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Nahla Ben Amor, professeure en informatique de gestion à l'ISG, à La Presse : «Le progrès technologique en Tunisie se fait plus avec les femmes qu'en Europe»
Publié dans La Presse de Tunisie le 28 - 03 - 2022

C'est l'une des 11 chercheurs tunisiens qui ont obtenu le trophée de talent émergent par Thomson Reuters et qui se sont distingués de par le nombre de leurs publications scientifiques internationales, dans leurs domaines d'expertise respectifs. Considérée, à cet égard, comme l'une des pionnières de l'enseignement de l'Intelligence Artificielle et des systèmes d'aide à la décision en Tunisie, Nahla Ben Amor n'a cessé de déployer une intense activité de lobbying pour apporter de l'espoir à nos jeunes étudiant(e)s-chercheur(e)s et prouver que l'intelligence artificielle a de la place en Tunisie. Et malgré que les chiffres officiels ont confirmé, qu'à l'échelle internationale, les femmes restent minoritaires dans les postes techniques et de direction des entreprises technologiques, Ben Amor n'a cessé de confirmer une autre réalité : la Tunisie présente une exception où les jeunes femmes tunisiennes s'orientent davantage vers les études et les métiers de l'informatique et du numérique. Entretien.
Quels sont les nouveaux enjeux soulevés par l'Intelligence artificielle dans le monde post-Covid ?
L'intelligence artificielle a parcouru un long chemin depuis sa création et presque toutes les industries mondiales ont adopté l'IA au cœur de leurs transformations digitales. L'année 2021 a été riche en événements qui ont renforcé l'importance de l'IA au sein de tous les types d'organisations. Alors que la quasi-totalité des secteurs d'activité ont subi les foudres de la pandémie, l'Intelligence Artificielle s'est positionnée comme étant une technologie importante pour gérer la crise provoquée par la Covid-19 et c'est l'Organisation mondiale de la santé (OMS), elle-même, qui l'a signalé. L'IA, l'apprentissage automatique et divers outils de communication numérique, par le biais de la télésanté, ont effectivement joué un rôle important dans le développement de la communication avec les patients. Par ailleurs, l'IA a été utilisée afin de mettre en place plusieurs plateformes permettant de comprendre le mode de propagation de la Covid-19 et d'accélérer la recherche et le traitement. D'un autre côté, l'étude «Global AI Adoption Index 2021», menée par IBM, a montré que l'adoption de l'intelligence artificielle par les entreprises (dans diverses activités) s'est accélérée en réponse à la pandémie.
Cette accélération va continuer puisque, selon la dernière étude Gartner, le marché des logiciels IA va connaître en 2022 une croissance de 21,3% par rapport à 2021 pour atteindre fin 2022 une valeur mondiale de 62,5 milliards de dollars. Cette évolution va s'accélérer pour atteindre un marché de 134,8 milliards de dollars en 2025. Il ne faut pas non plus ignorer le rôle de l'Intelligence Artificielle dans la prochaine révolution numérique et économique : le métavers. Il n'y a aucun doute, le métavers sera activé, peuplé et soutenu par l'IA qui sera un de ses piliers technologique centraux. Dans ce même contexte, Facebook, qui s'appelle désormais «Meta», a annoncé fin 2021, la création de 10.000 emplois «hautement qualifiés» au sein de l'Union européenne afin de bâtir son métavers et nous pouvons imaginer que les spécialistes en data et intelligence artificielle seront en tête des profils recherchés.
Cet engouement pour les métiers de l'IA confronte les entreprises de tous les secteurs d'activité à un obstacle commun pour atteindre leurs objectifs en matière d'IA : le talent. Ne disposant pas des compétences nécessaires en matière d'IA, de nombreuses organisations accélèrent leur recrutement dans ce domaine. Et donc, la demande en matière d'IA ne peut que continuer à croître. En effet, un rapport LinkedIn sur les métiers émergeants de 2020 a révélé que le spécialiste de l'intelligence artificielle est le principal emploi émergent aux Etats-Unis, avec une croissance de l'embauche de 74% par an au cours des cinq dernières années.
Dans les domaines de l'Intelligence artificielle et la Data Science, où en sont les femmes ?
Malgré l'accroissement de la demande des spécialistes en IA et en Data, un réservoir de talents, qui pourrait aider les entreprises à réaliser leurs ambitions, est resté largement inexploité, ce sont les femmes. Le rapport du Forum économique mondial pour l'année 2021, en collaboration avec LinkedIn, a révélé que la part des femmes dans les fonctions liées à l'IA et au Data est limitée à 32,4% et ce chiffre a connu une légère diminution de 0,1% depuis février 2018. Ce constat est partagé par l'Unesco, qui a dédié une partie de son dernier rapport sur la science, intitulé «La course contre la montre pour un développement plus intelligent» à l'importance de l'inclusivité dans la révolution numérique.
Les femmes restent également minoritaires dans les postes techniques et de direction des entreprises technologiques. Le rapport de l'Unesco a souligné que les raisons principales poussant les femmes à quitter le secteur des TIC sont les conditions de travail, la difficulté à accéder à des postes créatifs à responsabilité et le sentiment d'être sous-estimées. Les géants de la Tech n'échappent pas à cette observation et les Gafam en sont la preuve puisque Facebook (actuellement Meta) affiche le meilleur score avec seulement un tiers de femmes aux postes de direction, dont la très connue Sheryl Sandberg, directrice des opérations du groupe. Ce chiffre est beaucoup moins important chez Huawei où seulement 7% des postes de direction sont attribués à des femmes.
Quant à la Tunisie, elle présente une exception, puisque contrairement à la très faible part des femmes actives (28,3% selon les chiffres de l'INS de 2020), leur proportion parmi les diplômés en TIC en 2018 est de 56% (selon le rapport de l'Unesco sur la science). Dans ce domaine, on fait mieux que l'Europe où 17% seulement de l'ensemble des étudiants en TIC sont des femmes (selon les chiffres annoncés par Eurostat en 2018), alors que la part des femmes dans la population active est de 46,3% en 2020. Ces chiffres montrent que, malgré l'existence des stéréotypes de genres dans notre pays, les jeunes femmes tunisiennes s'orientent davantage vers les études et les métiers de l'informatique et du numérique. Cet écart entre une faible participation des femmes au marché du travail et leur présence, relativement forte, dans les métiers TIC caractérisent les pays arabes et ceux du Maghreb. Ce phénomène est souvent expliqué par le fait que, dans ces pays, l'émancipation se fait par des métiers dans lesquels les femmes peuvent avoir de bons salaires et être reconnues comme spécialistes. Il est à noter que la femme tunisienne a réussi à hausser la Tunisie à la deuxième place à l'échelle internationale concernant le pourcentage de femmes diplômées des filières scientifiques de l'enseignement supérieur (science, technologie, ingénierie et mathématiques).
Il n'y a pas de doutes, le progrès technologique en Tunisie se fait plus avec les femmes qu'en Europe. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue l'immigration massive de nos informaticiens. Selon l'enquête nationale sur la migration internationale 2020 en Tunisie (Tunisia Hims 2020), pas moins de 39.000 ingénieurs ont quitté la Tunisie (entre 2015 et 2020) pour des pays étrangers, le plus souvent pour l'Europe. Ce chiffre englobe les informaticiens, et même en absence de statistiques spécifiques sur l'immigration féminine dans le domaine des TIC, on peut facilement imaginer qu'elle est importante puisque le même rapport montre que 43,1% des femmes immigrantes ont un niveau d'éducation supérieur (contre 30,8% pour les hommes). Il n'y a aucun doute, les pays européens, en proie à la pénurie de profils qualifiés, puisent dans notre réservoir.
Quels sont les facteurs qui freinent la parité en intelligence artificielle ?
La raison principale de la faible proportion de femmes au sein des métiers TIC est surtout liée aux stéréotypes de genre. Une étude menée par l'Agence européenne pour l'égalité des genres (Eige) formule quelques constats intéressants montrant que les femmes choisissent plus souvent de travailler dans les métiers de la santé que les métiers TIC à cause du volume horaire exigé par ces derniers. La même étude montre également que, dans la grande majorité des pays européens, moins de 1% des filles à l'âge de 15 ans se projettent dans un avenir TIC. Le rôle des stéréotypes ainsi que les modèles de famille traditionnelles en Europe poussent les femmes à s'orienter vers des métiers souvent moins rémunérés que les hommes. Heureusement, en Tunisie, la volonté d'émancipation des femmes est plus forte que les stéréotypes de genre dans le domaine des TIC.
Quelle est la place de la femme dans la recherche en IA et Data Science en Tunisie ?
Une analyse plus fine des chiffres concernant les chercheurs universitaires potentiels en IA et Data montre que 74% des doctorants en TIC (cumul des spécialités Informatique, Informatique de gestion et Réseaux informatiques) durant l'année universitaire 2019-2020 sont des femmes, et c'est une tendance qui est observée depuis plusieurs années. Par ailleurs, la plupart des doctorants chercheurs intègrent l'enseignement supérieur public et privé ce qui est d'ailleurs visible sur les pourcentages des enseignants-chercheurs de corps «B» (Assistants et Maîtres assistants) et de corps «A» (Professeurs et Maîtres de conférences) avec une évolution remarquable du pourcentage des femmes dans le corps «A» depuis 2017-2018, montrant qu'elles progressent de plus en plus dans leur carrière d'enseignante-chercheur en TIC ce qui est un très bon signe pour la spécialité. Cela dit, la demande accrue du marché du travail pour nos étudiants fait que nous avons de moins en moins de candidats pour les mastères en recherche et les thèses de doctorats. La piste de la recherche appliquée doit impérativement être développée. Par ailleurs, beaucoup de questions restent ouvertes concernant l'essor des travaux de recherches en IA réalisés dans les universités tunisiennes, étant donné que, pour l'instant, nous manquons d'une stratégie nationale d'intelligence artificielle. Même si les publications scientifiques ont évolué en nombre et en qualité durant les dernières années, leur impact sur le plan pratique n'est pas perceptible. Nous espérons, néanmoins, que le mémorandum d'entente qui vient d'être signé le mois dernier par le ministre des Technologies de la communication, la ministre de l'Industrie, de l'Energie et des Mines, le ministre de l'Economie et de la Planification, et le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique permettra, comme annoncé, d'identifier des domaines prioritaires pour l'implémentation d'une stratégie nationale d'Intelligence artificielle, les projets à mettre en œuvre, le calendrier de réalisation et les coûts financiers à prévoir. Il est évident que l'université doit être au cœur de cette stratégie et elle est prête à assumer pleinement son rôle.
Selon vous, la Tunisie peut-elle être un hub éducatif pour l'Afrique dans les domaines technologiques ?
La Tunisie a tous les atouts pour devenir un hub éducatif pour l'Afrique en matière d'intelligence artificielle, de data science et des technologies annexes. La qualité des informaticiens tunisiens, reconnue de par le monde, est la meilleure preuve de l'excellence de la formation dispensée par les universités tunisiennes. Au-delà de l'aspect éducatif, notre pays, à travers l'adoption en 2019 de la loi «Startup Act», dispose de l'un des écosystèmes de startup les plus actifs et les plus élaborés dans la région : plus de 600 startup sont labélisées à ce jour. La Tunisie pourrait très facilement devenir un hub pour les startup dans la région du sud de la Méditerranée, le monde arabe et l'Afrique. Le meilleur exemple à citer est la startup tunisienne InstaDeep qui se place comme leader africain de l'intelligence artificielle décisionnelle surtout après sa mobilisation de 100 millions de dollars en janvier 2022. Un autre exemple très prometteur est celui de Alien Dimension, la startup tech tunisienne spécialisée dans les technologies éducatives immersives, indispensables pour le développement des métavers de demain. L'Etat doit miser sur ce genre de projets dans le cadre d'une stratégie nationale globale.
Mais, malheureusement, ce dynamisme tranche radicalement avec les lois protectionnistes de notre pays bloquant l'avancement réel dans ce domaine fort prometteur. L'exemple des crypto-actifs est vraiment édifiant. En effet, l'affaire de minage de Houssem Bouguerra a mis en lumière plusieurs dysfonctionnements: le flou légal causé par le vide réglementaire freine le développement des crypto-actifs dans notre pays en verrouillant des pans entiers de l'économie... Le gouverneur de la Banque centrale a récemment affirmé que la loi de change va comporter toute une partie qui sera dédiée aux crypto-actifs. Il est impératif de prendre des mesures rapides, décisives et bien coordonnées au niveau mondial afin de tirer parti des avantages des crypto-actifs tout en remédiant aux facteurs de vulnérabilité qu'ils représentent car le sentiment de frustration de l'ensemble des acteurs de l'écosystème d'innovation pousse à son effritement et à l'exode de nos compétences.
Pourquoi la diversité est-elle aussi importante en Intelligence artificielle ?
Dans le domaine de l'IA, la diversité est cruciale puisqu'elle permet de garantir l'intégration d'un large éventail d'expériences vécues dans la conception et la mise en œuvre des programmes. L'importance de la diversité au sein des équipes d'IA est liée à l'un de ses principes fondamentaux : la qualité des ensembles d'apprentissage que les algorithmes utilisent.
En effet, l'apprentissage automatique permet à un système d'apprendre à partir des données et non à l'aide d'une programmation explicite. Les ensembles de données d'entraînement deviennent donc l'un des principaux facteurs de partialité (ou d'impartialité) de l'IA. Par exemple, les algorithmes d'apprentissage profond se basant sur les réseaux de neurones pour la classification d'images sont souvent entraînés sur ImageNet (un ensemble de plus de 14 millions d'images étiquetées). Dans le traitement du langage naturel, les algorithmes standards se basent sur des corpus composés de milliards de mots. Pour comprendre la vraie signification de chaque mot sur Internet, Google a développé des modèles de plongement lexical (word2vec et glove) formés sur les vecteurs de mots pour un vocabulaire de 3 millions de mots et de phrases qu'ils ont formés sur environ 100 milliards de mots en scrapant des données Google News. Ces ensembles de données sont ensuite annotés, souvent par des étudiants diplômés ou par des plateformes de crowdsourcing. De leur côté, les chercheurs se concentrent beaucoup plus sur l'aspect algorithmique en accordant relativement peu d'attention à la manière dont les données sont collectées, traitées et organisées. Du coup, un programme typique d'apprentissage automatique va essayer de maximiser la précision globale des prédictions pour les données d'apprentissage (quels que soient les biais inhérents à ces données). Si un groupe spécifique d'individus apparaît plus fréquemment que d'autres dans les données, le programme optimisera la prédiction de ces individus car cela augmente la précision globale. L'évaluation des algorithmes se fait sur des ensembles de données "test", mais il s'agit généralement de sous-échantillons aléatoires de l'ensemble d'apprentissage original, qui sont donc susceptibles de contenir les mêmes biais. Ces algorithmes peuvent produire, involontairement, des modèles qui encodent des préjugés sexistes, ethniques et culturels.
De telles situations ont déjà été constatées. Par exemple, plus de 45% des données d'ImageNet, qui alimentent la recherche en vision par ordinateur, proviennent des Etats-Unis, où vit seulement 4% de la population mondiale alors que la Chine et l'Inde, qui représentent 36% de la population mondiale, ne fournissent ensemble que 3% des données. Ce manque de géo-diversité explique en partie pourquoi les algorithmes de reconnaissance faciale fonctionnent mieux sur des hommes que sur des femmes, et sur des personnes à peau claire qu'à peau foncée. Un autre exemple mettant en avant les stéréotypes discriminatoires envers les femmes est celui des assistants personnels virtuels dont le genre est en majorité féminin tels que Bixby (Samsung), Alexa (Amazon), Siri (Apple) et Cortana (Microsoft) ancrant l'idée que ces dernières sont des subalternes, en plus d'être serviables et obéissantes. Le constat ne s'arrête pas là, à la question «Let's Talk Dirty», Bixby, l'assistant personnel virtuel de Samsung à la voix féminine, répondra avec un accent très doux: «Je ne veux pas figurer sur la liste du Père Noël», alors que la voix masculine du même programme va répondre «J'ai lu que l'érosion des sols est un véritable problème de terre». En comparaison, les «chatbots» techniques sont souvent masculins. Il y a donc une reproduction du genre des divers corps de métier à travers l'usage de l'IA. Ce comportement n'est pas isolé, Amazon a dû désactiver son outil expérimental de recrutement par intelligence artificielle (IA) après avoir découvert qu'il était discriminatoire envers les femmes. L'entreprise avait créé cet outil pour parcourir le web et repérer les candidats potentiels, en les notant de une à cinq étoiles. Mais l'algorithme a appris à déclasser systématiquement les CV des femmes pour les emplois techniques tels que ceux de développeur de logiciels en faveur des hommes. Aujourd'hui, on ne peut pas négliger ce problème et on doit s'orienter vers une IA équitable.
Comment pouvons-nous remédier à ce problème ?
Répondre d'une manière exhaustive à cette question dépasserait le cadre de cet entretien. Cependant, une première étape très importante serait que de l'IA équitable figure sur la liste des priorités des entreprises. Une fois que les parties prenantes concernées auront décidé qu'elles souhaitent disposer d'algorithmes antidiscriminatoires, la deuxième étape consistera à définir l'équité et à établir une compréhension commune des résultats qui seraient considérés comme éthiquement acceptables. Dans ce contexte, une nouvelle vague de start-up d'audit d'IA veut prouver que la responsabilité peut être rentable. D'ailleurs, la ville de New York vient d'adopter le 10 novembre 2021 une loi (qui prendra effet en janvier 2023) obligeant les entreprises fournissant une IA, qui aide à prendre des décisions d'embauche, à obtenir des «audits de partialité» de leur technologie. Pour la première fois, une ville de la taille de New York imposera des amendes pour une utilisation non divulguée ou biaisée de l'IA, imposant jusqu'à 1.500 $ par violation aux employeurs et aux fournisseurs. D'autres Etats et municipalités ont pris des mesures pour limiter l'utilisation de l'IA pendant le processus d'embauche. La troisième étape implique les chercheurs et les praticiens de l'IA qui devraient continuer à collaborer à l'élaboration de solutions visant à réduire les biais de l'IA. Pour l'instant diverses familles de méthodes ont été développées : On peut citer des méthodes se basant sur le ré-échantillonnage des données visant à rééquilibrer les classes (sous-échantillonnage aléatoire, sur-échantillonnage aléatoire, sur-échantillonnage synthétique) et des méthodes se basant sur les caractéristiques des algorithmes comme le ré-échantillonnage interne (au sein du Baggingou du Boosting), la surpondération globale des observations minoritaires dans l'apprentissage. Un autre aspect important est la diversité dans les équipes. En effet, les équipes d'IA doivent refléter les populations auxquelles elles s'adressent et puisque la moitié de la population mondiale est de sexe féminin, une plus grande diversité des genres au sein de l'IA est une question de «bon sens».


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