Par Samira DAMI Animé par la flamme de l'amour du pays et de la femme, le poète Sghaïer Ouled Ahmed nous a quittés, si tôt, à l'âge de la maturité créative (61 ans et des poussières). Ses admirateurs, mais surtout, surtout ses admiratrices le pleurent chaudement. Car y a-t-il un meilleur hommage et un plus bel éloge que ce poème, sous forme, de «Haïku» (poésie japonaise très courte évoquant l'amour) que le poète a dédié aux femmes de son pays : «Nissaou biladi, Nissaou wa nisf» (littéralement) «Les femmes de mon pays sont des femmes et 1/2) ? En un quatrain, Sghaïer Ouled Ahmed a tout dit en exprimant son admiration, son respect et son amour pour la femme tunisienne, son courage et son audace dans le combat qu'elle a mené, après la révolution, afin de défendre et de sauvegarder ses droits. Mais il n'y a pas que les femmes qui regretteront son départ, tous ceux qui aiment, d'un amour vrai et sincère le pays, tous ces hommes et ces femmes engagés pour le bien et le bonheur de la Tunisie ont l'âme triste. Tant celui qui aura rendu le plus bel hommage à la Tunisie à travers son poème-hymne : «Ouhibbou al bilada» (J'aime le pays») incarnait un symbole de l'authenticité et de «l'amour démesuré pour le pays». Censuré, sous Bourguiba et sous Ben Ali, Ouled Ahmed est fustigé et agressé, après la révolution, par les extrémistes de tous poils. Il écrira son célèbre pamphlet «Ilahi Ainni Aleyhom» (Dieu aidez-moi contre eux). Mais même après sa mort, ses détracteurs islamistes, salafistes et extrémistes ne l'épargneront pas, en consacrant des pages entières sur les réseaux sociaux, aux insultes et aux dénigrements haineux à son encontre. Affligeant et lamentable tout ça. C'est malheureux de voir toutes ces pages payées, dont certaines d'Ennahdha, offenser et accabler le poète même après sa disparition. Leurs aînés et leurs chefs ne peuvent-ils pas les raisonner en leur rappelant que l'Islam est avant tout miséricorde, clémence et tolérance? Franchement, ce comportement inadmissible est pour le moins piteux et pitoyable? Honte à eux! Alors que des va-t-en-guerre hargneux et fielleux calomniaient, à tous crins, le poète disparu, sous d'aures cieux arabes on lui rendait hommage, dont plusieurs artistes, poètes et écrivains arabes : la chanteuse libanaise, Magda Erroumi a écrit un texte émouvant, dont voici un extrait : «Ta poésie est belle à l'image de ta terre, de ton peuple, de ton enracinement dans un pays que j'ai aimé comme personne ne l'a aimé (...) Je te pleure Carthage, aujourd'hui. Une belle chandelle s'est éteinte . Parce que nous sommes de terre et à la terre nous revenons». Des Palestiniens étaient présents à son enterrement afin de lui rendre un dernier hommage pour son engagement pour la cause palestinienne : n'ont-ils pas fêté, la Journée de la Terre, le 30 mars, au rythme des paroles mythiques «d'Ouhibbou el bilada» interprétée par une chanteuse palestinienne. Le même poème a été d'ailleurs composé et chanté par des artistes syriens. C'est tout dire : notre poète Sghaïer Ouled Ahmed militant et engagé, hélas terrassé par la maladie, a désormais une envergure arabe. Il rejoint ainsi Abou El Kacem Chebbi au «Panthéon des poètes arabes».