Sur Internet ou dans une station de métro, tous les endroits sont bons pour l'incitation à la lecture. Il y a quelques jours, quand la polémique autour de la participation tunisienne au salon du livre de Genève battait son plein, nous avons choisi de nous réjouir de l'émergence d'une nouvelle génération de lecteurs tunisiens. Quoi de plus naturel alors que d'en parler et de donner la parole à leurs initiatives qui passent par Internet pour faire les beaux jours du livre en papier. La plus récente vient de Youtube qui compte désormais de nombreuses «Booktubeuses». Elles créent une chaîne de vidéos dédiées aux livres et à la lecture, donnent leurs avis dessus et des conseils à d'autres lecteurs et lectrices assidus. Elles s'expriment en dialecte tunisien, en français ou en anglais et lisent dans les trois langues. Les livres dont elles parlent, elles les dénichent dans les librairies, à la rue Dabaghine (rue des bouquinistes) et dans la foire du livre. «J'ai créé cette chaîne parce que j'ai remarqué que la majorité des booktubeurs viennent d'ailleurs et je voulais créer une communauté tunisienne autour de ce phénomène», explique Sarra, 18 ans, dans l'une de ses vidéos. Elle se présente sous le pseudonyme «A tunisian reader» (une lectrice tunisienne) et publie ses vidéos une fois par semaine. D'autres utilisent leurs vrais noms et le rythme des vidéos varie selon leurs nouvelles lectures, avec leurs bibliothèques personnelles comme arrière-fond. De Ghassan Kanafani à Jane Austen et Stephen Chbosky, elles parlent de l'auteur, dissèquent l'histoire et les personnages, chacune selon ses sensibilités. Les réactions des internautes ne se font pas attendre avec des commentaires qui discutent leurs points de vue ou leur posent des questions. Elles-mêmes peuvent interagir par chaînes interposées. Depuis peu, les booktubeuses et tous les férus de lecture peuvent échanger des livres sur la plateforme en ligne Yallaread.com. Du haut de ses 24 ans, son créateur, Ahmed Hadhri, s'assigne pour objectif «d'améliorer l'accès aux livres, de diminuer les barrières à lire, d'aider les gens à trouver les livres qu'ils cherchent selon leurs besoins et de créer une forte communauté de lecteurs». Le principe du site est de s'inscrire, de créer sa bibliothèque avec les titres de livres que l'on met à la disposition des autres utilisateurs. Les bibliothèques de ces derniers sont également accessibles à tous et l'on peut contacter le propriétaire d'un livre qui nous intéresse pour proposer un échange. Yallaread est à présent garni de quelque 450 livres, un nombre qui ne cesse d'augmenter. Les booktubeuses sont, quant à elles, suivies par 1.000 à 2.000 inscrits chacune. Ces petites communautés de défense du livre et de la lecture s'agrandissent lentement, mais sûrement, et nous remplissent d'espoir de voir les macabres statistiques sur la lecture en Tunisie se transformer dans quelques années en un cauchemar du passé. Ces initiatives sont la preuve d'une renaissance, par des jeunes qui servent d'exemple. Leurs efforts s'ajoutent à ceux d'autres groupes, comme le Medina book club que l'on ne présente plus, où des jeunes se rencontrent dans un coin de la vieille ville pour présenter chacun un livre, ou font des actions comme d'aller acheter en masse d' anciens livres de la rue des Tanneurs (Dabaghine). La société civile n'est pas en reste comme le prouvent les photos qui circulent sur les réseaux sociaux, montrant des stands de livres installés dans plusieurs stations de métro à Tunis par l'Aiesec Medina. Une campagne sous le slogan «Lire et donner la possibilité aux autres de lire». De quoi inspirer d'autres actions, menées pourquoi pas à l'échelle nationale, où l'Etat prendrait à son tour sa part de responsabilité dans l'incitation à la lecture.