Par Anis SOUADI Chaque année, à cette période, la question de la majoration salariale se positionne comme «une ligne» à haute tension. C'est que les deux protagonistes — gouvernement et Ugtt — n'arrivent toujours pas à avoir le même ton, encore moins à avancer sur le même rythme. Pour le gouvernement, la réduction des dépenses de fonctionnement et le redressement des équilibres financiers sont des dispositions stratégiques incontournables. Des exigences, en plus simple. De ce fait, le report de la majoration salariale est un choix irréversible pour espérer réduire, un tant soit peu, nos dépenses publiques, et améliorer ainsi, même progressivement, nos dépenses de développement. Une approche qui, en l'absence de solutions de rechange concrètes, peut être qualifiée de tout à fait légitime. Surtout que l'enjeu est de taille. Cela est d'autant plus vrai que notre pays est entré, depuis quelques années déjà, dans une crise très sévère que tout laisse à penser qu'elle est porteuse de menaces potentiellement plus graves. On parle de la survie même de notre économie. Pour l'Ugtt, la majoration des salaires, plus qu'un acquis, est avant tout un droit sacré qui ne pourrait souffrir aucune concession. La centrale syndicale reproche ainsi au gouvernement son recours systématique aux solutions de facilité, qu'elle estime contre-productives car provisoires, peu efficaces, du moins insuffisantes pour supporter les risques de cette situation alarmante qui s'installe dans la durée. Pour l'Ugtt, le gouvernement gagnerait beaucoup plus en s'attaquant aux problèmes de fond : le manque de fiabilité de notre système fiscal, les inégalités flagrantes au niveau de son application, la corruption qui ne cesse de prendre des dimensions beaucoup plus importantes, le marché parallèle qui domine totalement notre politique commerciale, le déficit commercial toujours alarmant, et le gel ou presque de l'appareil productif qui aggrave sérieusement et profondément l'hémorragie financière de l'économie nationale. Certes, une telle argumentation est tout à fait plausible, mais la conjoncture actuelle est tellement critique qu'elle ne supporterait certainement pas un nouveau bras de fer. Elle nécessite plutôt de la souplesse et certaines concessions de part et d'autre. Surtout que le gouvernement Chahed est tenu par une obligation de résultats, et qu'il a besoin, dans l'immédiat, de régulateurs fiables, avant de s'attaquer, plus tard, aux choses sérieuses et profondes. Faute de quoi, notre économie continuerait à saigner à blanc.