Le bassin minier est devenu le filon à exploiter. Non pas en tant que ressource naturelle mais en tant qu'arène politique Tous les profiteurs, les politicards de tous genres et leurs sbires, les ennemis du pays se sont engouffrés dans cette brèche pour nuire au développement du pays en exploitant de façon éhontée la misère d'une catégorie de la population. Un travail de sape De prime abord, il faut noter qu'il ne viendrait à l'esprit d'aucune personne bien intentionnée de saboter une telle richesse héritée du Protectorat et valorisée par l'Etat au cours des décennies écoulées. Le phosphate qui constituait jusque-là l'une des principales richesses de la région de Gafsa s'est transformé en malédiction. C'est ce qu'en ont voulu certains. Avec une production moyenne de 8 millions de tonnes en 2010, on avoisine difficilement, aujourd'hui, les 2 millions. C'est selon le bon vouloir d'une poignée de personnes qui font la pluie et le beau temps. Curieusement, ces mouvements de «protestation» obéissent à des calendriers précis et usent d'arguments diversifiés. Le cheval de bataille le plus en vue est celui du chômage et du développement de la région. Des jeunes bloquent le travail dans les complexes pour un « oui » ou pour un «non», et ce, pendant des mois. L'Etat est incapable d'agir ou de réagir parce qu'on connaît à l'avance ce qui va être dit (et, surtout, fait) après une hypothétique intervention. Ceux qui agissent dans l'ombre savent que les pouvoirs publics ne peuvent pas forcer les choses en raison de la délicatesse de la situation et de la promptitude de parties suspectes à troubler la paix sociale en invoquant divers prétextes. Le scénario mis en œuvre est tellement clair qu'il n'étonne plus personne. Des «personnalités» se disant de la région font des déclarations tonitruantes susceptibles de maintenir toute la région en état d'ébullition. Chaque occasion, pour eux, est à saisir pour attiser les conflits et à se montrer «solidaires» des mouvements sociaux qui se déclenchent par-ci, par-là. Le populisme est leur arme de combat. Mais quand on voit les enjeux qui sont derrière le maintien de cette situation tendue on comprend pourquoi les barons s'accommodent parfaitement de ce climat social particulier. La Compagnie des phosphates de Gafsa est devenue leur vache à lait. Ils doivent en profiter, sinon il n'y aurait qu'à entraîner sa faillite et la ruine de tout le bassin minier. C'est dans leurs calculs. Les jeunes chômeurs font bien le jeu. C'est l'écran derrière lequel ils se cachent pour mieux porter leurs coups. Les moyens de lutte pour ses droits sont nombreux, pourtant. Le sabotage, le blocage et autres manifestations ne sont pas toujours les plus appropriés. Des attitudes plus responsables pourraient être adoptées. Les vrais représentants de la région ont un rôle fondamental à jouer pour l'aider à sortir de ce qu'ils appellent la «marginalisation». Pleurer interminablement sur le sort de cette zone n'apportera aucune solution. Accuser les pouvoirs publics d'être les responsables et de mettre sciemment des obstacles contre son essor n'est nullement raisonnable ni acceptable. Peut-on imaginer un gouvernement mettre des bâtons dans les roues pour empêcher que le pays avance ? Qui peut croire cette histoire ? Et, d'ailleurs quel intérêt y a-t-il ? Le lobby du phosphate Ceux qui lancent de telles accusations ne seraient-ils pas les vrais coupables ? Comment accepter de voir l'économie de toute la région s'écrouler et s'en féliciter sous le prétexte qu'il y a des injustices ? Si ces allégations sont justes, n'y a-t-il que cette autodestruction pour le manifester ? Avant 2011, la Tunisie occupait le 5e rang mondial de producteur de phosphate. Actuellement, c'est tout juste si on arrive en 10e place. La Compagnie fonctionne avec le minimum de ses capacités. Son déficit dépasse les 5 milliards de dinars. Ses réserves commerciales ont chuté entre 2010 et aujourd'hui, passant de 7.2 millions de tonnes à près de 2 millions. Toutes les statistiques reflètent le triste sort dans lequel cette prestigieuse société est tombée à cause des agissements de groupes organisés et dont le but ne peut s'inscrire dans une optique de sauvetage. La lutte acharnée pour enlever des parts de transport de phosphate par camion ne laisse planer aucun doute sur la visée des partisans de ce moyen de transport. La SNCFT qui était la plus indiquée dans ce genre d'activité est en train de perdre du terrain face à des privés qui font tout pour imposer leurs «services». Et ce n'est pas un hasard si des responsables de la SNCFT dénoncent une mainmise du lobby du phosphate. Ce dernier serait en train de prendre le contrôle du transport de cette matière en imposant uniquement le transport par route. Or, on estime que le coût du transport d'une tonne de minerai est de 6.500 D par le rail et de 24.000 D par la route ! C'est en regardant ces aberrations que l'on comprend mieux ce qui se passe derrière les rideaux. La SNCFT, transporteur historique n° 1 du minerai depuis près d'un siècle, serait-elle sur le point d'être détrônée par des opérateurs et des concurrents qui veulent user de voies illégales pour arracher indûment un marché qui ne leur revient pas de droit ? Pour cela, ils utilisent toutes les techniques et méthodes à leur portée pour réaliser leurs desseins. Y compris l'entremise de politiciens. Pendant ce temps, la SNCFT perd sur toute la ligne. Chaque jour de perdu signifie au moins 200.000 dinars. En sabotant la Compagnie de phosphate de Gafsa on sabote aussi la SNCFT qui assure 35 % de ses recettes grâce au transport de cette matière. Selon des déclarations récentes des responsables de la SNCFT, les pertes entraînées par le secteur du phosphate s'élèveraient à 300 millions de dinars au cours de cinq dernières années. Plus grave encore, cette situation déstabilisante contribue à saper toute action de développement pour la région du Nord-Ouest et du Sud-Est. Il ne s'agit pas, en effet, d'oublier que la CPG approvisionne les usines chimiques de Gabès. Aussi, est-il plus qu'urgent qu'un plan de sauvetage soit élaboré pour assurer la pérennité des activités de cette société nationale et l'éloigner des convoitises de particuliers à l'affût de n'importe quelle faille. On ne doit plus se contenter de reprises éphémères des activités. Il est utile d'arriver à une solution permanente qui prenne en compte l'intérêt national, celui de la région et de l'entreprise. Car il n'est plus concevable de rester, continuellement, à la merci du premier protestataire venu et de n'importe quel coup de tête.