Exposition collective des pionniers de l'art plastique en Tunisie. Pas moins de 100 participants dont des artistes plasticiens, des chercheurs, des universitaires venant de France, d'Algérie, du Maroc et de Tunisie, ont pris part aux travaux du 5e colloque international portant sur «Les vues esthétiques dans les arts plastiques tunisiens : de la naissance jusqu'à l'indépendance», organisé par l'Association des sciences et du patrimoine en collaboration avec l'Isba de Sousse et qui a eu lieu à Sousse les 23 et 24 avril. Une exposition documentaire des copies des œuvres d'artistes pionniers de l'art plastique tunisien ayant vécu avant l'indépendance a été organisée à cette occasion. Parmi ces œuvres, marquées par une énergie créatrice, un fignolage minutieux et des tons chromatiques harmonieux, on cite celles de Hatim El Mekki, Ali B. Salem, Hédi Khayachi, Safia Farhat, Abdelaziz El Gorgi, Ibrahim Dhahhak, Ammar Farhat, Yahia Turki, Abdelaziz Ben Rayes, Abdelwaheb Jilani, Noureddine Khayachi... Des interventions suggestives Des interventions mettant en exergue les diverses vues esthétiques des pionniers de l'art tunisien ont été présentées lors de ce colloque international où les intervenants ont traité de plusieurs thèmes dont «L'art tunisien : de la naissance à l'aspiration à un idéal démocratique», «Recherche de l'identité au carrefour des influences», «La peinture tunisienne, un regard autre de spiritualité», «L'école des beaux-arts et l'éveil de l'art tunisien»... D'ailleurs, il ressort de l'argumentaire scientifique présenté à cette occasion, que ceux qu'on considère comme les pionniers, voire les maîtres de l'art plastique tunisien, ne sont pas des amateurs ou de simples passagers dans le domaine des arts plastiques. En fait, nul ne peut nier que les avant-gardistes en cette matière sont ceux qui se sont investis, corps et âme, en vue de faire valoir les arts et de les introduire dans les coutumes et les traditions tunisiennes. Ces pionniers sont allés jusqu'à se confronter avec la société civile afin de convaincre la communauté locale de la nécessité d'exprimer, par le biais de l'image et de la peinture, les aspirations d'une société assoiffée d'indépendance et de liberté. De la naissance à l'aspiration à un idéal démocratique L'artiste plasticien et scénographe algérien, Bakli Mohamed , a présenté une intervention titrée: «L'art tunisien contemporain: de la naissance à l'aspiration à un idéal démocratique» dans laquelle il a mentionné qu'en 1912, l'artiste tunisien Abdelwaheb Jilani a été le premier à exposer sur les cimaises du salon tunisien. D'autres artistes suivirent cet artiste, on cite notamment Yahia Turki et Safia Farhat. Cette dernière va marquer le début de l'expression plastique féminine en Tunisie. Ce n'est qu'aux années 50 que l'expression abstraite va apparaître avec les artistes Amara Debbeche et Néjib Belkhouja. A l'exception de l'artiste Safia Farhat, l'intervenant a noté que l'absence de femmes artistes tunisiennes est due à des facteurs socioculturels de l'époque. En 1956, après l'indépendance, l'art plastique en Tunisie s'inscrivit dans une dynamique d'édification. Une politique volontariste s'est mise en place, ce qui a valu à des artistes, comme Hatim El Mekki et Zoubeir Turki, une reconnaissance internationale. Vers les années 60 où le courant abstrait a pris de l'ampleur, les courants classiques et authentiques s'opposèrent à celui-ci, lui reprochant un manque d'engagement. Des années plus tard, avec l'avènement des dits «printemps arabes» et de la succession des mouvements populaires, l'expression des peuples aspirant à un idéal démocratique s'affirme. C'est alors que l'expression artistique en Tunisie se libère et la jeune création s'impose. En effet, 9 mois après l'attentat dans ses murs, le musée du Bardo accueille cinq jeunes artistes pour marquer «l'indice d'une suite» et supporter le sens lourd qu'il porte. «L'art contemporain nous permet de nous dégager du contenant, de transpercer les états de la matière et de surpasser les espaces. Cet art, dans la diversité de ses démarches, accentue une volonté d'inscrire des singularités dans un mouvement pictural en effervescence, mais aussi un désir d'accompagner une mutation sociale qui n'a pas dit son dernier mot», a-t-il conclu. La peinture tunisienne : un regard autre de spiritualité L'artiste français et professeur universitaire, Lussac Olivier, a indiqué au cours de son intervention portant sur «La peinture tunisienne : un regard autre de spiritualité», qu'il s'agit à travers deux exemples de définir les origines et les résonances de la peinture tunisienne compte tenu de la construction abstraite chez Ali Zenaïdi et Mohamed Amine Hammouda. Ces deux artistes empruntent un vocabulaire à la fois tiré de Paul Klee (largement connu en Tunisie), mais aussi de Mark Rothko. Cette construction abstraite pourrait, c'est une hypothèse, renvoyer d'une part à un réalisme et d'autre part à une forme de spiritualité.