Une réelle réflexion et une multitude d'œuvres qui ont exalté une véritable énergie de création et un besoin d'évasion vers d'autres cieux. Des plasticiens, des universitaires et des chercheurs ont pris part au colloque qui a eu lieu les 19 et 20 décembre à la maison de la Culture «Ali Douagi» de Hammam-Sousse et qui a pour thème : «quelle présence pour le plasticien tunisien dans l'espace urbain vécu?», organisé par la Fédération tunisienne des arts plastiques (Ftap) avec l'appui du Commissariat régional à la culture. Plusieurs sujets ont été évoqués dans le cadre d'interventions-débats, dont on cite: «l'art et l'environnement aujourd'hui», «l'acte plastique est-il acte citoyen par essence?», «Street art et dialogue interculturel», «l'intervention artistique et la dichotomie du poétique et du rhétorique», «le plasticien et l'épreuve de la rue»..... Khélil Gouia, directeur du colloque et président de la Ftap, nous a révélé que ce colloque a traité des problématiques les plus pertinentes qui concernent le statut du plasticien dans le vécu quotidien, notamment dans l'espace urbain vécu ,sa participation avec l'architecte et l'urbaniste à aménager les facettes des bâtiments, les places publiques pour ne pas restreindre le processus de création dans les formes traditionnelles de l'expression picturale, à savoir la toile et l'aquarelle, autrement dit le cadre du tableau..En effet, l'artiste plasticien tunisien souffre actuellement du lieu dans lequel il est obligé de «montrer» de son tableau et tend à en sortir vers l'espace urbain. «Il s'agit de sortir de cette situation pour affronter ce blocage au niveau et des visions esthétiques et des législations culturelles qui remontent aux années 60 et qui nécessitent bien une «réforme», a-t-il conclu. Le plasticien et l'épreuve de la rue et de la cité Au cours de son intervention portant sur «le plasticien et l'épreuve de la rue et de la cité», Hafedh Jedidi, enseignant-chercheur en arts plastiques à l'Isba de Sousse, a indiqué que la société tunisienne vit très mal au niveau de la réception artistique et plus particulièrement le passage du cadre de la toile dans ce qu'on appelle l'art classique à l'espace de la performance dans le cadre de l'art contemporain. Par là, nous voulons dire que la société tunisienne — en particulier ses larges couches —, a du mal à assimiler les oeuvres d'art qui relèvent de l'art abstrait et à suivre les élucubrations des plasticiens. L'art et l'environnement Au cours de son intervention, Brahim Azzabi, artiste plasticien et cofondateur de la Ftap, a évoqué l'importance de l'art de la rue ou Street art. C'est ainsi que des fresques murales ont été réalisées vers les années 60 notamment le bas relief métallique de l'artiste Abdelaziz Gorgi à la façade de la poste de la place Pasteur. D'autres fresques murales ont été réalisées au hall des postes de Sousse et Sfax à l'aube de l'indépendance. Après la révolution du 14 janvier 2011, les artistes ont conquis la rue . En effet, à l'année 2012, des artistes professionnels de la Ftap ont réalisé sur les piliers du pont érigé au niveau de la rue de la République à Tunis des fresques murales à style abstrait et figuratif pour couvrir la grisaille du pont. Ces œuvres constituent, en fait, un musée en plein air. En 2013, les artistes ont réalisé des compositions picturales diverses traitant entre autres de la vie sociale et des événements dramatiques vécus après la révolution. «Moi- même, j'ai réalisé des fresques murales mentionnant l'histoire contemporaine du pays comme le portrait du leader Farhat Hached, le drame du «rach» (tirs à la chevrotine) de Siliana de 2012. Ceci démontre et illustre bien l'interaction intime de l'artiste avec les événements sociaux du pays» a-t-il précisé. Abstraction, impressionnisme et créativité En marge du colloque, la maison de la Culture «Ali Douagi» de Hammam-Sousse abrite, actuellement, une exposition collective d'artistes relevant de la Ftap. Des œuvres qui ont exalté une véritable énergie de création et un besoin d'évasion des artistes vers d'autres horizons esthétiques et non dépourvues d'originalité créative. Brahim Azzabi a présenté deux œuvres originales à style abstrait et à technique mixte (peinture à l'huile, bas relief, collage). Dans ses œuvres, se dégage un avant-plan dominé par de représentations en bas relief de divers aspects du patrimoine tunisien, à savoir des fragments épars de tapis traditionnel et de toile de jute, des contours du four traditionnel tabouna, de petits bacs traditionnels de teinture...Le fond de ces deux œuvres abstraites est dominé par des couleurs bleues dégradées et des couleurs ocres chatoyantes. Lotfi B.Salah a présenté trois œuvres semi-abstraites, réalisées à l'acrylique, dont le fond est dominé par des silhouettes humaines allongées et stylisées, garnies de nuances graphiques , de formes et de symboles. Le tout baigne dans un fond attrayant de tons rouge rubis et rouge foncé. Ses œuvres originales relèvent de l'intelligible. Les œuvres abstraites de ces deux artistes ne donnent plus au public la vue d'une partie de la terre à dominer, mais leurs toiles sont ,en fait , un univers rempli de secrets redoutables et qui échappent aux anciennes mesures de dimensions et de valeurs. La peinture abstraite met en exergue une attitude qui s'accommode logiquement des fonds abstraits et des gros plans et qui substitue un espace polyvalent et incommensurable à la vision classique qui était optique et éloignée. Zine Harbaoui a présenté des toiles à tendance impressionniste qui rompt avec les références classiques qui s'appuient sur un modèle idéal que la mythologie reflète et qu'il s'agit de représenter. Ses œuvres où s'entremêlent des tons harmonieux chauds et froids font allusion à la vie quotidienne et à l'animation de rues et de cafés dans la Médina.