D'où la direction du Festival de la Médina est-elle allée dénicher l'ensemble "Al Médina" pour la musique spirituelle ? Quelle belle trouvaille ! Vraiment, elle ne pouvait mieux trouver. Ce n'est pas pour meurtrir d'envie les absents, mais Munajet, le spectacle présenté par ce quatuor de chanteuses, lundi dernier à Bir Lahjar, était, sans exagération aucune, fabuleux. Il n'y avait pas de point culminant dans la soirée. Chaque morceau présenté en était un, à dire vrai. Venues tout droit du Tatarstan, république autonome de la fédération de Russie, voilées et somptueusement parées, ces chanteuses ont interprété des chants sacrés de la communauté musulmane russe, tartare en particulier : invocations, louanges du Prophète, prières, chants célébrant le mois saint et les différentes fêtes religieuses musulmanes et même la source Zem Zem. Comme presque tout répertoire sacré de par le monde, la plupart des poèmes présentés par Neila Fatikhova et son ensemble étaient en a capella. Seuls quelques-uns étaient accompagnés d'une musique typique — enregistrée — douce et légère. Les paroles étaient aussi bien en tartare, russe qu'en arabe, avec l'accent local bien évidemment. Nous pouvions écouter Werd ennabi qu'on retrouve dans le répertoire soufi, version tartare, comme Tala'a al badrou alayna en arabe. Très touchant. Toutefois, tous les morceaux étaient très courts, probablement une caractéristique de la musique locale. Mais l'économie n'est pas seulement dans le temps, elle est aussi et surtout dans le geste. Sereines et douces, les interprètes étaient telles des statuettes, poupées plutôt, dont seulement les lèvres chantaient sans jamais perdre leur sourire angélique. Les voix, synchrones, étaient d'une pureté céleste. La qualité vocale était telle que l'auditeur pouvait croire parfois que les artistes chantaient en play-back! Ce sont des voix qui transcendent pour vous transporter on ne sait où, dans un au-delà, dans un monde paisible, pur, tolérant et joyeux. On regrette seulement que ce récital n'ait duré qu'une petite heure. Dommage. Dommage aussi qu'il n'ait pas bénéficié de la médiatisation ni, non plus, reçu l'auditoire qu'il méritait. Avec Munajet, l'ensemble "Al Médina" pour la musique spirituelle de Moscou est venu célébrer et partager avec nous l'expérience de la foi dans ce mois saint, nous offrant une prestation de grande qualité et, qui plus est, nous a fait découvrir une autre expression du religieux provenant d'une culture tout à fait différente de la nôtre, dans un autre coin du monde. C'est justement ce type de spectacles que l'on souhaiterait voir plus souvent au Festival de la Médina. Allier découverte, qualité et spécificité ramadanesque, c'est le credo que cette manifestation, aujourd'hui vieille de vingt-huit ans, doit adopter et développer. Munajet marque le début de la consécration de l'accord signé, mai dernier, par le Conseil des muftis de la Russie et le ministère des Affaires religieuses tunisien en vue de développer la coopération culturelle et l'organisation de manifestations religieuses. Espérons qu'il y en aura d'autres, du même calibre, de la même qualité.