L'hydrogène vert d'Oman trace un corridor énergétique vers l'Europe    Kaïs Saïed réaffirme son soutien à la cause palestinienne lors d'un échange avec le Premier ministre irakien    USA – Trump veut taxer à 100 % les films étrangers : une nouvelle offensive commerciale en marche    Ce que les astres vous réservent ce 5 mai 2025 : une journée sous le signe des choix    Kaïs Saïed, Rayan Khalfi, Sherifa Riahi… Les 5 infos du week-end    Foire du livre de Tunis : affluence record, mais ventes en baisse    Tunisie – Kasserine – Bouchebka : Saisie de kits de communication utilisés pour tricher aux examens    Vers une intégration bancaire maghrébine : les recommandations du Forum international de Tunis    Stand de La Presse à la FILT: Capter l'émotion en direct    Tunisie – Demain dernier délai de payement de la vignette pour ce type de véhicules    Tunisie – METEO : Pluies orageuses sur le nord et le centre    Handball – Coupe de Tunisie : L'Espérance remporte le derby face au Club Africain et file en finale    Tunisie – Augmentation des ventes des voitures pour le premier trimestre 2025    Victoire capitale pour la Tunisie face au Kenya (3-1) en Coupe d'Afrique U20    Affaire du détenu à Bizerte : le ministère de la Justice dément les allégations de torture    Ligue 1 – 28e journée : Le CAB et le Club Africain dos à dos à la mi-temps    Amnesty International: La liberté de la presse au Bénin menacée, un appel à réformer le Code du numérique    Un bon procès n'est pas uniquement un verdict mais aussi et surtout des procédures et des réponses    Un fonds d'aide pour les personnes âgées en Tunisie : voici tout ce qu'il faut savoir    Ariana : deux syndicalistes du secteur judiciaire traduits devant le conseil de discipline    Un nouveau séisme frappe la Turquie    Deux bateaux chavirent en Chine : environ 70 personnes à l'eau    Fake news, crise des médias… Zied Dabbar propose un fonds pour protéger l'information professionnelle en Tunisie    Incendies de forêts en Tunisie : appel à une réforme législative pour l'utilisation des drones    Coupure d'électricité aujourd'hui dans plusieurs régions en raison de travaux de maintenance    La FAJ appelle à une utilisation responsable de l'IA pour protéger le journalisme en Afrique    Tunisie : Deux réseaux de trafic de drogue démantelés à Mhamdia et Boumhel    Des millions d'Israéliens se réfugient dans les abris après la chute d'un missile yéménite près de l'aéroport Ben Gourion    L'Allemagne, première destination des compétences tunisiennes en 2025    Décès du journaliste Boukhari Ben Salah: Hommage émouvant du SNJT    Les exportations turques atteignent un niveau record de 265 milliards de dollars    «Mon Pays, la braise et la brûlure», de Tahar Bekri    Trump se montre en pape sur son compte numérique    France : un Prince qatari se baladait à Cannes avec une montre à 600 000 €, ça a failli mal tourner    Le chanteur libanais Rayan annonce sa guérison et rend hommage à la Tunisie    La Tunisie célèbre 69 ans de diplomatie indépendante    GAT VIE : une belle année 2024 marquée par de bonnes performances    Décès du producteur Walid Mostafa, époux de la chanteuse Carole Samaha    Le Canal de Panama: Champ de bataille de la rivalité sino-américaine    Tunisie : Découverte archéologique majeure à Sbiba (Photos)    La STB Bank plombée par son lourd historique, les petits porteurs à bout !    Gymnastique rythmique : la Tunisie en lice au Championnat d'Afrique au Caire    Drame en Inde : une influenceuse de 24 ans se suicide après une perte de followers    Nouveau communiqué du comité de l'ESS    La Liga: Le Rwanda désormais un sponsor de l'Atlético de Madrid    Foire internationale du livre de Tunis 2025 : hommages, oeuvres et auteurs primés au Kram    L'Open de Monastir disparait du calendrier WTA 2025 : fin de l'aventure tunisienne ?    Décès de la doyenne de l'humanité, la Brésilienne Inah Canabarro Lucas à 116 ans    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Le Bassin minier, la Révolution et la Troïka
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 04 - 01 - 2013


Par Baccar GHERIB
Le refus exprimé par l'Assemblée nationale constituante de considérer les martyrs et les blessés du soulèvement du Bassin minier de Gafsa durant les six premiers mois de l'année 2008 comme faisant partie des martyrs et des blessés de la Révolution tunisienne n'est pas une petite question de détail. Il est loin de comporter juste une injustice faite à quelques individus et à leurs familles, ainsi exclus de leur droit à un dédommagement et à une reconnaissance légitimes, ou bien une simple question « technique » qu'il faudrait abandonner aux débats académiques des futurs historiens de la Révolution. Ce refus trahit fondamentalement l'incompréhension — consciente ou inconsciente, voulue ou non voulue — par le« gouvernement légal » du sens réel de la Révolution et explique non seulement ses errements actuels, deux ans après la chute de l'ancien régime et un an après qu'il s'est installé aux commandes, mais aussi le malaise profond qui étreint le pays, notamment dans ses régions de l'intérieur.Mais, pour être à même de statuer sur la question et d'établir si la révolte du Bassin minier peut être considérée comme aux sources de notre Révolution, il est nécessaire de revenir à cet épisode héroïque de notre histoire récente et d'en rappeler les principaux faits à ceux qui n'étaient pas alors physiquement et/ou politiquement présents.
En effet, l'hiver 2008 voit le déclenchement dans les villes de Redeyef, Mdhilla, Métlaoui et Omm Laarayess, d'un formidable mouvement social contestant le système clientéliste et népotique régissant l'attribution des emplois dans la Compagnie des phosphates, principal employeur de la région. Il se poursuivra plusieurs semaines durant sur fond de revendications d'emploi, de développement, bref de dignité, tout en se muant en une véritable contestation sociale, certes, mais aussi politique, de la dictature. Ce mouvement, qui tiendra un siège de six mois, donnera, à la suite d'un procès inique, ses prisonniers politiques à la contestation de la dictature, mais aussi ses premiers martyrs, dont Hafnaoui Maghzaoui, célébré par une émouvante chanson de Badiâa Bouhrizi. Certes, grâce à la répression et à l'instrumentalisation de la justice, la révolte semblait avoir été matée par la dictature et endiguée. Mais ce n'était là que l'apparence des choses. Car cette révolte inédite a réussi le plus dur : casser le mur de la peur chez les Tunisiens ! Mieux, elle a élaboré les mots et les slogans qui ont formulé les revendications en termes de droit au travail et à la dignité, tout en contestant le système mafieux mis en œuvre par le régime déchu. Elle a surtout insufflé son esprit, suscitant des révoltes similaires, de proche en proche, à quelques mois d'intervalle les unes des autres, d'abord à Feriana, puis à Skhira et, l'été 2010, à Ben Guerdane, et, enfin, l'hiver de la même année, à ... Sidi Bouzid où,cette fois, elle réussira à s'étendre et, ce faisant, aura été à l'origine de la chute du régime de Ben Ali !
Toutefois, en s'étendant pour atteindre Sfax puis Tunis, la révolte a vu la mutation de ses principaux slogans, passant du célèbre «Le travail est un droit, bande de voleurs!» scandé dans les rues de Rgueb et Menzel Bouzaiène au très parlant mais plus limité politiquement «Dégage !» de l'avenue Bourguiba. Certes, il n'est pas opportun d'opposer le 17 décembre au 14 janvier, comme s'ingénient à le faire certains «purs et durs», car ce furent là deux moments nécessaires et complémentaires sans lesquels la Révolution n'aurait pas abouti, le «dégage !» symbolisant finalement l'unité des Tunisiens dans la revendication du départ de Ben Ali et de sa famille. Mais il n'en demeure pas moins que dans sa migration des régions de l'intérieur vers Sfax et Tunis, la contestation du régime déchu s'est délestée de son contenu social, voire territorial ! Sauf que ce qui est à l'origine de notre Révolution, ce qui lui donne son sens profond, demeurent les questions de justice sociale et territoriale et, à travers elles, de dignité, soulevées par les régions défavorisées, qui ont au demeurant payé le plus lourd tribut à la libération du peuple tunisien du joug de la dictature.
Dès lors, la compréhension de la portée de la Révolution et l'identification de ses principales revendications diffèrent selon qu'on l'appréhende à travers le moment de son déclenchement ou celui de son couronnement. Ce dernier limitant clairement la Révolution à la fin de la dictature mafieuse du système de Ben Ali et, donc, à un simple remplacement des anciennes élites gouvernantes par de nouvelles à la faveur, il est vrai, des premières élections libres et transparentes du pays. Or, cette lecture semble être précisément celle du pouvoir actuel, qui paraît incapable de saisir et d'assimiler le contenu social et territorial de la Révolution.
En effet, cette lecture réductrice de la Révolution par la Troïka est apparue d'abord politiquement,quand ses composantes ont préféré jouer les élections sur le terrain de la question identitaire aux dépens de la question économique et sociale. Elle est apparue ensuite objectivement, sur le terrain, avec la permanence du malaise, voire de la colère, dans les régions de l'intérieur, où les mouvements sociaux réclamant emploi et développement se succèdent avec parfois, comme à Siliana, des dénouements dramatiques, et sonnent à chaque fois comme autant de piqûres de rappel. Elle apparaît, aujourd'hui enfin,symboliquement, avec l'exclusion des blessés et martyrs du Bassin minier du statut de « blessés et martyrs de la Révolution », comme pour mieux évacuer les revendications légitimes des régions défavorisées de l'intérieur.
Ainsi, cette exclusion n'est en fin de compte pas due au hasard. Elle a, au contraire, une cause profonde qui gît dans cette lecture étriquée de la Révolution, limitée à l'exclusion de l'ancien pouvoir et de ses hommes de la sphère politique et citoyenne. Il est en effet pour le moins symptomatique que le président du principal parti au pouvoir consacre comme «conscience de la Révolution» ses propres «ligues de protection de la Révolution » dont la vocation serait de traquer, de « purifier » et soi-disant d'interdire le retour aux commandes des hommes du passé. Tandis que ceux-là mêmes qui ont été à l'origine de la Révolution, qui lui ont donné ses mots d'ordre, ses militants et ses martyrs, apparaissent à ses yeux comme des contre-révolutionnaires, parce que, en le contestant, ils lui rappellent chaque jour qu'il ne suffit pas d'être légal, mais qu'il faut aussi accéder à la légitimité. Or, celle-ci ne se gagne pas seulement dans les urnes, mais surtout par des réalisations concrètes en faveur des régions sinistrées de l'intérieur ou, au moins, en montrant un minimum de volonté politique dans ce sens !
Retrancher l'épisode de la révolte de 2008 de la dynamique de notre Révolution serait, pour cela, doublement fautif. D'abord, parce que cela signifie ignorer la contribution fondatrice des militants et de la population du Bassin minier à la chute de l'ancien régime. Ensuite, et surtout, parce que cela équivaut à passer à côté du sens de la Révolution et de ses principales revendications et donc à éterniser le malaise et la colère des populations de l'intérieur. De ce point de vue, la réhabilitation de la révolte du Bassin minier s'avère impérative non seulement pour l'équité de la mémoire, mais aussi pour la bonne marche de notre transition démocratique.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.