La reconversion de la sélection ne peut se traduire que par des façons d'être, de faire et de penser différentes. Il ne s'agit pas de changer pour changer, mais de repartir sur un nouveau cycle... Cela peut prendre l'allure d'une question de timing, mais chacune des étapes par lesquelles passe aujourd'hui la sélection devrait la préparer pour la suivante. L'on sait que les questions essentielles pour l'avenir du football tunisien restent toujours sans réponses, mais le sélectionneur et ses joueurs sont plus que jamais dans l'obligation d'enrayer les dérives et les insuffisances qui ne cessent de marquer le parcours de l'équipe. Certes, on ignore encore si Kasperczak et certains des joueurs retenus pourraient être vraiment les hommes de la situation, mais il est, aujourd'hui, question d'un véritable plan de bataille destiné à rendre la sélection plus performante. Il s'agit au fait de pointer ce que le public tunisien n'hésite pas à considérer comme des manquements ou des dérives. Bien sûr, il ne s'agit pas de suivre le courant des hostilités dans lequel baignent les commentaires et les appréhensions de certains. Simplement, l'équipe de Tunisie ne peut plus continuer à vivre dans les conditions actuelles. Au fil du temps, elle est devenue l'incarnation d'un manque d'envie et de dimension. L'absence de résultat est évident. C'est presque une marque de fabrique d'une équipe qui s'est habituée à rater les différentes échéances et les opportunités de tout bord. Le manque de responsabilité l'est encore davantage. Une façon de reconnaître l'échec des entraîneurs qui s'étaient succédé à la tête de l'équipe, mais aussi de tous ceux qui se sont érigés en décideurs. Et là, on ne peut s'empêcher d'évoquer l'état d'esprit qui affecte la vie collective de la sélection, l'incapacité de certains à se fondre dans le cadre défini du groupe et à en accepter les règles. On prend ainsi la mesure du malaise et on réalise que derrière un problème technique se cachent d'autres ressentiments. A des années-lumière des méthodes qui avaient su définir une vraie identité de jeu et un collectif uni et solide, la sélection s'est longtemps égarée et perdue, naviguant sans boussole. Les événements avaient d'ailleurs montré l'ampleur du mal: plus de pilote pour diriger, et pas de guide pour connaître la direction à suivre. Aujourd'hui, nous avons encore peine à croire que tout cela ait pu se produire, notamment après les exploits de 1978, 1996 et 2004. Cependant, résumer le parcours de la sélection à quelques performances, du reste amplement méritées, ce n'est ni une abondance ni une parodie. Quelque temps après, pareil exploit s'est trouvé souillé par une poignée de personnes égarées dans leur raisonnement à l'emporte-pièce. Depuis 2006, l'équipe de Tunisie ne s'était plus en effet qualifiée à la phase finale de la coupe du monde, alors qu'avant cela, elle y était présente dans trois éditions successives. Il faut dire que la chute était quelque part annoncée. Voire consommée notamment avec les choix complètement inappropriés des sélectionneurs. Clarifier, rassurer A peu près mot par mot, nous avons entendu le même discours, la même démagogie, le même populisme au sujet de la reconstruction de l'équipe. Mais jamais, ou presque, les débats d'idées, les questions de fond, le sens de la bonne formule. Ce n'était malheureusement pas une surprise. Il faut dire que c'est tout le football tunisien qui était entraîné dans une spirale à multiples facettes: sportive, morale, éthique, humaine. Il est indispensable aujourd'hui de tirer les enseignements de cette dérive. Qu'on le veuille ou non, on doit admettre que la sélection ne peut plus être laissée au pouvoir de quelques personnes et d'une seule vision. Ne faudrait-il pas justement réhabiliter la direction technique et les prérogatives de ses acteurs? Mais aussi trouver les solutions adaptées pour renforcer la crédibilité et ‘'l'honneur'' de la sélection. On ne saurait attribuer la réussite d'une équipe à des facteurs personnels ou externes. Les conditions favorables à la réussite de la sélection tunisienne sont à la fois d'ordre compétitif et relationnel. Kasperczak devrait en effet retenir la leçon de son ancien passage à la tête de l'équipe de Tunisie et le désaccord avec certains joueurs qui a précipité son limogeage en pleine compétition. Un climat de confiance devrait être la base de la composante et de la qualité du travail à accomplir. Ce soir, face au Togo, le onze rentrant qui sera choisi à l'occasion devrait avoir les aptitudes et la marge de manœuvre nécessaires non seulement pour s'imposer, mais aussi pour plaire et convaincre. Il est grand temps que l'équipe se dote d'un fond et d'un style de jeu adéquats et pertinents, d'une capacité générale à gérer la double confrontation face au même adversaire avec aisance, variété et supériorité. Autrement dit, l'équipe à laquelle on aspirait devrait disposer de l'équilibre et de la justesse souhaités, de la solidité nécessaire, de la force mentale indispensable, et surtout de la continuité dans les résultats. Au fait, la reconversion de la sélection ne peut se traduire que par des façons d'être, de faire et de penser différentes. Il ne s'agit pas de changer pour changer, mais de repartir sur un nouveau cycle, avec une équipe compétitive à tous les niveaux. Beaucoup de choses devraient voir le jour au moment où d'autres sont censées prendre fin. Il s'agit de remettre de l'ordre dans une équipe égarée. Une équipe dans laquelle la force de la jeunesse peut flamber mieux que l'expérience brevetée de certains ‘'marathoniens''.