Décès du président iranien : La Tunisie présente ses vives condoléances au peuple et aux dirigeants iraniens    La CPI défie les USA : Le mandat d'arrêt s'abat sur Netanyahu et son ministre de la Défense    Météo - Tunisie : vent fort à partir de l'après-midi du lundi 20 mai    Intervention chirurgicale réussie pour Ali Maaloul    Tunisie : Réserves en devises de la BCT au 17 Mai 2024    Les partis progressistes appellent à la libération des détenus politiques    « Repubblica » : Washington a demandé des explications au sujet d'avions militaires russes en Tunisie    Mort du président iranien : Ce pays annonce une journée de deuil national    Ahmed Hachani visite une ferme à Toukaber    Athlétisme : Mohamed Amine Jhinaoui qualifié pour les JO    Classement WTA : Ons Jabeur toujours dans le top 10    MDWEB : Classement des marques automobiles sur le web et les médias sociaux (Mai 2024)    La Tunisie proclame sa solidarité avec l'Iran    17e session de la commission mixte irako-tunisienne : Pour des relations économiques plus intenses entre la Tunisie et l'Irak    Société civile et financement étranger : Le business occulte des associations dans le collimateur    Rencontre avec l'actrice soudanaise Siran Riak : «Goodbye Julia reflète exactement la condition féminine au Soudan»    Iran en deuil : Ebrahim Raïssi périt dans un crash d'hélicoptère    CSRedayef retrouve la ligue 2 : Un siècle de passion...    Observatoire National de l'Agriculture : Le prix du poulet a reculé de plus de 7%    Conseil de la concurrence : La Sfbt frappée d'une lourde amende    Ligue des champions – Finale Aller – L'EST se contente d'un nul vierge : Le pressing d'Al-Ahly a été payant...    Expatriés : Ltaief rejoint Twente    Une vague d'attaquants buteurs qui émerge en championnat : La piste à ne pas sous-estimer    Huile d'olive : La Tunisie poursuit son succès mondial    Pourquoi | La revanche de la nature…    Automédication : Un mal nécessaire ?    Retour sur l'histoire du mouvement scout tunisien    Diminution des prix des volailles et des œufs    Hajj 2024 : l'OACA dévoile le programme des vols    Comment bien réussir son Projet de Fin d'Etudes ?    Le baccalauréat, une affaire d'Etat    Symposium international, à Beit al-Hikma : Trois jours pour imaginer l'avenir du monde    «Goodbye Julia» de Mohamed Kordofani, actuellement dans les salles : La déchirure    Entre histoire et légende : Voyage envoûtant au cœur de la Cité Interdite et de la Grande Muraille de Chine    Les Filles d'Olfa remporte trois prix lors de la 8e édition des Prix des Critiques pour les films arabes    Taxer l'émigration des compétences tunisiennes vers l'étranger ? Ce qu'il faut savoir    Abderazak Khallouli : entre 2.500 et 3.000 personnes ont participé à la manifestation du 19 mai    Aujourd'hui, la crise migratoire sous la loupe du Parlement    ISIE : Début de l'actualisation du registre électoral    Comment va s'organiser la succession du président iranien ?    La Royaume-Uni alloue 12,7 Milliards de Dollars pour les victimes du scandale du Sang Contaminé    Lai Ching-te prête serment comme nouveau président de Taïwan et lance un appel à Pékin    Le président colombien réagit au tifo de l'Espérance sportive de Tunis    Classement des gouvernorats par nombre de lits dans les hôpitaux publics    Symposium international 'Comment va le monde? Penser la transition' à Beit al-Hikma    Rencontre avec les lauréats des prix Comar d'Or 2024    Hechmi Marzouk expose 'Genèse Sculpturale' à la galerie Saladin du 18 mai au 23 juin 2024    Ce samedi, l'accès aux sites, monuments et musées sera gratuit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Après le retour de Bourguiba, le retour de Ben Ali
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 06 - 2016


Par Hatem M'rad*
On comprend que les Tunisiens aient vivement souhaité le retour de Bourguiba en regardant le spectacle affligeant de l'Etat qui se décomposait sous leurs yeux sous la Troïka. On comprend encore qu'ils soient inquiets après 2011 par les menaces identitaires qui pesaient sur eux par le fait d'un parti islamiste dominateur, violent, passéiste, avide de liquider l'héritage identitaire tunisien et d'islamiser le pays, fût-ce par la force et l'intimidation. On comprend qu'ils aient été déçus par la nouvelle forme de démocratie, apparue à travers la partitocratie ou le pullulement partisan sans représentativité à l'ANC. On comprend enfin qu'ils soient démoralisés par un président de la République, Marzouki, volubile, imprévisible, non charismatique, plus droit-de-l'hommiste que chef d'Etat. Au pire, désigné à la tête de l'Etat à la suite de combinaisons politiques au sein d'une alliance, en dehors du suffrage universel. Bourguiba incarnait alors le souvenir d'une grandeur perdue, la personnalité et l'âme tunisiennes. On oublie aussitôt son autoritarisme pour ne retenir que ses bienfaits générationnels. Essebsi lui-même doit la montée de son parti et son élection à l'image bourguibienne elle-même. Bourguiba, c'est l'histoire, il a eu raison de ceux qui voulaient bousculer l'histoire pour des raisons partisanes et personnelles.
Mais, on comprend mal certaines franges des Tunisiens, de plus en plus nombreuses, qui espèrent aujourd'hui franchement le retour de Ben Ali, sa réhabilitation, après avoir fait une révolution contre lui, après avoir retrouvé leur liberté en le chassant comme un malpropre, et provoqué sa fuite à l'étranger, après avoir fait mille procès contre lui, après avoir pâti 23 ans durant de sa cupidité, corruption et idiotie politique, après avoir supporté son clan, sa famille, son entourage, maîtres de l'espace public et de l'espace privé. On parle beaucoup de Ben Ali, on le défend, on le pleure, on réactive ses réseaux médiatiques, on le supplie dans une émission de télé ramadanesque, on évoque les « vingt glorieuses » de son règne, on loue sa stabilité policière. Bref, on demande des excuses à l'inexcusable Ben Ali. Il ne reste plus au peuple tunisien qu'à demander pardon à Ben Ali d'avoir fait une révolution contre lui, d'avoir retrouvé sa dignité, même à moitié encore. Il aurait sans doute mérité d'être installé dans le Panthéon des grands hommes, la patrie devant être reconnaissante. A Hammam-Sousse, on pourra lui ériger un mausolée identique à celui de Bourguiba à Monastir. Ben Ali nous gifle, nous torture, emprisonne nos militants, nous prive de notre bien le plus cher, notre liberté, et nous, on n'a pas autre chose à faire qu'à demander sa consécration historique, en falsifiant sa mémoire et la nôtre.
Faut-il psychanalyser les Tunisiens ? Est-ce une question de culture politique ou de psychologie nationale ? Etienne de la Boétie n'a pas tort d'insister sur « la servitude volontaire », sans doute pire que la soumission involontaire, forcée, sous la menace, situation dans laquelle vivaient les Tunisiens durant un demi-siècle, avec une intensité variable selon les époques. Il faut croire que l'inconscient des Tunisiens, comme celui de beaucoup de peuples arabes et musulmans, reste ébloui par le culte du chef, de l'émir, du général capable de manier l'épée et la brutalité. Ce qui explique d'ailleurs le retour des militaires intransigeants et l'accès d'Al-Sissi au pouvoir en Egypte par la volonté populaire.
Le comble c'est qu'on voudrait fêter le retour de Ben Ali avant même le processus de justice de transition, avant même la reddition des comptes. Mais fêter quel retour ? Le retour du despotisme ou des lumières ? Réhabiliter quel statut ? La grandeur ou la décadence d'un règne? Accédant au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, Ben Ali en est sorti à la suite d'une expulsion populaire. C'est cette « grandeur » politique-là que l'inconscient collectif tunisien cherche à réhabiliter. L'Etat policier était ainsi un moindre mal à notre misère économique actuelle. L'immobilisme politique était un moindre mal à l'agitation et aux bouleversements de la transition. La dictature avait des repères, la transition démocratique n'en a plus. La dictature sans islamistes était bien préférable à une démocratie bondée d'islamistes. Le silence à l'égard de l'emprisonnement des militants politiques était le prix à payer du bien-être collectif. La corruption des Ben Ali et Trabelsi n'a rien à envier à la corruption de la moitié de l'économie tunisienne d'aujourd'hui par le marché parallèle, impliquant déjà une partie de la sphère politique.
L'inconscient collectif des Tunisiens traduit certainement un mal-être généralisé, celui du moment, de l'étape présente d'une transition en mal de leadership, de stabilité, de droit, de croissance économique, de développement. Les Tunisiens cherchent aussi à se réhabiliter eux-mêmes, à racheter leur silence devant l'infâme ou l'idolâtrie des chefs. Ben Ali nous rassure, et nous, on se rassure. Le problème, c'est de savoir pourquoi les Tunisiens, qui, après tout, se sont déchaînés il y a cinq ans contre leur tyran avec la révolution, se complaisent de nouveau et soudainement avec lui. Désorientés ou charitables ? Versatiles ou oublieux ? Rationnels ou émotifs ? Justes ou injustes ? Libres ou assujettis ?
En tout cas, Ben Ali semble avoir retrouvé aujourd'hui un bilan, un bilan passant à pertes et profits Dictature et Démocratie. Les mal et le bien, quelle différence ? Le Mal est devenu le Bien et le Bien est devenu le Mal. La transition est déformante. Certains Rcédistes défendent ostensiblement « le miracle tunisien » qui a ébloui autrefois le président Chirac. Ils exècrent la Révolution qui les a privés du pouvoir, qui ne leur a pas laissé assez de temps encore pour achever leurs programmes impolitiques. Ils ont créé plusieurs partis pour défendre la bonne cause. On se les arrache dans les autres partis. Ils sont devenus miraculeusement destouriens, même si les destouriens sont, eux, réfractaires au « Rcédisme ». Bourguiba est d'un meilleur secours, même si on a béni la résidence surveillée du père de la nation. Mais, Ben Ali était le supérieur hiérarchique, qui a donné chance aux carrières politiques.
La réconciliation d'un peuple est une forme de noblesse que n'avaient pas les leaders antérieurs, c'est une des grandeurs des démocrates et de la démocratie. Les Tunisiens y croient dans leur majorité, ainsi que les partis. On se réconcilie certes, mais à travers une justice de transition, à caractère politique, juridique, économique ou morale, ou tout cela ensemble. Mais, on est persuadé que le cas de Ben Ali est spécial. Il était au pouvoir durant 23 ans. Tout ce qui s'est passé n'aurait pu se passer sans lui. Il a été jugé par défaut. Le peuple attend la mise en jeu de sa responsabilité.
*(Professeur à l'Université de Carthage)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.