Par Hmida BEN ROMDHANE Quinze ans après les attentats du 11 septembre, les Etats-Unis subissent un nouveau massacre de masse. Un Américain d'origine afghane lourdement armé a fait irruption dans une boîte de nuit à Orlando, dans l'Etat de Floride, et a pris pour cibles les fêtards, faisant 50 morts et 53 blessés selon un bilan provisoire. Ce nouvel attentat meurtrier sur le sol américain pose deux problèmes différents : la prolifération des armes et le terrorisme. Il y a un phénomène extraordinaire propre aux Etats-Unis : plus les armes sont utilisées par des psychopathes pour commettre des tueries dans des lieux publics, plus la NRA (National Rifle Association) est puissante et plus les Américains se ruent chez les marchands d'armes pour se procurer le joujou censé protéger leur vie. Si l'on consulte les statistiques des tueries aux Etats-Unis entre 2001 et 2013, on sera étonné de savoir que les armes à feu ont fait durant cette période plus de dix fois de victimes que le terrorisme. En effet, entre 2001 et 2013, les statistiques montrent que 3.030 personnes ont perdu la vie dans des attentats terroristes, y compris les 2.990 victimes de l'attaque du 11 septembre de New York et Washington, contre 406.496 victimes de la prolifération des armes à feu (homicides, accidents et suicides confondus). Rien que pour l'année 2013, on recense 33.636 victimes, soit une centaine par jour. Mais sera-t-on toujours étonné de cet état de fait quand on sait que 300 millions d'armes à feu circulent aux Etats-Unis, soit une arme par habitant en moyenne? La société américaine est étrange. Pour réduire le nombre des morts par armes à feu, elle réclame encore plus d'armes. C'est un peu la même attitude pathologique que le patient qui lutte contre son cancer du poumon en doublant sa consommation de cigarettes, ou encore cet autre patient qui, pour guérir du sida, se fait injecter des doses de sang contaminé. Le second problème posé par la tuerie d'Orlando est celui du terrorisme. Avant même que Daech ne revendique réellement ou de façon opportuniste l'attentat, avant même que l'on sache si le meurtrier d'origine afghane avait des liens ou non avec les terroristes islamistes, l'exploitation politique du drame à des fins électorales a commencé. ‘'Fox News'', la chaîne de Murdoch, connue par l'extrémisme de ses vues politiques et par ses attaques virulentes et systématiques contre tout ce qui dévie de l'idéologie du ‘'Tea Party'', n'a pas perdu de temps pour exploiter le drame à des fins évidentes. L'un de ses «experts», avant même que les victimes ne soient évacuées du lieu du drame, n'a pas hésité à se ridiculiser en ces termes : «50% des musulmans qui vivent aux Etats-Unis sont pour l'établissement de la Charia à la place de la Constitution américaine»... Si beaucoup de citoyens américains avaient cru en 2002 que Saddam pointait des missiles nucléaires intercontinentaux sur New York et Los Angeles, pourquoi ne croiraient-ils pas en 2016 que la Charia se propose de prendre de gré ou de force la place de leur Constitution ? De son côté, le candidat Trump a sauté rapidement sur le drame en renouvelant sa promesse d'interdire l'accès des musulmans aux Etats-Unis dès son accès à lui à la Maison-Blanche. En attendant d'expliquer à ses électeurs comment la police des frontières va-t-elle s'y prendre pour distinguer entre un musulman, un chrétien, un juif, un bouddhiste et un athée, Trump continue de faire feu de tout bois, le but ultime étant de faire le plein des voix. Le candidat républicain avait même exploité les drames à l'étranger pour les besoins de la cause. Après les attentats de Paris, Trump avait imputé implicitement la responsabilité du drame aux lois françaises très strictes en matière de contrôle des armes : «Si les gens rassemblées au Bataclan étaient armées, il n'y aurait pas eu autant de victimes», avait alors déclaré le candidat à la Maison-Blanche dans un clin d'œil flagorneur à La National Rifle Association, le lobby le plus puissant aux Etats-Unis. Mais personne ne lui a posé la question aujourd'hui, pourquoi la Floride, l'Etat le plus permissif en matière de prolifération des armes, n'a pas pu empêcher «le plus grand massacre» dans l'histoire du pays... Cela dit, que le massacre d'Orlando soit dû à la prolifération de 300 millions d'armes dans le pays sans lien avec le terrorisme ou au terrorisme sans lien avec la prolifération des armes, la responsabilité première est assumée par l'ensemble des citoyens américains qui ont toujours fait preuve d'une passivité, et même dans certains cas, d'une complicité consternante vis-à-vis de leur classe politique. Deux remarques illustrent ce propos. Les Américains, en dépit des 400.000 morts annuels par armes à feu n'ont jamais manifesté la moindre opposition aux lois relatives à la prolifération endémique des armes, ni remis en question le rôle dévastateur joué par les lobbies dans ce domaine. Deuxième remarque, bien que l'ancien président George W. Bush ait massivement déchaîné les forces de l'obscurantisme et du terrorisme suite à son occupation de l'Irak en mars 2003, les Américains l'ont réélu en Novembre 2004...