La Coalition pour les femmes de Tunisie (CFT) est un réseau d'associations et une organisation à but non lucratif fondée en 2012. La Coalition veut contribuer à préserver les droits acquis par les femmes tunisiennes depuis l'indépendance tout en cherchant à les promouvoir. A l'occasion de la célébration du 60e anniversaire du Code du statut personnel, le réseau a organisé hier à Tunis une rencontre-débat autour des droits et des libertés des femmes tunisiennes Le harcèlement sexuel fait également partie des préoccupations de la CFT. A ce propos, un spot de sensibilisation à cette violence, qui touche, selon les enquêtes, lourdement les Tunisiennes dans l'espace public, a été projeté au début de la rencontre. La présidente de la Coalition, Ayda Ben Chaâbane, a d'ailleurs relevé à quel point la société civile tunisienne faisait face à des chantiers qui se sont ouverts après la révolution : bataille contre la violence à l'égard des femmes et des fillettes, protection des acquis de la gent féminine, guerre contre les approches archaïques des relations hommes-femmes... Attention au concept de la feuille blanche Un des chantiers qui semble sur le point de s'ouvrir est celui de la révision du Code du statut personnel. Fatmi Laffi, juriste, a présenté une intervention sur le manque d'adéquation entre la nouvelle Constitution de janvier 2014 et un texte juridique datant d'il y a soixante ans. L'experte ne renie point l'avant-gardisme du Code à sa publication et même aujourd'hui encore quant aux questions de la polygamie, de la répudiation et de l'égalité entre les sexes face au divorce. Le CSP a également aboli le mariage orfi (traditionnel) et délimité l'âge au mariage des jeunes filles. «Ce qui représentait en lui-même une révolution. Le Code a ainsi fait avancer les femmes et la société», a insisté Fatma Laffi. La juriste ajoute : «Mais si Bourguiba a introduit, en imposant le CSP à une Tunisie profondément patriarcale, une régulation par le haut, la régulation est en train de se faire aujourd'hui par le bas. Par les femmes elles-mêmes, qui ne se reconnaissent plus dans plusieurs articles d'un texte rédigé il y a plus d'un demi-siècle». Elle relève toutes les contradictions entre un Code qui impose toujours la dot comme condition du mariage, parle toujours du mari en tant que chef de la famille et consacre l'injustice face à l'héritage et une Constitution qui garantit l'égalité totale entre les deux sexes devant la loi en matière de droits, de citoyenneté et de libertés et parle même du concept de la parité dans les conseils élus. La juriste prévient toutefois contre la tentation de la feuille blanche, à savoir réécrire totalement le Code. «Dans un paysage politique où les forces conservatrices sont prégnantes et très présentes, le concept de la feuille blanche peut mener à des batailles sans fin, où les femmes peuvent tout perdre», avertit Fatma Laffi.