La Constitution a expressément exigé la couverture de tout le territoire national par les périmètres communaux comme préalable obligé des élections municipales. Décidées au cours des derniers mois, l'écrasante majorité des nouvelles communes sont toujours à l'état de projet Les rumeurs enflent quant au départ du gouvernement de M. Habib Essid. Et le chef du gouvernement en est visiblement gêné. Il semble avoir trouvé la bonne parade. Engager tout le pays, ici et maintenant, dans le processus des élections municipales. Une manière d'assurer la pérennité de son gouvernement d'ici jusqu'à la fin mars 2017. Que M. Habib Essid soit particulièrement gêné par les rumeurs faisant état de sa démission imminente, cela saute aux yeux des aveugles. Bien qu'il ne s'agisse que de rumeurs plus ou moins fondées ou fantaisistes, le gouvernement s'est empressé de rendre public un démenti officiel et catégorique à ce propos. Et le chef du gouvernement a réitéré ce démenti publiquement et dans les médias à maintes reprises. Des démentis qui ont été le fait du seul gouvernement, exclusivement. A en croire que nous ayons affaire à un gouvernement «facebookien» davantage soucieux de ce qu'on rapporte dans les réseaux sociaux que de plein jeu des institutions et des procédures constitutionnelles. Et puis il y a cette déclaration du chef du gouvernement annonçant la tenue des élections municipales le 26 mars 2017. M. Chafik Sarsar, président le l'Instance indépendante des élections (Isie), s'y est mis lui aussi en invoquant les nécessaires stipulations et étapes du calendrier électoral. Or qu'en est-il au juste ? Il faut savoir que la Constitution a expressément exigé la couverture de tout le territoire national par les périmètres communaux comme préalable obligé des élections municipales. Les services appropriés du ministère de l'Intérieur se sont avisés depuis de concevoir la mise en place des nouvelles municipalités. Ainsi, le nombre des communes sera de 350, couvrant tout le territoire national, en lieu et place des 264 communes existantes. Soit 86 communes supplémentaires (le tiers des actuelles). Décidées au cours des derniers mois, l'écrasante majorité des nouvelles communes sont à l'état de projet. Une commune c'est d'abord un bornage territorial, des bâtiments civils, une administration, des services techniques, financiers et de contrôle, un matériel roulant et de travaux divers et d'infrastructure, du personnel, etc. Non seulement ceci n'existe pas, mais aussi il y a des contestations diverses et multiformes parmi les habitants quant au démembrement de telle ou telle commune, l'opportunité de la création d'autres communes ou le découpage territorial dans certaines zones et régions. Tenir des élections en ces circonstances équivaudrait à élire des conseils municipaux fantasques pour des municipalités hypothétiques. Bien pis, pour tenir les élections municipales le 26 mars 2017, il faut que le code électoral stipulant le mode de scrutin autant que le découpage territorial soit adopté par le Parlement au plus tard le 30 mai 2016. Le calendrier électoral requis l'exige. Or, jusqu'ici, ledit projet n'a guère été présenté à la séance plénière. Une source informée au ministère de l'Intérieur nous a affirmé que le projet du code électoral sera présenté et adopté par le Parlement le 30 mai précisément. C'est-à-dire limite. Une fois cela acquis, il faudrait publier d'autres textes de loi avant le 22 juillet 2016. Ainsi, les inscriptions sur les registres d'électeurs, devant durer 73 jours, seraient closes avant la mi-novembre 2016 et permettraient la tenue des élections municipales en toute transparence et légalité. Et c'est précisément faire peu de cas de la fonction parlementaire et lui faire offense que de présenter aux députés, hâtivement, un projet de loi aussi important pour approbation immédiate. Cela ne donne guère lieu à un large débat public impliquant précisément l'opinion et les citoyens, premiers concernés par les élections municipales. Le mode de scrutin n'est pas la seule affaire des partis politiques et de leurs intérêts plus ou moins étroits. La bonne gestion des espaces communaux dépend précisément de l'engagement citoyen dans les affaires des villes et de la cité. Autrement, la partitocratie sera à l'œuvre, là aussi. Il faut savoir par ailleurs que des instances constitutionnelles nécessaires pour la tenue des élections transparentes font encore défaut. Ainsi en est-il du conseil supérieur de la magistrature, de la Cour constitutionnelle ou de la Haute instance indépendante de l'audiovisuel. Leur mise en place piétine ou n'est même pas encore envisagée. C'est dire que l'empressement du gouvernement à tenir les élections municipales le 26 mars 2017 semble pour le moins douteux. Les motivations de cette course contre la montre, quitte à enfreindre le plein jeu de la règle de droit et de la règle démocratique, demeurent scabreuses. Ici comme ailleurs, l'être et le paraître se télescopent. Et M. Habib Essid ressemble, en pareilles circonstances, à Raymond Poincaré et Aristide Briand, deux politiciens français, tels que décrits jadis par Georges Clémenceau : «Poincaré sait tout et ne comprend rien, Briand ne sait rien et comprend tout».