Il y a autour de la sélection des valeurs, bonnes ou mauvaises, qui marquent leur temps, donnent à leur époque des lettres de noblesse, ou la frappent du sceau de la déchéance et de l'indignité. L'éviction de Ragued de l'équipe nationale fait écho d'une réelle crise de gouvernance. Elle tient assurément son nom de cette tendance à tromper l'opinion publique. Les déclarations, les justifications ne sont finalement qu'un prétexte qui en disent infiniment plus long sur une sélection et sur son entourage, lesquels auraient besoin, aujourd'hui et avant que ce ne soit trop tard, de la vérité qui dérange que de l'illusion qui réconforte. Le communiqué de la fédération faisant état de l'évincement de l'international espérantiste évoque des raisons administratives. Mais la suspension en elle-même n'a pas manqué de provoquer un certain étonnement chez le grand public dans la mesure où Ragued est connu par ses qualités morales et son comportement juste et irréprochable. Certains vont encore plus loin, quand ils évoquent une certaine connivence avec l'assistant de Kasperczak, Patrick Hesse, dans le choix des joueurs. Mais ce qu'on a peut-être oublié, c'est que des fois, et pour se faire des ennemis, pas la peine de déclarer la «guerre», il suffit juste de dire ce que l'on pense. Plus facile aujourd'hui de faire semblant que de dire la vérité. Plus facile de renier que de rester fidèle. Plus facile de fuir que de faire face. Plus facile d'oublier que de s'engager. Ragued, le plus concerné dans cette affaire, va-t-il donner des explications? Ou bien accepter le fait que les gens comprennent seulement ce qu'ils veulent comprendre? Certains ont choisi la facilité et d'autres ont compris que le bonheur se gagne dans le pré. Il paraît que Ragued fait partie de ces derniers, habitué comme il est à ne réagir en rien de façon personnelle. Ce n'est pas parce qu'on parle beaucoup qu'on fait les choses plus et mieux que les autres. Ceux qui accaparent la parole parlent souvent de tout sauf de l'essentiel. De toutes les façons, il y a autour de la sélection des valeurs, bonnes ou mauvaises, qui marquent leur temps, donnent à leur époque des lettres de noblesse, ou les frappent du sceau de l'infamie et du déshonneur. Certaines périodes célèbrent l'héroïsme, la beauté. D'autres annoncent l'aberration et la nullité. Les travers sont nombreux et bien connus: incompétence de certains responsables, surtout ceux qui ont le pouvoir de décision, manque de légitimité, et dans tous les cas de figure, fragilité de ceux qui veillent aux destinées de la sélection. Le règne de la médiocrité De façon générale, notre époque, et pas seulement celle du football, baigne, transpire, dégage et produit la médiocrité. On a justement l'impression que la fédération, et derrière elle la sélection, évoluent dans une atmosphère instable où on ne voit pas justement comment on peut s'unir sans se séparer. Le sens et la contrainte de la construction oubliée, l'on ne cesse de miser sur une conjonction immédiate de facteurs peu favorables pour obtenir des résultats et espérer durer un peu. Mais un projet de reconstruction, charpenté autour d'une réflexion portée par de grandes idées, tarde encore à voir le jour. Cela ne devrait pas dépendre de quelques personnes, mais tout particulièrement de Kasperczak dont le passage en Tunisie constitue pour lui une étape captivante dans sa vie de sélectionneur. Il sait parfaitement qu'avec l'équipe de Tunisie, il tourne une page et il en ouvre une vierge. C'est pourquoi il est tenu à impulser une nouvelle dynamique au sein de l'équipe de Tunisie. Bref, il représente, mais pas seulement à lui seul, un état de grâce qui doit durer, pas uniquement en fonction des résultats à venir, mais qui devrait pouvoir entraîner une vague porteuse et bénéfique. Aujourd'hui, plus les matches passent et plus on devient convaincu que les joueurs sont dans l'obligation de parler le même langage sur le terrain et dans les vestiaires. Peuvent-ils encore y parvenir, notamment en prévision des prochaines échéances? Il arrive des fois à la sélection de ressembler à l'équipe souhaitée. Mais il lui arrive aussi d'être loin du compte. Il faut dire que jusqu'à présent elle ne donne pas l'impression de retrouver une maîtrise technique acceptable et une solidité correcte. Son efficacité offensive, au regard des atouts individuels, de sa qualité de mouvement, de l'habileté à créer les espaces, tout cela reste d'une étonnante irrégularité. On le sait pertinemment, l'équipe de Tunisie souffre depuis longtemps de l'absence de buteur spécifique et de métier. Son système offensif était pendant de longues années d'une pauvreté sans nom. L'organisation générale et tactique conformément aux exigences offensives ne ressemblait souvent à rien. Tout était dans tout et dans son contraire. Dans cette panade générale, Kasperczak tente aujourd'hui de résister, de surnager, mais il oscille toujours entre les défaillances qui ne cessent de conditionner le comportement offensif des joueurs et la clairvoyance et l'inspiration que recommandent une pareille exigence. Une bonne équipe doit avoir un bon jeu d'attaque pour alléger la pression qui pourrait peser sur le compartiment défensif, le cas échéant...Très souvent, les qualités physiques et l'application tactique ne suffisent pas si l'on n'y ajoute pas les formules d'attaque nécessaires et adéquates. Il faut dire que tout cela ne se décrète pas du jour au lendemain. C'est une question d'état d'esprit et surtout d'initiative. Beaucoup plus que les corps, ce sont les mentalités, la manière d'aborder et de gérer les matches qui devraient changer. Jusqu'à nouvel ordre, les jambes traînent encore, parce que les têtes ne répondent pas. Et les illusions de véritable formule d'attaque avec. Aujourd'hui, le football le plus recherché par les entraîneurs est celui qui est synonyme de puissance, de force, d'engagement et d'endurance. Ce dont la sélection tunisienne aurait cependant besoin tourne autour de la créativité, de la vitesse et surtout de la volonté constante d'attaquer et de faire le jeu.