C'est la joie ! Les premières gouttelettes de la saison ont abondamment mouillé un sol que le soleil d'août, brûlant et impitoyable a chauffé et réchauffé. Cette petite pluie fine, sans éclair, ni tonnerre est accueillie avec un sentiment de bien-être, car les pluies de la fin de l'été sont toujours de bon augure, mais elles nous causent de petits pincements au cœur, nous annonçant, parfois, d'une manière ostentatoire, la fin de la belle saison. Qu'importe ! Nous avons souvent rencontré de frêles et fragiles petites fourmis, surchargées de grains sous une pluie battante. C'est dans cet esprit d'acharnement en besogne, que nous faisons la rencontre de notre huitième diva. Accueillons-là, très humblement, notre invitée pour cette livraison, étant un astre qui brille de mille feux (q'mar), digne descendante des lotophages. Elle est née, il y a presque quatre-vingts ans à Bab Souika, dans le quartier dit des souahel, donnant sur la célèbre rue de Souki Belkhir qui évoque la prospérité et l'abondance. C'est seulement à l'âge de dix ans qu'elle a commencé à se familiariser avec sa terre natale, Djerba. Q'mar, gamra pour certains et Beya pour sa famille, est issue d'une vieille famille djerbienne, les Ben Waghran, d'une noble souche berbère. Revenue après son mariage à Tunis, elle y réside sans discontinuité. Q'mar beya, bien que vivant dans la capitale, ne sent aucun plaisir gustatif que si elle déguste une friandise ou un petit mets de son terroir ; remarquons qu'elle a entièrement raison, la cuisine de son pays est singulière, elle n'utilise que des ingrédients cueillis dans les jardins familiaux (houch) qui entourent les maisons (menzels) et conservés dans les chambres à provisions. Q'mar fait souvent un long et harassant voyage pour aller à Djerba confectionner sur la terre de ses ancêtres les mets qu'elle adore consommer quand la rigueur hivernale sévit. Nous allons,à titre exceptionnel, pour charmer nos lecteurs, révéler le secret de l'une de ses recettes, qu'elle prépare comme une collation du matin, pour faire face à un froid engourdissant. Suivons le guide. Beya, au moment de la récolte fin août du droô (sorgho) que les Djerbiens appellent qsab, nettoie bien les grains et ajoute pour une galba (5 kg) deux kg de pois chiches torréfiées, deux kg de lentilles légèrement grillées, de l'anis ,du sésame, du sucre glace (c'est somptueux) et du zeste d'orange. Le tout bien moulu et bien conservé dans des jarres de fabrication djerbienne. Au moment de sa consommation, on arrose la préparation d'huile d'olive pour en faire une pâte confectionnée en rouleau (abboûd) et qu'on garnit de figues sèches (chriha) ou de dattes. Merci Beya