• « Le souci de l'agriculteur est de vendre sa production», relève un opérateur du secteur • Le poids des charges et des taxes relatives au passage par le marché de gros incite les agriculteurs à chercher des ventes directes sur place Certains produits se négocient au stade de la vente en détail à des prix largement supérieurs au prix du départ, facturé par l'agriculteur. Le client paye 2 dinars et plus pour quelques fruits, pommes et poires, alors que l'agriculteur les offre à seulement 700 millimes le kilo. Parfois, le prix est multiplié. Ainsi, bien qu'il soit le premier responsable de la qualité des produits et de leur disponibilité sur le marché, il ne bénéficie que d'une partie minime du prix de vente au public. De plus, durant de long mois de travaux épineux, il est exposé à maints risques d'épidémies qui peuvent tout ravager. Face à une telle situation, on pourrait se demander pourquoi un agriculteur ne cherche-t-il pas à valoriser sa production et apprécier sa rentabilité? Ou encore, quelles sont les principales raisons qui poussent cet opérateur à se «débarrasser» de sa récolte au profit d'autres opérateurs commerciaux ? Pour répondre à ces questions, on a contacté un agriculteur de la région de Tunis qui développe en parallèle des activités connexes d'entreposage frigorifiques, de transport et d'exportation. D'après lui, les difficultés, les risques et les pertes accompagnent le cycle d'exploitation de toute culture. Le premier lot de difficultés est relatif aux intrants. «Les intrants coûtent de plus en plus cher», s'alarme-t-il. En effet, les factures des eaux d'irrigation ne cessent de croître et les quantités d'eau se font de plus en plus rares. De même, les prix du carburant, gasoil, ont flambé, depuis des années. Et tout le matériel, les équipements et les engins agricoles sont consommateurs de carburant. «Ce sont deux composantes principales et incompressibles du coût global», précise-t-il. A cet égard, il s'interroge sur l'opportunité d'un régime spécial aux agriculteurs. A cela s'ajoutent les engrais chimiques de plus en plus indispensables pour assurer une bonne récolte. Les semences, génétiquement modifiées, sont programmées à des quantités bien définies d'engrais. Sur un autre plan, l'activité agricole souffre d'un manque de main-d'œuvre. D'où un deuxième lot d'ambiguïtés. «Cette situation s'est aggravée depuis l'année dernière» ,note l'agriculteur. Et d'illustrer : «A ce lent rythme de cueillette des olives, on risque de perdre une bonne partie de la récolte. Donc de notre revenu». De plus, certaines mesures ont dissuadé les travailleurs habituels du secteur. «Avoir le statut d'un ouvrier temporaire de chantier et bénéficier d'une rémunération mensuelle, sans fournir d'efforts, ont séduit une large frange des travailleurs du secteur primaire», explique l'agriculteur. Du coup, toutes les activités agricoles se trouvaient en manque de main-d'œuvre. Les ventes directes sur place Un bon nombre d'agriculteurs manquent d'équipements, d'emballages et de matériels de transport pour acheminer leurs récoltes aux marchés de gros. D'où une vente directe paraît une solution de facilité mais bien appropriée pour les petits exploitants. D'ailleurs, incapables d'engager des dépenses additionnelles, ils se contentent des recettes dégagées de ce mode de vente. «Le souci de l'agriculteur est de vendre sa production», relève-t-il. Fortement endetté, il cherche à maximiser ses recettes pour honorer ses engagements. En effet, le passage par les marchés de gros est une alternative coûteuse et risquée pour les agriculteurs. «Ça coûte cher et c'est trop risqué !», déplore-t-il. Le poids des charges et des taxes dissuade les opérateurs à passer par ce passage obligatoire. De plus, sur une année, l'agriculteur se présente pendant, seulement, quelques jours pour écouler la récolte. D'où, dans son rapport avec les opérateurs des marchés de gros, notamment les mandataires, il figure comme le maillon faible. «Les mandataires privilégient leurs clients réguliers, notamment les commerçants qui vendent les produits d'autrui, au détriment des agriculteurs qui tentent de vendre leur récolte», relève l'agriculteur. Pis, dans les marchés de gros, on n'est jamais à l'abri d'une mauvaise surprise. En effet, «dans un climat d'insécurité, des pratiques immorales de banditisme, d'arnaque et de vol se sont répandues», s'alarme l'agriculteur. Cette situation a encouragé les producteurs à éviter le passage par le marché de gros. «J'ai conclu des contrats de vente directe avec de grandes et moyennes surfaces», ajoute-t-il.