Par M'hamed JAIBI L'annonce d'une campagne internationale appelant à l'élaboration d'un plan Marshall pour la Tunisie, dont l'idée a émané du Parlement européen, est une véritable aubaine pour notre pays. Surtout que cette manne du ciel est évoquée juste au-lendemain de l'investiture d'un gouvernement qui élargit le consensus aux dimensions d'un véritable gouvernement d'union nationale, adossé à une majorité parlementaire de plus de 77% des députés de la nation. Paris sera au rendez-vous L'Union européenne et le G20 ont plus d'une fois exprimé leurs intentions de soutenir décisivement la Tunisie dans sa transition démocratique et économique, mais la réalité des choses a fait que cet appui n'a pas été à la hauteur des attentes, face à une crise profonde caractérisée par l'effondrement de la croissance, une forte perturbation des équilibres globaux et un ralentissement spectaculaire du développement, avec leur lot de chômage, de pauvreté et de fronde sociale multiforme. L'appel, initié par une commission permanente du Parlement européen, est désormais relancé par une pétition internationale à l'initiative du Cercle Kheireddine et de cinq autres ONG, dont l'Atuge et le prestigieux Cercle des économistes français, laquelle fera l'objet, le 15 septembre à Paris, d'une rencontre présidée par l'ancien Premier-ministre français, Jean-Pierre Raffarin, et à laquelle participeront deux prix Nobel de la paix, d'éminentes personnalités du monde des affaires et de la finance, et de nombreux économistes de renom international. Un événement à retentissement international Cette manifestation solennelle et la pétition de haut niveau qu'elle promeut permettront, sans doute, de faire de l'appel à dresser un plan Marshall-Tunisie un événement à retentissement international majeur venant relayer et activer les promesses d'appui décisif à cette «expérience démocratique unique dans le monde arabe», rescapé d'un «printemps» qui a, partout ailleurs, tourné au cauchemar. Cependant, même si l'option est retenue, il ne sera sûrement pas aisé de concevoir et mettre en place un véritable «Plan Marshall» pour relancer l'économie et le développement en Tunisie. Cela nécessitera une forte convergence entre les puissances de ce monde, à un moment où les diverses stratégies s'essoufflent et s'entrechoquent. Et cela nécessitera également que la Tunisie fasse valoir ses capacités propres et ses dispositions concrètes. La situation effective des finances publiques Certes, le style dynamique et volontaire du gouvernement Chahed est en mesure de rassurer quelque peu, mais des victoires concrètes sont impératives, ainsi que des garanties de bonne gestion et d'efficacité, tels des comptes bien tenus et des prévisions qui se réalisent. A ce sujet, l'ex-gouverneur de la Banque Centrale, Mustapha Kamel Nabli, estime nécessaire de divulguer la «situation réelle des finances publiques», situation qui, à ses yeux, représente un sujet essentiel à clarifier pour rassurer quant à l'avenir du pays. Il s'agit de dresser un état des engagements passés, des dettes accumulées et des dépenses prévues pour 2016, 2017 et 2018, y compris le déficit prévisionnel des caisses sociales et celui des entreprises publiques. Aligner quelques victoires S'agissant des victoires, celle contre le terrorisme est notoire, malgré les risques persistants, dont d'ailleurs la Tunisie n'a pas le monopole. Restent les indispensables succès sollicités contre la contrebande et l'économie informelle, contre le relâchement de l'administration, la corruption et le laisser-aller, ainsi que l'induspensable regain en prestige de l'Etat et des institutions de la République. Autre victoire pouvant encourager investisseurs et bailleurs de fonds, celle visant à rationaliser les dépenses, à réduire le déficit budgétaire et à relancer dépenses de développement et d'infrastructure. Ainsi que celle sur les «impondérables», comme le fait de renouer avec des lois de finances crédibles couvrant effectivement l'exercice sans nécessiter des rallonges «complémentaires», comme cela est le cas sans faute depuis 2010. Avec l'Ugtt, une victoire très bénéfique La victoire la plus remarquable ne saurait être que celle que le chef de l'Etat a imaginée en lançant son initiative du gouvernement d'union nationale : l'implication dans la prise de décision des forces socioprofessionnelles majeures, l'Utica et l'Ugtt. Et l'Ugtt, bien qu'indirectement, est aujourd'hui bien représentée au sein du gouvernement Chahed. Reste à la voir agir et réagir en tant que partie prenante du pouvoir. A la voir compter les dépenses sociales et calculer les coûts des revendications. Ainsi que se mettre à la place des entreprises pour appréhender la pression fiscale ou sociale qui les étouffe et décourage les investisseurs potentiels. Sans quoi point de croissance, point d'emplois, point de développement. Dans quelque région que ce soit !