Soupçons de torture à Bizerte : l'Ordre des avocats répond au ministère de la Justice    Houcine Rhili : amélioration des réserves en eau, mais la vigilance reste de mise    Classement WTA : Ons Jabeur chute à la 36e place    Guerre commerciale : Le Japan hausse le ton et conditionne tout accord avec USA à une révision totale des taxes de Trump    Prévisions météo pour ce début de semaine    Tunisie – Bac 2025 : démarrage du bac blanc pour près de 144 000 candidats    Lors d'un entretien téléphonique avec le premier ministre Irakien : Saïed appelle à une position arabe unie face à l'occupant sioniste    Train Annaba-Tunis : une bonne nouvelle pour les familles et les voyageurs    Trafic international de drogue : un gardien de handball remis en liberté    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    L'hydrogène vert d'Oman trace un corridor énergétique vers l'Europe    Kaïs Saïed réaffirme son soutien à la cause palestinienne lors d'un échange avec le Premier ministre irakien    Ce que les astres vous réservent ce 5 mai 2025 : une journée sous le signe des choix    Kaïs Saïed, Rayan Khalfi, Sherifa Riahi… Les 5 infos du week-end    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Vers une intégration bancaire maghrébine : les recommandations du Forum international de Tunis    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Tunisie – Demain dernier délai de payement de la vignette pour ce type de véhicules    Handball – Coupe de Tunisie : L'Espérance remporte le derby face au Club Africain et file en finale    Tunisie – Augmentation des ventes des voitures pour le premier trimestre 2025    Victoire capitale pour la Tunisie face au Kenya (3-1) en Coupe d'Afrique U20    Amnesty International: La liberté de la presse au Bénin menacée, un appel à réformer le Code du numérique    Ligue 1 – 28e journée : Le CAB et le Club Africain dos à dos à la mi-temps    Un bon procès n'est pas uniquement un verdict mais aussi et surtout des procédures et des réponses    Deux bateaux chavirent en Chine : environ 70 personnes à l'eau    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Fake news, crise des médias… Zied Dabbar propose un fonds pour protéger l'information professionnelle en Tunisie    Kasserine : Saisie de matériel de tricherie destiné aux examens à la frontière    La FAJ appelle à une utilisation responsable de l'IA pour protéger le journalisme en Afrique    Coupure d'électricité aujourd'hui dans plusieurs régions en raison de travaux de maintenance    Un missile tiré depuis le Yémen s'écrase près du principal aéroport d'Israël    Aujourd'hui : les températures atteindront jusqu'à 37°C    L'Allemagne, première destination des compétences tunisiennes en 2025    Décès du journaliste Boukhari Ben Salah: Hommage émouvant du SNJT    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Après le retour de Bourguiba, le retour de Ben Ali
Opinion
Publié dans La Presse de Tunisie le 23 - 06 - 2016


Par Hatem M'rad*
On comprend que les Tunisiens aient vivement souhaité le retour de Bourguiba en regardant le spectacle affligeant de l'Etat qui se décomposait sous leurs yeux sous la Troïka. On comprend encore qu'ils soient inquiets après 2011 par les menaces identitaires qui pesaient sur eux par le fait d'un parti islamiste dominateur, violent, passéiste, avide de liquider l'héritage identitaire tunisien et d'islamiser le pays, fût-ce par la force et l'intimidation. On comprend qu'ils aient été déçus par la nouvelle forme de démocratie, apparue à travers la partitocratie ou le pullulement partisan sans représentativité à l'ANC. On comprend enfin qu'ils soient démoralisés par un président de la République, Marzouki, volubile, imprévisible, non charismatique, plus droit-de-l'hommiste que chef d'Etat. Au pire, désigné à la tête de l'Etat à la suite de combinaisons politiques au sein d'une alliance, en dehors du suffrage universel. Bourguiba incarnait alors le souvenir d'une grandeur perdue, la personnalité et l'âme tunisiennes. On oublie aussitôt son autoritarisme pour ne retenir que ses bienfaits générationnels. Essebsi lui-même doit la montée de son parti et son élection à l'image bourguibienne elle-même. Bourguiba, c'est l'histoire, il a eu raison de ceux qui voulaient bousculer l'histoire pour des raisons partisanes et personnelles.
Mais, on comprend mal certaines franges des Tunisiens, de plus en plus nombreuses, qui espèrent aujourd'hui franchement le retour de Ben Ali, sa réhabilitation, après avoir fait une révolution contre lui, après avoir retrouvé leur liberté en le chassant comme un malpropre, et provoqué sa fuite à l'étranger, après avoir fait mille procès contre lui, après avoir pâti 23 ans durant de sa cupidité, corruption et idiotie politique, après avoir supporté son clan, sa famille, son entourage, maîtres de l'espace public et de l'espace privé. On parle beaucoup de Ben Ali, on le défend, on le pleure, on réactive ses réseaux médiatiques, on le supplie dans une émission de télé ramadanesque, on évoque les « vingt glorieuses » de son règne, on loue sa stabilité policière. Bref, on demande des excuses à l'inexcusable Ben Ali. Il ne reste plus au peuple tunisien qu'à demander pardon à Ben Ali d'avoir fait une révolution contre lui, d'avoir retrouvé sa dignité, même à moitié encore. Il aurait sans doute mérité d'être installé dans le Panthéon des grands hommes, la patrie devant être reconnaissante. A Hammam-Sousse, on pourra lui ériger un mausolée identique à celui de Bourguiba à Monastir. Ben Ali nous gifle, nous torture, emprisonne nos militants, nous prive de notre bien le plus cher, notre liberté, et nous, on n'a pas autre chose à faire qu'à demander sa consécration historique, en falsifiant sa mémoire et la nôtre.
Faut-il psychanalyser les Tunisiens ? Est-ce une question de culture politique ou de psychologie nationale ? Etienne de la Boétie n'a pas tort d'insister sur « la servitude volontaire », sans doute pire que la soumission involontaire, forcée, sous la menace, situation dans laquelle vivaient les Tunisiens durant un demi-siècle, avec une intensité variable selon les époques. Il faut croire que l'inconscient des Tunisiens, comme celui de beaucoup de peuples arabes et musulmans, reste ébloui par le culte du chef, de l'émir, du général capable de manier l'épée et la brutalité. Ce qui explique d'ailleurs le retour des militaires intransigeants et l'accès d'Al-Sissi au pouvoir en Egypte par la volonté populaire.
Le comble c'est qu'on voudrait fêter le retour de Ben Ali avant même le processus de justice de transition, avant même la reddition des comptes. Mais fêter quel retour ? Le retour du despotisme ou des lumières ? Réhabiliter quel statut ? La grandeur ou la décadence d'un règne? Accédant au pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat, Ben Ali en est sorti à la suite d'une expulsion populaire. C'est cette « grandeur » politique-là que l'inconscient collectif tunisien cherche à réhabiliter. L'Etat policier était ainsi un moindre mal à notre misère économique actuelle. L'immobilisme politique était un moindre mal à l'agitation et aux bouleversements de la transition. La dictature avait des repères, la transition démocratique n'en a plus. La dictature sans islamistes était bien préférable à une démocratie bondée d'islamistes. Le silence à l'égard de l'emprisonnement des militants politiques était le prix à payer du bien-être collectif. La corruption des Ben Ali et Trabelsi n'a rien à envier à la corruption de la moitié de l'économie tunisienne d'aujourd'hui par le marché parallèle, impliquant déjà une partie de la sphère politique.
L'inconscient collectif des Tunisiens traduit certainement un mal-être généralisé, celui du moment, de l'étape présente d'une transition en mal de leadership, de stabilité, de droit, de croissance économique, de développement. Les Tunisiens cherchent aussi à se réhabiliter eux-mêmes, à racheter leur silence devant l'infâme ou l'idolâtrie des chefs. Ben Ali nous rassure, et nous, on se rassure. Le problème, c'est de savoir pourquoi les Tunisiens, qui, après tout, se sont déchaînés il y a cinq ans contre leur tyran avec la révolution, se complaisent de nouveau et soudainement avec lui. Désorientés ou charitables ? Versatiles ou oublieux ? Rationnels ou émotifs ? Justes ou injustes ? Libres ou assujettis ?
En tout cas, Ben Ali semble avoir retrouvé aujourd'hui un bilan, un bilan passant à pertes et profits Dictature et Démocratie. Les mal et le bien, quelle différence ? Le Mal est devenu le Bien et le Bien est devenu le Mal. La transition est déformante. Certains Rcédistes défendent ostensiblement « le miracle tunisien » qui a ébloui autrefois le président Chirac. Ils exècrent la Révolution qui les a privés du pouvoir, qui ne leur a pas laissé assez de temps encore pour achever leurs programmes impolitiques. Ils ont créé plusieurs partis pour défendre la bonne cause. On se les arrache dans les autres partis. Ils sont devenus miraculeusement destouriens, même si les destouriens sont, eux, réfractaires au « Rcédisme ». Bourguiba est d'un meilleur secours, même si on a béni la résidence surveillée du père de la nation. Mais, Ben Ali était le supérieur hiérarchique, qui a donné chance aux carrières politiques.
La réconciliation d'un peuple est une forme de noblesse que n'avaient pas les leaders antérieurs, c'est une des grandeurs des démocrates et de la démocratie. Les Tunisiens y croient dans leur majorité, ainsi que les partis. On se réconcilie certes, mais à travers une justice de transition, à caractère politique, juridique, économique ou morale, ou tout cela ensemble. Mais, on est persuadé que le cas de Ben Ali est spécial. Il était au pouvoir durant 23 ans. Tout ce qui s'est passé n'aurait pu se passer sans lui. Il a été jugé par défaut. Le peuple attend la mise en jeu de sa responsabilité.
*(Professeur à l'Université de Carthage)


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.