Par M'hamed JAIBI Le pays vit une situation étouffante qui risque de mener au désastre. Cela nécessite, de la part de tous, du réalisme et une dose de sacrifice limitée dans le temps pour, comme disait Farhat Hached, «sauver la barque». Or, pour sauver l'embarcation, il faut que chacun fasse corps avec le timonier, entre dans le détail des exigences et sache ajouter ses desiderata. S'impliquer directement et sans réserve Le gouvernement d'union nationale a été conçu dans l'esprit de voir les organisations socioprofessionnelles s'impliquer directement, avec un large éventail de forces politiques nationales, dans l'élaboration d'une stratégie concrète et urgente de sortie de crise, qui soit en mesure de relancer le développement et de rétablir la crédibilité internationale du pays en tant que site d'affaires. Les signataires de l'accord de Carthage se sont engagés à cela, en se prêtant à une vaste médiatisation qui les rend comptables, devant l'opinion publique, de l'ensemble du destin de ce gouvernement de la dernière chance. Il est donc incorrect, aujourd'hui, de se retrancher derrière le caractère laconique des clauses du document de Carthage, ou de prendre appui sur celles-ci pour justifier son intransigeance. L'obligation solidaire de résultat L'engagement de l'Ugtt et de l'Utica autour du gouvernement Chahed est un événement historique majeur qui puise dans l'histoire du pays pour prendre la signification d'un serment. Il s'agit de se donner la main en un pacte patriotique solennel dont la mission est de sauver le pays. Cette mission est un gage majeur qui implique une obligation de résultat de la part de tous les signataires, autour du président de la République, initiateur de la démarche. Il se trouve justement que les neuf partis politiques signataires et les personnalités indépendantes, membres du gouvernement ou l'ayant publiquement appuyé, maintiennent à ce jour leur engagement et leur appui, reprenant à leur compte, en totalité, l'approche consensuelle et l'ensemble des propositions concrètes du gouvernement Chahed. Des propositions raisonnables L'attitude de l'équipe Chahed est cohérente. Le gouvernement devrait reprendre à son compte toutes les préoccupations des partenaires sociaux, aussi bien celles qu'ils partagent que celles qui les opposent. Mais la lutte contre l'économie parallèle est hasardeuse, exigeant stratégie, patience et ruse, autant que le combat pour une fiscalité équitable en traquant dans les moindres recoins la fraude et l'évasion. Tout en mettant en place, par le biais de la loi de finances, des mesures et barèmes améliorant le dispositif de répression de la contrebande, ainsi que des éléments de réforme fiscale élargissant l'assiette et améliorant le recouvrement et la traque des récalcitrants, le gouvernement demande aux partenaires sociaux de lui accorder un répit sur l'ensemble de l'année 2017. C'est là qu'interviennent ses propositions faites à l'Utica d'une contribution exceptionnelle de 7,5% des bénéfices des sociétés excédentaires, et à l'Ugtt d'ajourner les augmentations promises pour 2017. Récupérer le manque à gagner Ces contributions donneraient une bouffée d'oxygène aux finances de l'Etat, le temps que les réformes de fond interviennent et agissent. Mais l'Ugtt refuse et l'Utica rue dans les brancards. Alors que, sans ce répit, la partie n'est pas jouable et l'union nationale est menacée. Cela obligerait le gouvernement à réorganiser de fond en comble la loi de finances pour récupérer par l'impôt la totalité du manque à gagner. Car si l'on veut que l'Etat s'affirme et que le développement redémarre ainsi que l'emploi des jeunes, le budget de l'Etat se doit d'être conséquent et de se doter des fonds nécessaires. Et il est clair que, fut-il largement consensuel, le plus beau gouvernement au monde ne peut donner que ce qu'il a.