La Tunisie demeure toujours en pleine crise sociale et économique après la prise des mesures draconiennes par le Président Kaïs Saïed, à savoir : la levée de l'immunité de tous les députés, la révocation du chef du gouvernement et la prise de la présidence du ministère public, suivies des nouvelles dispositions exceptionnelles qui renforcent le pouvoir présidentiel aux dépens du gouvernement et du Parlement, auquel il va véritablement se substituer en légiférant par décrets. A cet effet, et pour mieux comprendre la situation économique et sociale et l'état actuel de la Tunisie, nous avons contacté Ridha Chiba, conseiller international en exportation, pour nous expliquer en quoi réside la crise économique et sociale en Tunisie et quelles sont les solutions envisageables pour remédier à cette situation très critique et difficile à surmonter. Interview. Qu'attend la majorité du peuple tunisien du prochain gouvernement ? Tout d'abord la composition de ce nouveau gouvernement, bien que son rôle soit très limité du moment que tous ses membres vont être dépendants directement du Président et vont appliquer à la lettre ses décisions et recommandations, demeure un indice de stabilité pour la vie politique, économique et sociale. Parallèlement, ce gouvernement va essayer de résoudre les problèmes en suspens afférents à tous les secteurs, en cherchant les solutions optimales à envisager pour remédier et mettre un terme à toutes les défaillances constatées, à créer un climat social sain et durable avec tous les intervenants directs et indirects dans la vie politique, économique, sociale et financière et surtout à trouver les sources de financement pour le budget de l'Etat. De ce fait, le premier ministre va diriger l'action de son gouvernement et, à ce titre, il applique en principe ses orientations politiques, économiques et sociales essentielles fixées préalablement par le Chef de l'Etat dans le cadre d'une stratégie globale envisagée en amont. La composition du nouveau gouvernement va nous permettre aussi de connaître le système à adopter dans tous les domaines. Est-ce le libéralisme ? Est-ce le socialisme ? Est-ce le pouvoir de participation ? Attendons voir ! Quels sont les véritables problèmes auxquels sera confronté le prochain gouvernement ? La situation économique et sociale en Tunisie est absolument délicate et extrêmement embarrassante. La Tunisie demeure toujours en difficultés et passe par des moments très difficiles. En fait, la cherté de la vie en Tunisie, qui s'illustre par une augmentation des prix de tous les produits de base tels que la viande, les médicaments, les produits agroalimentaires, les cigarettes et toutes sortes de prestations de service, le manque des investissements locaux et étrangers, en plus de toutes les mauvaises intentions, ont considérablement fait baisser le pouvoir d'achat des Tunisiens, affecter les différents secteurs et ont beaucoup nui à l'image de marque de la Tunisie. L'économie tunisienne, avec ses divers secteurs, est dans un état catastrophique voire chaotique. Je citerais le tourisme, l'industrie, le commerce… Sans oublier les pénuries fictives et provoquées en eaux emballées, en viandes blanches, en médicaments ainsi que le nombre de spéculateurs qui s'accroît de jour en jour, le commerce parallèle qui connaît « un essor » particulier, le déficit commercial significatif, la spéculation, le dumping, la concurrence déloyale, etc. Aussi, l'endettement de l'Etat, vis-à-vis des instances bancaires nationales et internationales, qui dépasse les 100.000 milliards sans qu'il soit exploité d'une manière rationnelle dans des projets créateurs de richesse et d'emploi. Cela, outre les 18.000 milliards qui doivent être réservés pour assurer le financement du budget de l'Etat et l'inexistence d'une politique fiscale équitable, claire et bien conçue entre tous les citoyens. Le déficit budgétaire de l'Etat ne cesse aussi de s'accentuer. Le taux d'inflation avoisinant les 6% et une somme colossale d'argent évaluée à 8.000 mille milliards circule en dehors de la Banque Centrale, sans en tirer aucun profit. A l'échelle sociale, le chômage s'est considérablement accentué, surtout dans le secteur touristique, industriel et les professions libérales à cause de la fermeture des entreprises due au covid-19. Egalement, les différentes conventions signées entre l'Ugtt et les anciens gouvernements demeurent toujours sans application ainsi que l'augmentation des salaires, des Smig et des Smag constituent véritablement des problèmes de taille pour le prochain gouvernement. La situation très délicate des docteurs en chômage et des hauts diplômés qui attendent des postes surtout après avoir signé la loi permettant le recrutement des personnes qui ont obtenu leurs diplômes voilà plus de dix ans. Face à ces situations difficiles, comment le prochain gouvernement pourrait remédier à toutes ces difficultés et relancer de nouveau l'économie ? A mon avis, pour que le prochain gouvernement réussisse son pari et ne commette plus les erreurs des anciens gouvernements, il faut qu'il travaille dans le cadre d'une stratégie générale claire, étalée sur plusieurs années dans tous les domaines avec des options politiques, économiques, sociales et financières allant de pair avec les attentes de tous les Tunisiens. A l'échelle économique, le prochain gouvernement doit absolument relancer l'économie en optant pour des projets stratégiques capables d'absorber la main-d'œuvre dans ses différentes spécialités. En fait, seuls les grands travaux sont capables de résorber le chômage. Aussi, l'Etat doit détenir et contrôler tous les créneaux juteux pour le pays et notamment l'importation des voitures. L'Etat doit, également lutter, sans relâche, contre le terrorisme, le commerce informel, la contrebande, la spéculation, le dumping et la concurrence déloyale. Il doit imposer des licences d'importation. Il doit aussi combattre l'inflation, les pénuries provoquées et opter pour la politique de la réallocation en ce qui concerne les employés de la fonction publique. L'Etat doit, par ailleurs, se concentrer sur un dossier très important, celui des entreprises publiques. Il doit reprendre toutes les entreprises nationales qui ont été privatisées et vendues en deçà de leurs valeurs réelles dans le cadre de la Carepp (Commission d'assainissement et de restructuration des entreprises à participation publique) et les relancer conformément à une stratégie tenant en considération le nombre adéquat des employés, le plan de charge de chaque entreprise et son environnement interne et externe, à savoir ses points forts, ses points faibles, ses opportunités et ses menaces. Cela, outre les objectifs commerciaux, industriels et financiers et tous les critères de la réussite d'une entreprise conçus préalablement. A l'échelle agricole, l'Etat doit redistribuer les terres à ceux qui les méritent surtout pour les jeunes ingénieurs agricoles. Il doit spécialiser les régions dans des agricultures diverses, contrôler rigoureusement les responsables conformément à des objectifs déjà planifiés et assurer l'importation des semences, des engrais et du fourrage et ne confier nullement cette mission à des privés. Pour le secteur financier, I'Etat doit établir une politique fiscale équitable entre tous les citoyens et envisager des solutions plausibles incitant les gens et les sociétés à régulariser leurs dus dans les meilleures conditions. L'Etat est également appelé à contrôler toutes les sociétés en établissant un inventaire pour connaître les entreprises qui fuient les paiements fiscaux et les contributions aux caisses sociales. Autre mesure importante, arrêter le régime forfaitaire et opter pour des régimes particuliers. Il faut aussi emprunter à travers la Banque centrale qui doit baisser le taux directeur, encourager surtout l'investissement national pour la création de la richesse, changer la monnaie pour mettre fin et définitivement au blanchiment d'argent et à la masse colossale de la monnaie qui circule en dehors du contrôle de la Banque Centrale avec toutes les répercussions négatives qui affectent l'économie nationale. A l'échelle juridictionnelle, l'Etat doit annuler ou modifier toutes les lois qui ont été faites sur mesure pour protéger les intérêts d'une petite frange au détriment de l'intérêt du pays et du peuple tunisien. Enfin, l'Etat doit, non seulement, coopérer avec les organisations nationales, notamment Ugtt, et agir en parfaite symbiose pour résoudre tous les problèmes non encore solutionnés, mais également activer et dynamiser la vie culturelle et sportive en augmentant les budgets des ministères de la Culture et des Affaires de la Jeunesse, en encourageant tous les programmes culturels et sportifs permettant à toutes les couches du peuple, notamment la jeunesse, de mieux se former physiquement, moralement et intellectuellement et être au diapason de l'évolution permanente de notre pays. Pour conclure je dirais que l'Etat doit absolument anticiper et affronter sans cesse tous les problèmes qui ont un impact direct sur la vie des gens tels que la cherté de la vie, le pouvoir d'achat très limité, l'emploi, la santé et l'enseignement, la lutte, sans relâche, contre tout type de monopole, la spéculation, la concurrence déloyale, la corruption et planifier toutes les actions qu'il compte entreprendre à court, à moyen et à long termes pour établir une relation de confiance avec ses citoyens, afin de leur assurer la vie à laquelle aspirent.