A peine le nouveau chef de gouvernement désigné que le bal des concertations est ouvert. Tous, ou presque, sont invités à la table du dialogue et tous, ou presque, ont un avis sur la question. Certains des anciens ministres affichent leur volonté à être reconduits, certains souhaitent rendre leur tablier et de nouveaux noms ont une idée précise des portefeuilles qu'ils désirent avoir. Lorsque le gouvernement, actuellement chargé d'affaires courantes, de Habib Essid, était sur le départ, plusieurs de ses anciens ministres n'ont pas hésité à ouvrir le feu et à tirer à boulets rouges sur leur chef de gouvernement. Une manière de se désengager d'une responsabilité, pourtant partagée, et de jeter l'anathème sur le chef du gouvernement, seul selon nombreux à devoir assumer l'échec de son cabinet. Certains de ces ministres affichent aujourd'hui une volonté claire d'être reconduits dans leurs postes respectifs.
L'idée maîtresse du gouvernement de Youssef Chahed est d'être entouré d'une équipe « largement politique ». C'est en effet, ce qu'a annoncé le nouveau chef de gouvernement, dans une déclaration accordée aux médias samedi dernier. Une équipe politique, oui,qui devra être « efficace » et dont l'action « se basera sur un véritable travail d'équipe, et ce, indépendamment des noms », a affirmé Chahed qui insiste sur le fait que les différentes rencontres se sont basées sur des idées et non sur des noms précis. Et pourtant, les noms qui figureront au sein de la nouvelle équipe ministérielle intéressent l'opinion publique. Il est question, aujourd'hui, de savoir qui des partis s'accaparera la part du lion, qui aura quel cabinet et qui sera en charge des ministères qui ont du poids ? En effet, si le gouvernement se veut politique, on ne cesse de souligner que ceci se fera « loin du principe des quotas partisans » comme le mentionne Ennahddha. Le parti islamiste brandit ses « compétences », affirmant qu'elles seraient nécessaires, aux côtés de Chahed, pour la conduite de la période à venir. Ennahdha ne cite, pour l'instant, aucun nom et ne semble convoiter aucun ministère en particulier affirmant, uniquement, son attachement à faire partie de l'aventure. Et pourtant, des noms tels que Abdellatif Mekki ou encore Abdelkarim Harouni feraient, vraisembablement, partie du tableau.
De son côté, l'autre parti au pouvoir, Nidaa Tounes, qui compte aujourd'hui plusieurs ministres au sein du gouvernement d'affaires courantes, semble bien décidé à en garder certains. C'est ce que laissent croire, en tout cas, les propos de Sofiène Toubel, chef du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, qui s'est exprimé dans les médias, hier, suite à la rencontre qui a eu lieu entre Youssef Chahed et une délégation de Nidaa Tounes. Selon Toubel, « Nous [Nidaa] avons parlé aussi des profils qui conviennent pour cette tâche et convenu que nous ferons nos propositions après avoir fixé la structure du futur gouvernement. Il y a aussi des ministres qui seront maintenus à leurs postes ! Je pense à Said Aïdi par exemple, qui subit aujourd'hui une campagne de dénigrement ». Il est à rappeler, en effet, que Nidaa compte déjà les ministères des Affaires étrangères, de l'Education, du Tourisme, de la Santé, des Transports et des Finances, en plus de celui des Affaires locales, qui était dirigé par le même Youssef Chahed. Difficile aujourd'hui de renoncer à autant de portefeuilles. Certains de ces ministres expriment, de leur côté, haut et fort, leur désir d'être reconduits. En plus de Saïd Aïdi qui se défend contre une campagne de dénigrement « menée contre lui », selon ses dires, Néji Jalloul reste, lui aussi, attaché à son département. Le ministre de l'Education nationale a confié, hier, à Salma Bouraoui et Sofiène Ben Hamida, sur Express FM, «qu'il désire le rester». Il explique, en effet, son choix par le fait qu'il est l'heure pour lui, aujourd'hui, de « récolter les fruits de son travail », vu que, concernant la réforme de l'éducation qu'il a entrepris, son ministère est entré dans la phase d'application et des résultats. «J'espère poursuive dans l'éducation car il y a réellement un projet qu'on a commencé avec nos partenaires l'UGTT et du réseau "Ahd"», a-t-il indiqué.
Mais si certains souhaitent être reconduits, d'autres en revanche, seraient sur le départ. Tel est le cas, notamment, de Yassine Brahim. Alors que nombreux s'attendaient à ce que son nom soit proposé au lieu de celui de Youssef Chahed, l'actuel ministre du Développement de l'Investissement et de la Coopération internationale aurait décidé, selon une source d'Afek, de ne pas participer au prochain gouvernement d'union nationale.
Par ailleurs, de nouveaux noms souhaiteraient faire désormais partie du tableau. Du côté de l'UPL, Slim Riahi, président du parti, serait attaché au ministère de la lutte contre la Corruption, selon les propos de Samira Chaouechi. La la dirigeante de l'UPL avait, en effet, affirmé sur Express Fm que : « Slim Riahi, a annoncé qu'il est serait éventuellement, et si le contexte l'exige, prêt à abandonner tous les portefeuilles ministériels hormis celui de la lutte contre la corruption soulignant que la lutte contre la corruption et le développement régional sont les priorités de l'UPL » Depuis sa désignation officielle, mercredi 3 août, Youssef Chahed a mené une trentaine de réunions avec des représentants de partis politiques, des acteurs de la société civile et même des journalistes. Chahed, chef de gouvernement consensuel, semble vouloir mener le consensus jusqu'au bout en suivant les « règles » dictées par les partis au pouvoir, Ennahdha et Nidaa, et il ne lésine pas le nombre d'entretiens à mener. Avec une volonté évidente d'associer toutes les différentes parties au dialogue il semble vouloir « garantir, à tout prix, le succès de son gouvernement », après l'échec cuisant réalisé par l'équipe précédente.
Il est très probable aujourd'hui que certains portefeuilles restent inchangés. Des ministères «de taille » dont ceux de l'Intérieur, tenu par Hédi Mejdoub, et de la Justice, avec Omar Mansour. D'autres en revanche, au sort incertain, suivront la logique des chaises musicales et d'autres seront éjectés pour voir apparaitre de nouveaux visages. Pour l'heure, Youssef Chahed ne préfère rien voir filtrer. «La question des noms vient en second lieu », insiste-t-il. Et pourtant, cette question reste capitale.