    Sarkozy se rend en prison à bord de sa voiture personnelle    Zoubeida khaldi: La petite gazelle de Gaza    La Tunisie dévoile ses nouveaux maillots pour la Coupe arabe et la CAN 2025 !    L'Amiral Mohamed Chedli Cherif : Il aimait tant la mer, il aimait tant l'armée, il aimait tant la Tunisie    Abdelwahab Meddeb, lauréat du grand prix de la Grand Mosquée de Paris (Vidéo)    Seulement 10 personnes encore détenues à Gabès    Mohamed-El Aziz Ben Achour: La médina face aux malheurs de l'histoire    Kais Saied : le projet de loi de finances 2026 au service de la justice sociale et du citoyen    Pétrole russe : Pékin dénonce les “intimidations” de Trump et défend ses achats “légitimes”    Etats-Unis : la Cour suprême pourrait restreindre les protections électorales des minorités    Tunisie vs Namibie : Où regarder le dernier match qualificatif pour la coupe du monde 2026 du 13 octobre    Tunisie vs Sao Tomé-et-Principe : où regarder le match éliminatoire de la Coupe du Monde 2026    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



«Souk al mout'â» (Le marché du plaisir), recueil de nouvelles en arabe de Mounira Rezgui : Des mots comme autant de réverbères
Publié dans La Presse de Tunisie le 10 - 04 - 2021

Brûlures intérieures et douleurs vives apparaissent partout dans ces nouvelles de Mounira Rezgui. Il n' y a pratiquement pas de place pour la joie ou la gaieté dans l'imaginaire scripturaire de cette autrice. Tout se place sous le signe d'une mélancolie montant du plus profond d'elle-même qui ne s' y étale pas, n'en dit pas beaucoup et évite constamment de faillir au principe fondateur de son écriture nouvellistique qui est ici la poétique de la suggestion, faisant que le sens des mots, comme dans la bonne poésie, est incomplet, suspendu, retenu, connoté ou fragmenté...
«J'ai marché toute seule vers la mer, chaque cellule de mon corps aurait tant aimé rebrousser chemin, s'arrêter, attendre. Je voulais qu'il me rattrapât. Je me suis sentie orpheline et je n'ai pas pleuré. J'ai senti que la couleur verte a disparu de ma vie pour toujours... ».
Il y a là des mots lumineux, judicieusement ordonnés dans des phrases vibrant d'émotion que Mounira Rezgui nous donne à lire, tout aussi bien dans son tout premier recueil de nouvelles « Raihatou el amber » (l'odeur de l'ambre) publié à Tunis, chez Cérès Editions, que dans son deuxième livre au titre non moins accrocheur, « Souk al mout'â » (Le marché du plaisir), édité au Caire, par le Centre arabe de presse et d'édition. Deux écrits de très bon niveau littéraire où la délicatesse des sentiments exprimés n'a d'égale que l'élégance d'une belle langue arabe écrite avec beaucoup de maîtrise et une saisissante poéticité qui est, en somme, le fondement-même de ces textes courts et beaux.
Dans cette longue série, en deux phases consécutives, comprenant 40 nouvelles, Mounira Rezgui, qui est entrée de plain-pied dans la création littéraire, développe sur une toile de fond de mélancolie, discrète et quasi constante, différentes histoires humaines de nostalgie, d'échec, de rêves cassés et de mondes en faillite traversés par des personnages blessés aux visages marqués par les jours de peine et de blessures, par les tristes jours de solitude et de désespérance, ceux, par exemple, de la Palestinienne Imène qui craint de mourir avant de se laver le visage avec l'eau de la patrie (pp. 10-14), ou ceux de la mère de Farah habitée par la fatalité de voir s'éteindre sa fille condamnée par la maladie (pp. 21-25), ou ceux de cette femme qui, après une cascade de déceptions amoureuses, voit son cœur se métamorphoser en un « trottoir froid et boueux » (p. 59), ou encore ceux de ce « je » désabusé qui, face au nouveau monde sans âme, se prend à rêver d'un impossible amour arabe quelque part, à Khân Al-khâlili, dans ces ruelles étroites et chaleureuses, presque mythiques, du Caire.
Brûlures intérieures et douleurs vives apparaissent partout dans ces nouvelles de Mounira Rezgui. Il n' y a pratiquement pas de place pour la joie ou la gaieté dans l'imaginaire scripturaire de cette autrice. Tout se place sous le signe d'une mélancolie montant du plus profond d'elle-même qui ne s' y étale pas, n'en dit pas beaucoup et évite constamment de faillir au principe fondateur de son écriture nouvellistique qui est ici la poétique de la suggestion, faisant que le sens des mots, comme dans la bonne poésie, est incomplet, suspendu, retenu, connoté ou fragmenté : quand il parlait de cet art de la suggestion chez Arthur Rimbaud, andré Guyaux a appelé cette écriture suggestive « La poétique du fragment ». et c'est bien cette poétique-là que nous croyons reconnaître dans les nouvelles alertes et vives, aériennes et limpides de Mounira Rezgui qui a tout l'ait d'avoir bien réalisé que, pour plaire au récepteur, pour agir sur son affect et faire jaillir en lui l'émotion, rien ne servirait d'en dire trop et que la suggestive économie verbale ne peut être que bienvenue dans toute bonne entreprise de création littéraire.
D'une nouvelle à l'autre, Mounira Rezgui continue à développer la même savoureuse poétique de la prose où l'essentiel pour elle ne semble pas être vraiment de raconter des amours brisées, des douleurs ou des joies éteintes, mais de métamorphoser les mots de la narration en des syllabes chantantes et lumineuses combinées avec une souplesse, une plasticité et une légèreté telles que les textes qu'elles permettent de construire, font oublier leur première fonction narrative pour aller s'épanouir dans la poésie et aider à extraire le jour de la nuit. Et le jour dans ces nouvelles correspond à ces vocables qui glissent avec grâce sur le blanc des pages et qui ne livrent, comme nous venons de le soutenir, qu'un fragment de leur signification, laissant dans l'esprit du lecteur une soif délicieuse, celle-là même qui devient charme et qui, peut-être, donne à rêver.
Ecrites en prose, les nouvelles de Mounira Rezgui, dont le talent est déjà bien confirmé, se construisent pourtant sur l'une des figures princières de la poésie qui est la métaphore. Une métaphore qui n'a rien de banal ni d'usé, novatrice et poétisante qui apporte à ces formes narratives, plutôt informes et changeantes, souvent réfractaires à tous les modèles établis, une force imageante et une suave singularité. Car la langue de l'écriture littéraire, celle du plaisir, est faite , comme le note l'autrice en tête de sa troisième nouvelle, de « fils de soie » (p. 16) qu'on tisse avec délicatesse et sensibilité, mais sans exubérance et sans excès.
Désespérément mélancolique et qui semble dissimuler dans ses méandres une secrète blessure personnelle de la nouvelliste, «Souk al mout'à» parvient à verser un baume sur les plaies béantes et à transmuer les mots en des bougies et des réverbères dans le noir de la nuit .
Mounira Rezgui, « Souk al mout'â», Le caire, Centre arabe de presse et d'édition, 2003.
-Mounira Rezgui est journaliste dans le quotidien tunisien de langue arabe « Essahafa ». Elle est titulaire d'un doctorat en journalisme et sciences de l'information. En plus de ses deux recueils de nouvelles, elle a publié aussi, en 1988, une monographie sur l'animateur et producteur de la Radio nationale tunisienne, feu Salah Jegham. En 2009, elle a édité à Tunis, chez « Sahar », son roman « Qalilon mina erraghba » (Un peu d'envie ou un peu de désir).


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.