Ya farhat eddonia (La joie du monde), le concert d'ouverture de la 28e édition du festival de la Médina de Tunis, a été pleinement marqué par cette authenticité, tant recherchée par les mélomanes, et à laquelle l'Ensemble musical de Kamel Ferjani a donné la part belle. Le public présent dimanche dernier en nombre assez moyen, au Théâtre municipal, n'a certainement pas regretté le déplacement puisqu'il a eu le loisir d'apprécier, non sans jubilation, un bouquet de chansons au parfum typique des années 60 et 70, concoctées par des compositeurs inspirés de la trempe des Triki, Riahi, Jouini and Co. Lesquels ont tant contribué à enrichir le patrimoine musical avec de belles mélodies, dont certaines incontournables, voire inégalables. Or, le concept de Ya farhat eddonia, c'est de sécréter des airs d'une époque qui, certes, s'est distinguée par une musique authentique mais qui était aussi ouverte sur le monde, car nourrie de rythmes occidentaux dansants et aériens, façon samba, rumba, tango, valse et autres. L'on comprend donc que l'Ensemble de Kamel Ferjani a commencé par rendre hommage au virtuose du violon, Ridha Kalaï, dont la musique avait savamment intégré ces rythmes, en interprétant l'une de ses compositions avec beaucoup d'entrain. Suivirent deux parties vocales : la première interprétée par la voix limpide de Mounir Mahdi ayant charmé son auditoire en chantant ces airs immortels, dont Ya maâdhbitni bizinek de Hédi Jouini, Mahabbitech et Tékouit, de Ali Riahi, etc. La deuxième partie a été animée par la belle voix de Rihab Sghaïer, dont l'interprétation, notamment de Zaâma Issafi Eddahr, signée Mohamed Triki, et Mahla layali Ichbiliya de Hédi Jouini, et d'autres airs immortalisés par Saliha, dont Ah ouedouni, ont remporté l'adhésion du public. D'autres chanteurs pourtant annoncés dans le programme tels Soulaf, Mohamed Ahmed, Raouf Maher et Hella Melki ont brillé par leur absence. Et l'on ne sait pourquoi. Mais, les musiciens du takht, notamment le très bon violoniste Anis Klibi, qui a interprété avec brio plusieurs solos, et les deux voix de Ya farhat eddonia, titre du concert emprunté à l'une des chansons de Ali Riahi, ont visiblement satisfait le public qui les a chaudement applaudis. Ainsi, on le voit bien, quand notre chanson est interprétée de belle manière dans la maîtrise et la fluidité musicale, loin de ce boucan causé par les soi-disant grands orchestres qui nous en mettent plein la vue, sans ajout particulier, on ne peut qu'adhérer. Loin aussi des musiques orientales bas de gamme et des chansons de clips, c'est réellement un bonheur de revisiter et de savourer les joyaux d'une époque marquée par une créativité générée aussi bien par la connaissance et la maîtrise de notre propre patrimoine musical que par une ouverture intelligente et féconde sur le monde.