La sélection à laquelle on aspire ne dispose pas toujours de l'équilibre et de la justesse souhaités, de la solidité nécessaire, de la force mentale indispensable. Sans vouloir jouer les rabat-joie, il faut apporter quelques nuances à la victoire d'avant-hier contre le Togo... La prestation de la sélection face au Togo révèle diverses surprises. Une bonne : l'équipe a gagné et elle a obtenu trois points qui lui permettent d'entretenir l'espoir avant le décompte final. Une bien moins bonne : le jeu et l'esprit offensif n'étaient pas, comme c'est souvent le cas ces derniers temps, à l'ordre du jour. Par conséquent, elle court encore des risques certains. Risque de déficience, risque de déséquilibre, risque de prétention. En tout cas, cette manière de jouer retient l'attention autant qu'elle met en garde. On se réjouit plus qu'on se désole? Pas tout à fait, puisque le jeu, l'inspiration ne sont pas toujours un repère idéal dans le mode de comportement des joueurs, incapables de développer une assise de jeu rassurante et qui ne manquent pas à chaque fois de se faire peur. La victoire contre le Togo peut certainement apporter un peu de douceur à un flux d'habituels constats moroses, lourds et inquiétants. Mais la sélection est encore loin de pouvoir rassurer. Dans sa manière de jouer, dans ses différentes interpellations, elle n'est pas aujourd'hui mieux perçue. Aussi bien pour les performances que pour l'attrait des formules de jeu. Sur un nombre calculé de phases abouties, l'inspiration, la créativité n'avaient point leur raison d'être. Toujours adepte de l'esprit conformiste aux systèmes, Kasperczak n'ose pas penser aux genres footballistiques : technique, physique, dribbles, accélérations. D'ailleurs, les joueurs qu'il a retenus n'ont pas, ou n'ont que très peu, le profil requis. Sans vouloir jouer les rabat-joie, il faut apporter quelques bémols à la victoire d'avant-hier. D'abord, la défense qui reste vulnérable et fragile en dépit des changements à la fois des acteurs et des postes. Ce qui pourrait être, d'une façon ou d'une autre, réducteur. On aurait aimé que le sélectionneur puisse compter, à quelques éléments près, sur l'ossature des joueurs étoilés dans la composition de l'équipe type. Complètement dépassé sur le flanc droit de la défense, Mathlouthi ne semblait point en mesure d'assurer ce rôle. Abdennour avait livré à l'occasion l'une de ses plus mauvaises prestations en sélection. Les critères retenus dans les choix des joueurs peuvent être discutés, ou encore ne pas forcément correspondre à la réalité de l'équipe. Le jeu d'attaque était difficile à asseoir. La passivité de certains joueurs au niveau de la construction du jeu a la même racine que l'absence d'imagination. Privée de discernement, et de créativité, c'est toute l'initiative qui se retranche et l'équipe de Tunisie de tomber encore une fois dans ses travers. Tout ce que les joueurs ont laissé entrevoir dans ce match sert à démontrer qu'on peut être tout juste mieux que médiocres. Beaucoup d'équipes gagnent, mais peu d'entre elles savent vraiment s'épanouir sur le terrain. Cela ne peut être qu'une réponse aux avis évoquant les victoires, leur mauvaise interprétation, leur attrait relatif, leurs perspectives. La plupart des commentaires et des analyses ne font que très rarement le tour des multiples réalités et des charmes toujours renouvelés de l'option de faire et d'imposer le jeu. Tout est mélangé Le système de jeu de la sélection se met très peu en évidence, que ce soit avec ou sans ballon. Kasperczak pense défensif, même quand l'équipe attaque. L'essence de cette méthode est tirée des restrictions et des réticences dans le jeu et dans le mode de comportement des joueurs. Son football, on le sait déjà, n'a jamais été un football d'espaces et de passes courtes. Encore moins de profondeur. Ses méthodes de jeu entrent en scène par une série d'approches qui véhiculent des significations assez limitées dans le recours au jeu offensif. En tout cas, on est toujours loin d'une ouverture sur un jeu en devenir, d'une recomposition des priorités et des approches, lesquelles ne devraient être ni de l'offensive pure ni de la défense pure. Il semble qu'on ne soit pas vraiment parvenu à redresser la barre en dépit de la petite victoire sur le Togo. Il manque encore à la sélection du fond, du style et surtout une capacité générale à gérer ses matches avec aisance, variété et supériorité. Autrement dit, l'équipe à laquelle on aspire ne dispose pas toujours de l'équilibre et de la justesse souhaités, de la solidité nécessaire, de la force mentale indispensable. Il s'agit au fait de pointer ce qu'on n'hésite pas à considérer comme des manquements ou des dérives. Simplement, la sélection ne peut plus continuer à vivre dans les conditions actuelles. Elle devient l'incarnation d'un manque de dimension. Pour rejoindre la cour des grands, l'équipe de Tunisie aurait encore besoin d'une structure stable et d'un système clairement défini qui lui soient propres et assumés par tous. Le rôle du sélectionneur est d'enrayer les dérives et les insuffisances qui ne cessent de marquer l'équipe. Il est aujourd'hui question d'un véritable plan de bataille destiné à rendre la sélection plus performante dans son jeu et dans le comportement de ses joueurs sur le terrain. Il est évident qu'un nouvel ordre s'impose, ne serait-ce que pour retrouver une certaine lisibilité plus que jamais perdue. Et c'est précisément pour cette raison que Kasperczak aurait intérêt à revoir les paramètres de la vie sportive de la sélection en termes de certitudes, de convictions et de potentiel humain. D'une certaine culture sportive, de la durée et de la persévérance. L'on sait que, dans ce genre de contexte, les défaillances de jeu doivent être comblées par la volonté, la détermination et la rage de vaincre. Cela n'apportera pas le résultat idéal, mais il en apportera le bon. Notamment le «mérite» d'échapper à l'absurde, à la médiocrité. Par l'action. Par la présence. Par l'existence.