La consultation régionale sur le projet de loi relatif aux élections locales est arrivée, hier, à terme, laissant derrière elle objections et mécontentements au sein de la société civile. S'agissant des élections municipales et du nouveau code régissant les collectivités locales, ces deux projets de loi sont-ils, vraiment, satisfaisants ? C'est la question qui a été posée lors d'une rencontre de presse tenue hier à Tunis, et dont le débat a été animé par quatre organisations civiles, à savoir l'Atide, Kolna Tounès, Tounès Bledna et l'Action associative. D'emblée, la conférence a commencé par la projection d'une vidéo, alliant images et témoignages, afin d'illustrer le bien-fondé d'un choix opposé à celui déjà proposé par la commission d'élaboration des deux projets de loi en question. Dès le départ, la démarche a été jugée contre-indiquée. Prononçant le mot d'ouverture, M. Moez Attia (Kolna Tounès) a voulu mettre l'auditoire dans le vif du sujet, relevant que son association s'y est, pleinement, engagée depuis janvier dernier. Elle a approché un nombre de juristes et d'activistes, menant des réflexions approfondies sur la démocratie participative. Mais les mécanismes de son application, tels que définis par lesdits projets de loi, sont aussi coûteux que complexes. Alors que le fait d'y consacrer des budgets participatifs, partout dans les régions et les communes du pays, vient de faire ses preuves. Selon lui, la conférence d'hier cherche à comprendre comment traduire dans les faits le chapitre 7 de la nouvelle Constitution portant sur le pouvoir local. Et d'ajouter que la consultation régionale élargie organisée dans ce sens, et qui a pris fin hier à Sfax, n'a pas bien répondu à plusieurs interrogations. D'ailleurs, juge-t-il, elle était décidée dans la précipitation, à laquelle n'a pas été conviée la société civile. «Nos réserves émises à cet égard concernent plus particulièrement l'insuffisance du temps qui nous a été alloué pour mieux rentrer dans les détails de ces projets de loi. Il y a là une sorte d'empressement et d'improvisation», commente-t-il, évoquant que les séances de travail n'ont même pas été consultatives. Le découpage, une problématique bien réelle Suite à un échange interactif d'idées, Kolna Tounès, a-t-il encore souligné, est parvenue à formuler des propositions visant à rendre tangibles les principes du pouvoir local. Pour ce faire, il y en a essentiellement quatre : décentralisation, aménagement et découpage territorial, loi électorale et participation citoyenne. Pour le premier, il a pour mot d'ordre la représentativité institutionnelle comme un impératif préalable à la démocratie participative, selon les énoncés de l'article 39 de la Constitution. Toutefois, procéder à la division du territoire national en trois périmètres géographiques (municipalités, régions et districts), nourrit d'autres problèmes de gestion sur le plan administratif et financier. L'idéal consiste, à ses dires, à être progressif dans la démarche et voir les choses avec rationalité et réalisme. Sur la même lancée, M. Imed Nouri (Tounès Bledna) considère qu'un tel découpage territorial est un problème en soi. L'objectif recherché est, certes, d'aboutir à une assez large couverture communale, ce qui permettrait l'intégration du tiers de la population marginalisée dans le tissu municipal général. D'autant plus que la majorité des communes compte presque moins de 10 mille habitants. Et là, la région du nord-ouest donne l'exemple d'un grand nombre d'agglomérations éparpillées. D'où une nécessaire révision à ce propos, avance-t-il. Failles et manquements Quant à M. Moez Bouraoui, président de l'Atide, il s'est focalisé sur la loi électorale, en tant que troisième enjeu de la décentralisation. Pour lui, ladite consultation régionale, déjà terminée hier, a été dirigée d'une façon informelle, loin d'être représentative de toutes les sensibilités de la société. Pour rappel, il a fait savoir que le territoire national vient d'être découpé en plus de 325 municipalités. A titre d'exemple, Kasserine s'est scindée en trois. Un découpage qui renvoie, selon lui, à des intérêts politiciens. Question loi électorale, M. Bouraoui a dit que les élections locales seraient l'ultime opportunité pour restaurer les rapports gouvernant-gouverné et réconcilier, de la sorte, pouvoir et citoyen. «Si on voudrait y arriver, il serait quasiment impossible de pouvoir tenir ce rendez-vous d'ici fin 2016. Cela exige, bien évidemment, des préparatifs énormes», estime-t-il. Ces projets de loi dans leur mouture initiale ne vont aboutir à rien, quitte à amplifier la bipolarisation (Nida et Ennahdha) et anéantir, de nouveau, les petits partis. De même pour les infractions, le registre électoral, le mode de scrutin et la privation du corps sécuritaire et militaire, ainsi que les détenus, de leur droit de vote. Cette architecture électorale, s'indigne-t-il, est la résultante des manipulations politiciennes qui privilégient la reproduction du scénario des législatives 2014. «Si rien ne change à ce niveau, je n'irai pas voter en 2016...», décide le chef de l'Atide. Le quatrième principe est celui de la participation citoyenne, clé de voûte d'une bonne gouvernance locale et de la gestion démocratique des affaires communales. M. Kouraich Jaouahdou (l'Action associative) s'y est attardé, soulignant que cela est tributaire du facteur confiance dans les institutions de l'Etat. De l'article 15 à 18, évoque-t-il, l'on a bien mis le doigt sur tant de failles et de manquements aussi significatifs. Cette carence au niveau du contenu et d'ordre technique est de nature à nous faire revenir à la case départ.