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Une gauche déconnectée de la réalité sociale
Bilan de cinq ans post-révolution
Publié dans La Presse de Tunisie le 31 - 05 - 2016

Les luttes de leadership occultent les conceptions et les pensées et empêchent la gauche de devenir une force populaire
La rencontre de trois jours de la gauche arabe et européenne, cinq ans après les révolutions sud « printemps arabe », qui était organisée par Le Monde Diplomatique, édition arabe, et qui était accueillie et hébergée par la Fondation Rosa Luxemburg, s'est achevée par Le Manifeste de Tunis, « Ensemble pour un espace euro-arabe de partages, de progrès et de justice sociale », qui« prend l'engagement de se réunir de manière régulière et au moins une fois par an pour poursuivre et approfondir ce travail d'élaboration d'un vécu commun aux deux espaces de la Méditerranée ». Ces deux mécènes s'engagent à faire bénéficier des sessions de travail et de formation qu'ils organiseront seulement pour les femmes, les jeunes, les activistes des mouvements sociaux et les représentants des classes populaires. Au cours des débats qui ont animé ces journées, les bilans et jugements étaient loin d'être similaires. Les uns essayaient de rapprocher les vues, les autres, se montrant plus intransigeants et peu enclins à la complaisance, mettaient le doigt sur les défaillances. C'est le cas du journaliste et écrivain Salama Kayla. Avant d'amorcer sa critique, il affirme que l'avenir appartient à la gauche arabe et rien qu'à elle, étant donné que les problèmes sociaux qui ont émergé, dans le cadre des révolutions, ont montré que l'aspect social en est la caractéristique centrale. En ce sens que le capitalisme qui a engendré le chômage, la marginalisation, l'augmentation de la pauvreté, l'accroissement des inégalités, etc. est incapable d'y apporter même des solutions partielles, et que leur résolution ne peut être apportée que par la gauche.
Direction autiste et sclérosée
Néanmoins, il est catégorique sur une question : la gauche arabe actuelle n'a plus d'existence effective, en raison du fait qu'elle s'est sclérosée, en se figeant dans des structures idéologiques et organisationnelles. Et les révolutions arabes ont démontré que cette gauche en ignorait la portée, puisque soit elle n'y a pas pris part, soit sa participation était timide et subordonnée au mouvement social général. Partant, les révolutions enfantent leurs propres alternatives, par le biais de la jeunesse qui vit actuellement l'expérience et qui tend, depuis l'avènement de ces révolutions, à reconstruire sa conscience, après qu'elle a été marginalisé et qu'elle ne comprenait rien à la politique. Ce constat fait dire à Salama Kayla que la prochaine phase produira de vraies structures de gauche qui s'appuieront sur les problèmes de la réalité vécue pour y apporter les solutions adéquates. Ce sont ces perspectives qui permettront aux révolutions arabes de triompher. Cette déconnexion de la gauche vis-à-vis du peuple, des mouvements sociaux et de la société civile est aussi relevée par Nathanaël Uhl, représentant de l'association culturelle Joseph-Jaques Motte, une fondation politique de Belgique, qui précise que les situations de la gauche ne sont pas homogènes. Il trouve que cette déconnexion est à nuancer, qu'elle ne concerne pas seulement le monde arabe, et qu'elle existe également, en grande partie, en Europe, particulièrement en Europe du Sud. Cependant, il fait remarquer que ce dysfonctionnement de la gauche apparaît d'une manière encore plus nette en Tunisie, où il existe une effervescence citoyenne, illustrée par les 987 manifestations du mois dernier, contre moins d'une centaine entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011. Et pourtant la gauche, qui devrait être à l'unisson aujourd'hui, parle d'elle-même, à elle-même, entre elle-même, comme en vase clos.
En France, il y a exactement la même situation, avec la mobilisation énorme contre la loi El Khomri, qui mobilise des milliers de gens et de jeunes qui s'étaient éloignés de la politique et qui trouvent un moyen d'y revenir, et l'attitude de la gauche. Nathanaël Uhl voit, donc, une gauche qui bouge et, de l'autre côté, une gauche qui reste un peu en vase clos, alors que les défis sont colossaux, d'autant plus que les peuples au nord comme au sud de la Méditerranée ont encore plus besoin de la gauche que jamais. Selon lui, si ces défis ne sont pas relevés, en France, c'est l'extrême droite qui risque de remporter l'élection présidentielle ; en Tunisie ce serait pareil, étant donné que l'islam politique, dans sa version radicale, ne cesse de marquer des points. Il pense que ce n'est pas par hasard si les deux formes extrémistes basées sur le rejet de l'autre, le repli identitaire, etc. sont en train de gagner du terrain. Cela s'explique, d'après son point de vue, par le fait que la gauche ne joue pas son rôle et qu'elle offre un terrain à ces formes de « contestation » de l'ordre établi. En cette conjoncture extrêmement délicate, la gauche tunisienne, d'après Riadh Ben Fadhel, le directeur de la publication du mensuel et leader du Front populaire, a le devoir d'intégrer dans sa problématique les débats sur les questions sociétales, celles des libertés publiques et fondamentales, celles inhérentes à l'écologie et à l'environnement, la place de la femme, la place des jeunes et surtout le champ culturel. Il fait remarquer qu'elle a un déficit énorme à ce niveau-là et qu'elle doit combler rapidement, car il y va de son avenir, dans la future bataille décisive des élections municipales. Sans cette ouverture, sans cette prise en compte des préoccupations du quotidien des gens, le FP n'aura aucune chance aux prochaines échéances législatives et présidentielle. Pour maximiser ses chances, il est dans l'obligation de s'ouvrir, réellement, sur la société civile et de mettre en place des fronts de lutte politico-civils.
Investir le champ associatif
Riadh Ben Fadhel met l'accent sur l'obligation pour les forces de gauche tunisiennes d'investir le champ associatif citoyen militant et l'impliquer dans la bataille. Et pour mieux étayer son point de vue, il rappelle que ce sont ces méthodes qui ont permis à Syriza d'accéder au pouvoir et à Podemos d'être à la porte du pouvoir. Sur ce dernier point, Houcine Rehili, l'expert du FP, fait écho à son appel, en insistant sur l'importance de l'implication de la gauche dans le travail de la société civile. Mais, avant de parvenir à cette conclusion, il commence, tout d'abord, par souligner l'ancrage de la gauche tunisienne dans la réalité du pays dont elle a toujours été l'expression sincère à tous les niveaux, depuis sa création en 1920. Pour lui, la gauche est une école de militantisme, comme en témoigne le mouvement Perspectives, vers le début des années 50 et la fin des années 60, la date d'étouffement de la démocratie, l'interdiction du Parti communiste et l'encerclement de l'université tunisienne par le Parti destourien de Bourguiba. Donc, la gauche tunisienne était la première partie politique à avoir revendiqué la démocratie et la liberté d'expression, et à entreprendre des luttes contre la dictature sur tous les fronts. Cette gauche a poursuivi sa lutte, notamment sur le plan des libertés, de la démocratie et de l'alternance pacifique au pouvoir. Cependant, malgré cette histoire militante très riche, Rehili fait noter que la gauche tunisienne demeure dispersée et faible, à cause de la tendance personnelle et familiale, ce qui soumet la pensée à la personne et le parti à l'auteur de la pensée. A partir de là, les luttes de leadership commencent à occulter les conceptions et les pensées. Ces handicaps ont empêché la gauche de devenir une force populaire, bien qu'elle porte l'espoir des ouvriers et des marginalisés. Son rôle s'est limité aux élites et son militantisme est devenu un militantisme de salons. Et avec la répression des libertés au temps de Ben Ali, cette gauche s'est rétrécie comme une peau de chagrin. C'est pourquoi, d'après Houcine Rehili, lors du mouvement révolutionnaire qui s'est déclenché le 17 décembre 2010, tous les slogans étaient de gauche, alors que la direction ne l'était pas. L'absence de programme et d'une direction unifiée a condamné la gauche à une défaite cuisante égale à zéro aux élections de l'ANC. Et elle ne s'est réveillée qu'après les deux assassinats politiques. Certes, après trois ans et demi, le Front populaire reste un cadre important pour unifier une partie de la gauche, mais insuffisant, car il est encore bâti sur des compromis fragiles. En d'autres termes, il estime que même le FP ne représente pas, jusqu'à maintenant, l'unité de gauche révolutionnaire. Pour toutes ces raisons, Houcine Rehili pense que la gauche devrait passer de l'idéologie à la pensée, du slogan au programme. Il doute que les composantes du FP soient capables de franchir ces pas, parce qu'elles n'ont pas procédé à des révisions profondes face aux changements structuraux survenus, entre autres, au niveau du marché de l'emploi, où 40% de la richesse est produite en dehors de rapports de production directs. Face à cette nouvelle réalité nationale et internationale, caractérisée par l'émergence de pôles dans le monde, la gauche est appelée à renouveler son discours, à effectuer des révisions théoriques en profondeur, au niveau de la conception, de l'idéologie, de la structure et des mécanismes d'action. Il est impératif qu'elle emprunte des moyens de lutte populaires et qu'elle accorde toute son importance au travail de la société civile, qui constitue le truchement susceptible de lui permettre de représenter la profondeur sociale et de remporter la victoire finale.


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