Chaque année, le ministère de la Santé publique enregistre 400 plaintes dans le secteur public, dont 250 relatives à des suspicions d'erreurs médicales. Un peu trop pour un secteur qui assure 80 % des actes médicaux Le législateur tunisien n'a pas défini l'erreur médicale. Ainsi, c'est au juge de dire si l'acte médical comprend une faute ou non. C' est à lui seul d'apprécier les faits reprochés au médecin et de recourir à un comité de médecins pour identifier l'acte. Toutefois, le décret 1064 du 28 novembre 1975 donne des prérogatives au ministère de la Santé publique en cas de suspections d'erreur médicale. Ainsi, les articles 10 et 11 de ce décret permettent au ministère de la santé publique d'effectuer un contrôle spécifique sur les structures publiques et privées. Ils admettent au ministère de tutelle d'intervenir, de recevoir les requêtes, d'induire les enquêtes et de nommer des experts. Ces derniers, qui sont généralement des médecins, vont faire des interrogatoires sur l'acte médical, noter toutes les informations requises et élaborer un rapport détaillé en faveur du ministère de la santé afin de prendre les décisions nécessaires ou au contentieux au cas où la requête fait l'objet d'une action judiciaire. Dr Taha Zinelabidine, inspecteur général de santé, souligne que le ministère enregistre, chaque année, à peu près 400 plaintes dans le secteur public, dont 250 relatives à des suspicions de fautes médicales. Le même nombre ou un peu moins est enregistré dans le secteur privé. Mais notre interlocuteur précise que le secteur public assure 80 % des consultations et interventions médicales alors que le secteur privé ne couvre que 20% des actes. L'inspecteur général de santé mentionne que «le secteur public assure 25 millions d'actes médicaux dont 5 mille sont des interventions chirurgicales. Les plaintes objets de suspicions représentent moins de 1% de l'ensemble des actes médicaux». D'autre part, le décret n°1064 accorde un rôle important à l'inspecteur de santé dans la préparation des rapports sur les fautes médicales. Il permet, d'après Dr Zinelabidine, aux médecins inspecteurs de faire des enquêtes médicales et de demander des éclaircissements des professionnels de santé à propos des conditions de prise en charge des malades. A ce propos, notre interlocuteur déclare que «l'inspecteur peut demander des avis spécialisés auprès des compétences du service public pour évaluer la qualité de prise en charge du malade». D'autre part, le malade, victime d'erreur médicale, peut déposer une demande auprès du ministère de la Santé publique pour ouvrir une enquête administrative à propos des circonstances de l'acte médical. Dr Samir Abdeljaoued, directeur général de l'inspection de santé, note que les services de l'inspection de santé à Tunis ou dans les régions réagissent immédiatement en recevant une requête sur une faute médicale. «Nous faisons une recherche détaillée au niveau de l'hôpital. Nous interrogeons médecin, paramédical, agents de service... Une commission de deux ou trois médecins sera formée. Elle prend en charge l'encadrement de la victime. Le rapport de cette commission spéciale peut être achevé après un mois, mais cette période peut aller jusqu'au quatre mois selon les cas», confirme Dr Abdeljaoued. En ayant recours au document remis par la commission spéciale, les inspecteurs de la santé vont rédiger leur rapport final. En cas d'existence de défaillance au moment de l'acte, source de suspicions, ils vont proposer les mesures administratives nécessaires pour sanctionner les fautifs. Ce rapport final avec les propositions sera adressé au ministre de la santé. Généralement, le ministre, et après étude des faits, donne son accord sur les propositions des inspecteurs. Toutefois, il est à noter que les dossiers adressés au ministre sont anonymes. En ce qui concerne la victime, l'unité de législation et des contagieux l'informe que le rapport final est prêt. Il peut l'utiliser pour déposer une plainte ou pour compléter une requête déjà en cours. Dans le même registre, Dr Zinelabidine explique que, selon le principe de l'approche classique, c'est au malade de prouver qu'il y a une relation entre l'acte et le préjudice. C'est au malade de montrer qu'il est victime d'une faute médicale. Or, ce qui est venu au secours de ce dernier, c'est la jurisprudence qui a développé des procédures en considérant que la faute est présumée. De la sorte, ce n'est plus à la charge de malade de prouver l'existence d'une erreur médicale, mais c'est à la partie objet de suspections de donner les preuves inverses. On est, donc, devant une inversion de la charge de la preuve.