Ce sont les spéculateurs qui profitent de la situation Les autorités sont depuis un peu plus d'un mois sur le qui-vive. Des tonnes et des tonnes de produits agricoles, de marchandises et autres sont saisies presque tous les jours. Ces produits sont soit en bon état, soit impropres à la consommation. Dans ce cas, il est naturel de les détruire, de les jeter, ce qui se traduit par une perte sèche pour l'économie nationale. On n'en parle jamais et on considère que ces pertes ne concernent en rien une économie pourtant à bout de souffle. Ces produits, on les a, en effet, payés et que ce soit le producteur non déclaré faisant tourner son petit «commerce» au fond d'un garage, ou un nouveau riche qui a injecté des millions pour s'accaparer le marché et tordre le cou à toutes les règlementations en vigueur, on ne peut se permettre de fermer les yeux. C'est pourtant ce qui se passe ! Des statistiques faussées C'est exactement le cas des milliers de puits non déclarés que l'on a creusés et que l'on exploite sans vergogne sans se soucier des conséquences que subit la nappe phréatique. On le sait, mais encore une fois, on ne dit rien pour reprendre en main la situation, assainir et tirer le meilleur profit de nos ressources. Ce qui est quand même curieux, c'est que les responsables des secteurs concernés ne soulèvent, jamais, le cas de ces tristes personnages qui faussent tous les calculs. On ne parle que des « petits producteurs ». Ces « petits » entrent-ils en ligne de compte lorsque l'on manifeste les besoins d'une saison agricole? De quelle manière les intégrer dans le cycle de production alors que, travaillant dans des conditions d'insalubrité et de négligence de toutes les recommandations censées protéger les consommateurs, ils «intoxiquent» leur clientèle et faussent les statistiques? Lorsqu'on parle de renchérissement des produits de base, on n'a jamais entendu parler de ceux qui se greffent sur le marché et qui, en francs tireurs, accaparent une bonne partie de ces intrants que l'on paie en devises, pour en fin de compte les enterrer, parce que les produits finis qui en découlent sont, pour différentes raisons, non consommables. Soja, sucre, blé, orge, café ou fruits, le fret, les assurances, le cours de bien des produits alimentaires flambe. Que ce soit à cause de la sécheresse ou du gel, les conséquences sont les mêmes. Les spéculateurs le savent Les cours des matières premières agricoles et autres, le coût des emballages, de l'énergie, de la main-d'œuvre accélèrent la hausse des prix des produits de première nécessité. Les spéculateurs le savent et stockent leurs marchandises pour les injecter au moment voulu au compte goutte et tirer le meilleur profit de ces hausses. Ces jus ou ces eaux aromatisées que l'on met en vente coûtent moins cher que les emballages perdus que l'on paie en devises fortes. Personne ne réagit pour mettre un terme à ces abus. Au grand bonheur des fabricants de ces emballages qui coûtent une fortune et qui finissent dans les poubelles. De toutes les façons, on n'a jamais dit la vérité à propos de la véritable situation qui règne et des pertes qui s'ensuivent. Ceux qui montent au créneau pour dénoncer les produits de base et les intrants, ce sont toujours les mêmes têtes, qui prennent la parole et personne ne soulève le cas de ces intrus qui faussent toutes les données. Ils sont les premiers responsables du renchérissement ou des pénuries. En effet, les gros producteurs savent où s'adresser, comment préserver leurs intérêts et ne sont en rien gênés par les fluctuations que l'on enregistre. Ces « petits » ou ces francs tireurs ne sont pas dans cette situation et, en cherchant à tout prix à acquérir ce dont ils ont besoin, font le jeu de ceux qui ont stocké dans le but de tirer le meilleur profit de leurs investissements frauduleux. Une «chaîne» que l'on connaît parfaitement, et que personne ne dénonce. Du dentifrice produit à l'étranger pour le compte d'une enseigne locale Autre problème, la présence sur le marché de produits étrangers qui viennent concurrencer la production locale. Et il y en a. Nous avons trouvé sur le marché du dentifrice produit en Espagne, pour le compte d'une chaîne de supérettes tunisiennes ! Nous n'aurions pas bronché si la Tunisie n'était pas producteur de ce genre de produits. Nous avons presque toutes les grandes marques et pourtant on trouve le moyen d'aller faire tourner des usines étrangères pour peut-être gagner quelques sous supplémentaires. C'est de cette façon que certains comprennent la liberté de commercer. Tant pis pour tout le reste. De toutes les façons, un Espagnol n'agirait pas de cette manière et donnera la préférence à ses produits nationaux. Comment tolérer ce genre d'agissement ? C'est comme le cas des jus de fruits ou de l'eau « minérale » provenant de l'étranger, alors que nous possédons de quoi satisfaire tout le marché national. C'est dire, pour résumer, que la balance commerciale semble être le dernier souci pour un certain nombre de nos opérateurs comme pour tous ceux qui veillent sur sa bonne santé. On a, bien entendu, amélioré dernièrement la situation, mais on est capable de faire beaucoup mieux en prenant les dispositions qui s'imposent pour mettre un terme à ces abus. Nous aurions compris que l'on importe des machines outils, des produits qui sont à la base d'une plus-value qui font tourner nos usines, mais agir en toute connaissance de cause pour contribuer à étouffer encore davantage nos producteurs, cela tient de l'hérésie. Sommes-nous les seuls à connaître ces problèmes et bien d'autres du même genre ? Bien sûr que non, mais le laisser-aller qui règne à plus d'un niveau fait que l'on craint ces lobbies qui sont partout, manipulent et imposent leurs conditions. Une stratégie globale C'est dire que ces «responsables» qui se laissent aller à des tirades qui ne convainquent personne alors que la situation du marché, tout aussi bien que le pouvoir d'achat, est en baisse continue, n'ont encore rien compris. Ou feignent de ne rien comprendre. Le consommateur, pour se nourrir, se loger, se chauffer, se déplacer pour vaquer à ses obligations, a besoin d'un minimum de stabilité. Les conditions qui règnent dans le pays, l'absence de stratégie globale ne favorisent en rien l'instauration de cette stabilité. Vivement que les choses reviennent à la normale pour remettre à plat bien des accords qui ont énormément nui aux intérêts de la Tunisie. Sans pour autant opter pour un protectionnisme pur et dur, d'autres n'ont pas hésité à le faire pour préserver leurs intérêts vitaux, il faudrait faire en sorte que la vie de nos entreprises, le pouvoir d'achat et le moral du citoyen soient prémunis. Le changement passe par une vigoureuse reprise en main. Sans cela, nous risquons de ne jamais prendre le dessus sur ces puissants trafiquants et spéculateurs qui ont eu le temps de faire leur nid, de constituer en toute impunité leurs réseaux et de se faire respecter en orientant à leur guise le marché.