Par Hmida Ben Romdhane La Russie a fêté hier le 71e anniversaire de la victoire contre le nazisme. Une victoire très chèrement payée. Elle a coûté la vie à plus de 26 millions de Russes. Plus de dix mille soldats et officiers ont défilé sur la Place Rouge. Ceux qui ont suivi hier matin ces festivités sur la chaîne ‘'Russia Today'' ont pu voir un échantillon des forces terrestres (tanks et missiles dernier cri) et aériennes (notamment les hélicoptères MI 28, les Sukhoi 35 et autres Iliouchine 71). Avec un tel déploiement de forces au cœur de Moscou, la Russie a voulu certes honorer ses millions de martyrs, comme elle le fait le 9 mai de chaque année, mais elle a voulu aussi et surtout afficher aux yeux du monde son statut de grande puissance militaire. Un message frustrant pour les néoconservateurs américains qui peinent à se débarrasser de leur illusion d'un monde unipolaire dominé par les Etats-Unis. Dans son discours de la Place Rouge, le président Poutine a rappelé qu'il y a 71 ans, la Russie, avec ses alliés, avait vaincu le mal du XXe siècle constitué par le nazisme et le fascisme. Il souhaite que cette extraordinaire alliance qui avait vaincu le mal du siècle dernier se renouvelle aujourd'hui pour vaincre le mal du XXIe siècle constitué par le terrorisme. Cette idée, le président russe l'a déjà exprimée dans son discours de septembre 2015 devant l'Assemblée générale de l'ONU. Certes, 40 ans de guerre froide ont fait oublier aux Américains les bénéfices communs de leur alliance avec la Russie, mais Vladimir Poutine a tenté de leur rafraîchir la mémoire et de les convaincre de la nécessité de renouveler cette alliance pour débarrasser le monde du terrorisme, ce mal du XXIe siècle. Il semble malheureusement que ce message plein de bon sens est tombé dans l'oreille d'un sourd et les va-t-en-guerre, très influents aux Etats-Unis, continuent de considérer que « la Russie est la menace numéro 1 ». Le courant politique dominant à Washington continue de vivre avec cet état d'esprit jubilatoire qui avait déferlé sur l'Amérique en 1989 au moment de l'effondrement de l'Union soviétique. Les Etats-Unis avaient alors décrété unilatéralement leur « victoire dans la guerre froide » et mis tout en œuvre pour « unipolariser » le monde et le gérer un peu à la manière dont l'empire britannique gérait ses colonies. Cet état d'esprit a connu son apogée en 1999 quand la Russie, empêtrée alors dans ses problèmes socioéconomiques, observait impuissante le bombardement de la Serbie par l'OTAN pendant 78 jours sans pouvoir lui être d'aucun secours. A l'époque, tout ce que le président d'alors, Boris Eltsine, a pu faire, c'est de lancer cette mise en garde à son homologue américain, Bill Clinton : « Faites attention, la Russie sera de retour. » Effectivement, la Russie est revenue et a retrouvé son statut de deuxième puissance mondiale. Le problème est que les Etats-Unis vivent mal ce retour de la Russie et le complot ourdi par la CIA et les « faucons » du département d'Etat en Ukraine s'inscrit dans le cadre de la stratégie américaine qui consiste à s'opposer à tout ce qui renforce la Russie et à favoriser tout ce qui l'affaiblit. Pendant les dernières années de l'Union soviétique, Washington a eu pour une fois l'occasion de négocier avec Moscou à partir d'une position de force, et Ronald Reagan a pu tirer d'importantes concessions de la part de Mikhaïl Gorbatchev et lui a promis des choses que Bush I, Clinton, Bush II et Obama ont superbement ignorées. Il semble que c'est la nostalgie de cet épisode historique qui alimente l'inimitié envers Poutine qu'Hillary Clinton, dans un accès de futilité ridicule, n'a pas hésité à comparer à... Hitler. La menace globale que pose aujourd'hui le terrorisme n'est pas moins dangereuse que la menace posée au siècle denier par le nazisme. Si au siècle dernier, il s'est trouvé aux Etats-Unis des hommes d'Etat d'envergure suffisamment intelligents pour s'allier à l'Union soviétique contre le mal du XXe siècle, il est clair qu'il y a aujourd'hui une pénurie d'hommes d'Etat de la trempe de Franklin Delano Roosevelt pour prendre les décisions judicieuses dont ont besoin les Etats-Unis et le monde et les imposer aux politiciens écervelés promoteurs de la «guerre perpétuelle » qui tiennent actuellement le haut du pavé à Washington. La décision la plus judicieuse et la plus urgente dont ont besoin aujourd'hui les Etats-Unis est de considérer la Russie non pas comme un ennemi, mais comme un partenaire avec lequel il faut travailler pour résoudre les problèmes gigantesques sous lesquels le monde est en train de crouler. Ces deux pays sont les plus puissants et les plus armés au monde. Leur coopération est indispensable non seulement pour résoudre les grands problèmes de l'heure, mais aussi pour éviter qu'un accident technique ou une erreur humaine ne provoque l'apocalypse nucléaire et la fin de la civilisation. Les conditions de la paix mondiale et de la victoire sur le mal du XXIe siècle sont brillamment exposées et analysées dans le discours de Vladimir Poutine de septembre 2015 devant l'Assemblée générale de l'ONU. La question qui se pose est pourquoi au bon sens dont fait preuve la Russie, les Etats-Unis répondent-ils par la suffisance et l'arrogance ? La réponse est simple. Dans ce pays, le temps des Roosevelt et des Kennedy semble bel et bien révolu. Place désormais aux novices. Avec Hillary Clinton ou Donald Trump, il est à craindre que la suffisance et l'arrogance domineront encore la politique étrangère américaine pour les années à venir.