Le théâtre d'Art Ben Abdallah prend part, depuis le 17 août, aux festivités ramadanesques en organisant Masrah Eddar (le théâtre de la maison) : une suite de représentations de différentes pièces tunisiennes suivies d'un débat. Dans la soirée du 20 août, les comédiens Mohamed Lafi, Imed Saket et Gaith Naffati sont montés sur scène pour les besoin de Ezznous ou Chwaten el hokka (les démons de la boîte), une création de Salah Hammouda. Ce dernier y joue d'ailleurs, il y interprète son propre rôle, celui de l'auteur et du narrateur. Il entreprend de nous raconter un conte en commençant par le fameux «Il était une fois…». De son imagination naissent trois marionnettes qui prennent la relève pour inventer d'autres histoires qui échappent peu à peu au narrateur. Entre le moment où on annonce le conte par «il était une fois» et le moment où il est supposé s'achever par une expression du genre «et ils vécurent heureux…», s'ouvre tout un monde de paroles et de gestes livrés par ces marionnettes disjonctées. Chacune représente un profil particulier tout droit sorti de la réalité, celle de la société et du théâtre tunisiens, mêlée à une fiction tissée au gré d'altercations et de moments de paix entre les trois marionnettes. Autant elles peinent à arriver à bout de leur conte, autant elles balancent entre leurs personnages et les vrais visages qui se cachent derrière. Les uns et les autres sont perdus et pleins de contradictions, ce qui n'arrange en rien leur incapacité de sortir indemnes de cet exercice qui prend les allures d'une quête de soi. La subtilité de l'écriture de Salah Hammouda permet au spectateur de suivre ces va-et-vient des protagonistes sans s'y perdre, avec l'humour en plus. Regarder Ezznous c'est comme traverser un labyrinthe avec un guide à la main. En même temps, penser que l'œuvre est centrée sur son auteur et sur le domaine du théâtre uniquement se justifie. Toutefois, ceux qui y verront les liens secrets et les références à la situation des autres arts et de toute une société auront saisi la véritable signification du conte qu'est Ezznous. Au final, les marionnettes auront, sans s'en rendre compte, raconté plusieurs histoires personnelles et anti-personnelles, sans aboutir à un conte au sens propre du terme, objet de leur rencontre au tout début. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, mais faute d'entente, d'organisation, d'expérience et de clairvoyance. Que d'enseignements ! Masrah Eddar se poursuit jusqu'au 26 du mois avec les pièces suivantes: 23 août : Mafkoud de Zahira Ben Ammar 24 août : Hodna de Salha Nasraoui 25 août : Yabka hdith de Salah Hammouda 26 août : Ya ommatan dhahikat de Noureddine Ouerghi