Lotfi Abdelli, humoriste tunisien qui a le plus le vent en poupe, s'est produit mercredi dernier dans le cadre du Festival de Carthage devant des gradins archicombles. Le public sait ce qui l'attend : un «made in Tunisia» qu'il connaît déjà et qu'il redécouvre en attendant quelques nouveautés. Or, rien de nouveau à l'horizon et le public est resté sur sa faim. Mais heureusement que l'humoriste sait improviser en interpellant les politiciens présents. Lorsque les spectateurs sifflent la présence de Slim Riahi, président de l'ULP, il répond : «Laissez-le, j'en fais mon affaire». Il n'épargne pas non plus l'ex-chef du gouvernement Mehdi Jomaâ ou encore Noômane Fehri, ministre des Technologies de l'Information et de la Communication et de l'Economie numérique, Sonia M'barek, ministre de la culture et de la sauvegarde du patrimoine à l'égard de laquelle il a été carrément insolent ainsi que les absents Rached Ghanouchi, président d'Ennahdha et surtout le président de la République, Béji Caid Essebsi. A l'instar de l'humoriste français Gad El Maleh, dont il calque le costume noir et même la démarche, Lotfi Abdelli, avec son insolence et son ton décalé, n'y va pas de main morte, il tire sur tout ce qui bouge. Sexe et politique sont ses deux sujets de prédilection. Autrefois tabous sous la dictature, ils sont aujourd'hui le fonds de commerce de l'humoriste qui emprunte toujours le même chemin, à savoir l'observation du quotidien qu'il décortique à sa manière. Une sorte de chronique de vie quotidienne du tunisien. Après avoir passé en revue le dossier politique, il s'attaque au tunisien, à ses manies et ses déboires. Trahis par leur comportement, les hommes tunisiens frustrés se révèlent être des obsédés sexuels et les femmes, des poufiasses, mal en point. Enfin, il présente une image des tunisiens schizophrènes en imitant leurs gestes et leur langage. Texte au pied levé Malgré un show sans nouveautés, Lotfi Abdelli reste l'un des humoristes préférés des tunisiens, il draine un public de tous les âges et de toutes les couches sociales parce qu'il lui renvoie son image. Une image tantôt glorieuse d'un peuple qui a réussi son «printemps arabe» et décroché le prix Nobel de la Paix mais dans le même temps qui se comporte comme un goujat. Il n'empêche que chez Abdelli, c'est son côté sympathique, surtout quand il ne tombe pas dans la vulgarité, qui plaît. Mais il devrait, désormais, travailler sur un nouveau spectacle et prouver qu'il est capable de dépasser ce «Made in Tunisia». Ce n'est pas difficile pour ce comédien qui a plus d'un engagement dans le cinéma et la télévision. En tout cas, le show de Carthage prouve la popularité de Lotfi Abdelli et sa réussite à dominer la scène et à dompter le public mais on ne peut relever que l'inspiration fait défaut et que l'improvisation et le charisme ne suffisent pas. On attend du nouveau et davantage d'audace et de pertinence.