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Médias : Le journalisme, un métier en crise
Publié dans La Presse de Tunisie le 13 - 09 - 2021

Du 23 au 26 aout le siège du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a abrité le sit in des diplômés chômeurs de l'Institut de presse et des sciences de l'information (IPSI). L'emploi dans les entreprises publiques et limiter l'accès des « intrus » au secteur des médias représentent les principales revendications des protestataires. Retour sur un sit-in qui en dit long sur une profession traversée par de multiples mutations.
Le sit-in du 23 au 26 août n'était pas la première mobilisation des porteurs de licences et de masters de l'IPSI sans emploi depuis sept à seize ans. En aout 2020, réunis dans le cadre d'une Coalition d'à peu près 350 membres pour exprimer leur colère ils manifestent à la Kasbah devant le siège du gouvernement et des négociations avec les équipes de Hichem Mechichi semblent aller bon train.
Azza Bezine est l'une des porte-paroles de la Coalition nationale des diplômés chômeurs de l'IPSI. Elle a aujourd'hui 38 ans.
Dans un contexte national et international difficile marqué par la dévalorisation sociale et économique du journaliste, la crise de la presse écrite et les évolutions technologiques dues en particulier aux mutations digitales qui ne cessent de modifier continuellement l'exercice de la profession, elle n'a jamais eu un poste stable depuis sa sortie de l'IPSI il y a 14 ans.
Des boulots précaires, dont l'un dans une revue arabe ont été les seuls repères d'une carrière « dans le noir », explique-t-elle pour parler d'une série d'emplois non déclarés, qui ont jalonné ces dix dernières années de sa vie. Même s'ils ont été intégrés dans des télévisions mainstream, beaucoup de ses ex camarades ont vécu sous le règne du provisoire, se retrouvant finalement dans la rue, sans emploi et sans aucune sécurité sociale.
D'autres ont vu pire : des petits boulots dans des quincailleries, des marchés ou des boulangeries…
Des pourparlers ouverts avec le gouvernement Mechichi
« Nous avons proposé aux autorités de l'époque nous de recruter en tant qu'attachés à l'information dans les gouvernorats, municipalités et autres entreprises publiques. Une idée bien reçue par les équipes de Mechichi, d'autant plus que nous sommes bien moins nombreux que les diplômés d'autres spécialités ».
Or, les journalistes bilingues sortis de l'IPSI sont une monnaie rarissime aujourd'hui. Les étudiants francophones n'existent pratiquement plus. Un attaché de presse dans l'incapacité de rédiger un communiqué de presse en français a très peu de chance de trouver une place aujourd'hui notamment dans le cadre d'un marché de l'emploi très sélectif, quasi bouché.
La Coalition a soumis une seconde suggestion au gouvernement Mechichi : « Nous intégrer dans les collèges en tant qu'enseignants de l'éducation aux médias. L'initiative a également été bien appréciée. Or nous avons entendu dire dernièrement que le ministère de l'Education Nationale veut former les enseignants du primaire à cette matière. Nous considérons que la priorité nous revient pour investir la filière de l'éducation aux médias», proteste Azza Bezine.
« Ils nuisent à la profession et colonisent les plateaux »
À côté du slogan-exigence du sit in de la Coalition : « Le recrutement est un droit et pas un privilège dans la fonction publique », Azza Bezine et ses amis ont inséré parmi leurs revendications la révision de l'article 7 du Décret-loi 115 relatif à la liberté de la presse. La disposition en question stipule : « Est considéré comme journaliste professionnel toute personne titulaire au moins d'une licence ou d'un diplôme équivalent et dont l'activité principale et régulière consiste à recueillir et à publier les nouvelles, les informations, les opinions et les idées et à les transmettre au public, dans une ou plusieurs entreprises de presse quotidienne ou périodique, dans des agences d'information ou dans une ou plusieurs entreprises de communication audiovisuelle ou électronique, à la condition d'en tirer le principal de ses ressources ».
Pour la diplômée chômeuse de l'IPSI, l'amendement de cet article permettra d'éliminer « les intrus ». Ceux, soutient-elle, qui : « nuisent au secteur et colonisent les plateaux télévisés alors qu'il s'agit de chanteurs, de comédiens et d'autres professionnels à mille lieux étrangers de l'univers du journalisme. Nous considérons que nous avons une place au moins à côté de ces gens-là. Sinon l'IPSI n'a aucune raison d'être ».
Azza Bezine n'a pas tort d'épingler la quête du profit d'une grande partie des patrons de presse, notamment ceux du privé, qui rechignent à régulariser la situation de leurs pigistes ou à recruter parmi les licenciés de l'Institut de presse. Selon les statistiques de la Commission d'attribution de la carte de presse nationale pour l'année 2020, le site Kapitalis fonctionne avec un seul journaliste, Leaders, Inkyfadha, Akhbar Al Joumhouriya avec deux journalistes. Essabah News et Al Fajr emploient trois journalistes. Ces médias contreviennent en fait à l'article 20 du Décret-loi 115, qui énonce : « Chaque journal hebdomadaire d'information générale ou journal électronique doit employer une équipe rédactionnelle dont le nombre des membres ne doit pas être inférieur à six journalistes professionnels. Sera puni d'une amende de mille à deux mille dinars, le directeur du journal qui aura contrevenu aux dispositions de cet article, cette amende sera doublée en cas de poursuite de l'infraction ».
L'article 20 va plus loin. Il préconise que 50 % de l'équipe rédactionnelle d'un site ou d'un journal doit être titulaire d'une carte de presse ou d'un diplôme en journalisme.
Abdelkérim Hizaoui, ancien Professeur à l'IPSI et président de Media Development Center explique : « Les patrons de presse mettent le métier au rabais. Le statut de journaliste aurait été bien meilleur si on n'avait pas assisté à un consensus tacite de la part du pouvoir de laisser les journalistes à la merci des petits arrangements de coulisses de leurs patrons. On a même vu des hommes politiques défendre des chaines décrétées illégales par la Haica ».
« Personne n'a jamais été sanctionné pour pratique illégale du journalisme ».
Si la Coalition a raison de dénoncer le clientélisme et le manque de transparence qui marquent les dispositifs de recrutement dans les télévisions et les radios privées (les entreprises publiques ayant été interdites ces dernières années d'ouvrir de nouveaux postes pour leurs charges salariales déjà très grandes), l'idée de la « concurrence illégales d'autres filières que le journalisme » semble faire tiquer plus d'un. Car le journalisme reste dans les systèmes démocratiques un métier ouvert.
Il n'est donc pas obligatoire d'obtenir un diplôme d'une école de journalisme pour embrasser la profession. Selon l'Observatoire data des métiers de la presse pour l'année 2020, seuls 20 % seulement des journalistes français ont suivi un cursus reconnu. Le reste, à savoir 80 % des effectifs de la profession, proviennent de filières non spécialisées dans le journalisme.
« Tout un chacun peut ouvrir un site web et exercer du journalisme. Alors que d'autres métiers exigent une formation spécifique qui doit être validée par un dispositif professionnel tel l'ordre des avocats, des médecins ou des ingénieurs.
Pratiquer ces spécialités sans formation préalable peut nuire aux personnes », atteste Sadok Hammami, Professeur à l'IPSI et membre du Conseil de presse.
« Personne n'a jamais été sanctionné pour pratique illégale du journalisme », ajoute Abdelkérim Hizaoui.
La solution : introduire des réformes de fond sur le secteur des médias
Ici plus que le diplôme, ce sont les compétences personnelles comme la curiosité, la culture générale, la maitrise de la langue et de l'actualité ainsi que la « passion » pour ce métier qui distinguent les bons des mauvais journalistes. Certes une partie de ces compétences s'acquière plus facilement dans une école de journalisme : identifier une information, recouper ses sources, écrire une brève, mener une investigation, rédiger, illustrer, éditer et produire un contenu informationnel à destination de médias de formats divers, se référer au code déontologique...Mais rien n'empêche un « accro » porteur d'une belle plume d'apprivoiser ces qualifications grâce aux stages de formation et à un bon encadrement en interne. Partout dans le monde, des exemples journalistes brillants parfois autodidactes, souvent venus d'autres horizons que la presse abondent.
En France, ni le fondateur du Monde Hubert Beuve-Méry, ni Edwy Plenel, fondateur de Médiapart, ni Anne Sinclair, la meilleure intervieweuse de TF1, ne sont passés par des écoles de journalisme.
En Tunisie, ni, Mohamed Guelbi, dont la plume fine et acérée a fait le bonheur de plusieurs générations de lecteurs d'Essabah, ni Oum Zied, la talentueuse chroniqueuse du journal Errai n'ont suivi de cursus reconnu.
Le métier ne se mesure pas en fait à hauteur de diplôme spécialisé, notamment quand la formation en question pose problème (lire article à côté), mais plutôt d'aptitudes spécifiques à communiquer un message d'une façon claire, lisible et attractive tout en se référant aux codes déontologiques du secteur du journalisme.
Au-delà des protestations des licenciés et porteurs de masters de l'IPSI, qui comptent se poursuivre une fois un nouveau gouvernement mis en place par le président Kaies Saied, c'est la réforme du secteur des médias en général, qui s'avère la vraie solution à un univers en crise.
« Il faudrait réformer l'ensemble du système pour mettre en place des conditions de l'excellence en matière d'information. Il faudrait à la fois réviser les programmes de formation et mettre en place des entreprises de presse bien structurées, qui pourraient accueillir les journalistes en herbe tout en leur offrant des salaires décents. Le journalisme est devenu un métier démuni de prestige social. Il faudrait changer cette image », insiste Sadok Hammami.


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