Par M'hamed JAIBI «Comment impulser l'emploi et l'investissement dans les régions intérieures ?», cette problématique posée, hier samedi, au siège de l'Utica, par le Cercle Kheireddine, sur la base des speechs des quatre experts du panel, n'a, bien évidemment, pas eu droit à une réponse évidente, encore moins catégorique. Mais les multiples données exposées, les angles d'attaque diversifiés adoptés, les démarches parfois contradictoires choisies et les analyses élaborées ont su embrasser un éventail impressionnant d'approches et de solutions présumées. Fixer les normes du débat Face à la crise économique et sociale aiguë que vit notre pays, à la panne totale en matière d'emploi et de développement régional, et au spectacle du foisonnement de propositions, de «projets» et de «solutions» avancés de toutes parts sans véritable suite, il était devenu urgent de rationaliser le débat, plus de cinq ans après la révolution qui l'avait exoressément réclamé. Le panel composé de MM. Hassen Zargouni, Hassine Dimassi, Taïeb Houïdi et Hamadi Tizaoui en a pris le risque avec des apports certains. Des investissements doublés dans les régions Pour bien cerner la complexité de la problématique du développement régional, il est essentiel de savoir que, durant la période de Ben Ali, les 14 gouvernorats de l'intérieur ont eu droit à un volume d'investissements publics par tête d'habitant plus important que celui revenant aux gouvernorats côtiers. Reste à se demander si ces investissements ont effectivement profité, en termes de développement, à ces régions dites de l'intérieur. Les chiffres indiquent ainsi que ces investissements ont varié dans les gouvernorats du Nord-Ouest entre 3 mille et 5 mille dinars par habitant, soit le double des gouvernorats du littoral. Par contre, les investissements privés dans les gouvernorats de l'intérieur ont été, en moyenne, de 2.500 dinars seulement par habitant, contre 10.000 dinars pour les gouvernorats situés sur la côte. Une trop faible attractivité Le diagnostic instinctif est que ces régions n'ont pas su être suffisamment attractives pour l'investissement privé. Et les analystes d'estimer, après coup, qu'elles n'ont pas pu atteindre le niveau utile en matière d'infrastructure et d'environnement de l'entreprise. Sachant que les limites montrées par les moyens de la finance publique suggèrent désormais, tout en maintenant le rythme des efforts uniformes visant ces régions, de mener en parallèle une action ciblée distinguant, dans l'ensemble du territoire de ces 14 gouvernorats, un certain nombre de zones appelées à être des «îlots de dynamisme» capables d'offrir à l'entreprise et à l'investissement privé l'environnement adéquat. Cela en matière d'infrastructures et d'équipements. Un effort spécial dans les secteurs productifs Mais il faudrait aussi un effort d'investissement dans les secteurs productifs, et là les options varient d'une vision à l'autre, d'un économiste à l'autre. Faut-il revenir à l'investissement public direct dans des secteurs productifs, comme dans les années 60 ? Sans doute pas, puisque se contenter du marché local («import- substitution») serait étouffant pour tout projet productif performant. Ou faut-il, tout simplement, laisser faire le marché ? Avec le risque évident, déjà éprouvé, de voir jouer les avantages comparatifs des régions côtières, lesquelles happeraient, encore une fois, l'investissement privé. Ou alors, ne faudrait-il pas que l'Etat crée, dans les régions de l'intérieur, des conditions spéciales échappant aux règles du marché, en vue de changer la donne et d'accélérer le développement dans les régions ciblées. Quatre axes d'investissement Afif Chelbi propose quatre types d'investissements publics : des investissements visant l'environnement de l'entreprise, un renforcement des incitations et investissements ciblant ces régions, la promotion urgente de conditions de vie dans ces régions afin de garantir les meilleures conditions de la dignité citoyenne, enfin une gouvernance exceptionnelle sous la forme de la mise en place de task forces dans ces zones. Et il propose de «scinder le titre II en deux volets : investissements sociaux et investissements d'appui aux entreprises. Rester au diapason des exigences de la mondialisation Mais d'abord, il s'agit de lever une ambiguïté essentielle qu'évoque Hassine Dimassi, c'est l'inadaptation du mot d'ordre populiste «équilibre régional» et l'impératif de poursuivre l'effort de développement des régions côtières, en l'élevant même au rang qu'exige l'intégration régionale et mondiale. Et là se posent les défis du transport maritime et des Tic. Sachant que pour les régions non côtières se pose l'exigence d'un «développement régional» efficace suivant des filières de développement et des chaînes de valeur qui sachent harmoniser les diverses potentialités de chaque région, voire les complémentarités que présenteraient certaines régions. Le débat, conduit de main experte par Hassen Zargouni, a impliqué un riche éventail d'intervenants qui l'ont, à la fois, enrichi, diversifié et «humanisé». De sorte qu'une seconde lecture s'impose probablement. Car