Hier, Habib Essid et Houcine Abassi ont signé les augmentations salariales qui profiteront à 800 mille salariés de la fonction et du secteur publics. Au nombre d'un million 500 mille, les salariés du secteur privé devront attendre que l'Utica assouplisse ses conditions Finalement, le gouvernement Habib Essid et l'Union générale tunisienne du travail ont tenu la promesse faite au président de la République Béji Caïd Essebsi consistant à signer l'accord sur les augmentations salariales dans le secteur et la fonction publics avant l'avènement de l'Aïd El Idha que les Tunisiens fêtent, demain jeudi 24 septembre. Hier, Houcine Abassi, secrétaire général de l'Ugtt, et Habib Essid, chef du gouvernement, ont apposé leurs signatures sur l'accord relatif aux majorations salariales dont profiteront, pour le compte des années 2015 et 2016, 800.000 salariés exerçant dans la fonction et le secteur publics (ministères et entreprises publiques relevant de l'Etat). Les augmentations convenues s'élèvent à 50 et 60 dinars par mois (2015 et 2016) et varieront de 105 à 150 dinars pour les primes spécifiques durant les années 2015, 2016 et 2017. Houcine Abassi, S.G. de l'Ugtt, n'a pas manqué, à cette occasion, de se féliciter de l'accord conclu en insistant sur le fait que c'est bien grâce au dialogue et au consensus qu'on peut parvenir à toutes les solutions possibles. «Au sein de l'Ugtt, nous sommes conscients des difficultés économiques mais nous sommes convaincus aussi que les sacrifices doivent être équitablement partagés. Nous sommes également persuadés que les travailleurs seront au rendez-vous pour assumer loyalement leur part de responsabilité afin que la machine économique redémarre». Et si les salariés de l'Etat et des entreprises et établissements qui en relèvent ont vu leurs revendications salariales satisfaites pour le compte de 2015 et 2016, ceux du secteur privé dont le nombre avoisine 1 million 500 mille salariés régis par 51 conventions collectives doivent attendre encore que l'Utica et l'Ugtt s'entendent pour signer l'accord-cadre sur la base duquel se dérouleront les négociations en vue des augmentations salariales au profit des salariés qui s'y activent. Hier, Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l'Ugtt, chargé du secteur privé, est sorti de ses gonds pour dénoncer «les tergiversations de l'Utica qui refuse toujours de signer l'accord-cadre en question et se cramponne à ses positions initiales voulant que les augmentations salariales soient liées à la productivité des salariés des entreprises privées. Ce qui veut dire que plusieurs milliers de salariés n'auront pas d'augmentations dans la mesure où leurs entreprises ne sont pas en bonne situation économique». Et Ayari de menacer : «Une grève générale sera observée dans le secteur privé en cas de non-signature de l'accord cadre». Où s'arrêteront les concessions ? Le responsable syndical poursuit son analyse en soulignant : «L'Utica fait la sourde oreille à nos propositions, ce qui a poussé la commission administrative du groupement du secteur privé à décider, lors de sa dernière réunion, une campagne de sensibilisation et de mobilisation au niveau régional. A la mi-octobre prochain, nous tiendrons un grand rassemblement ouvrier à la place Mohamed-Ali pour protester contre l'indifférence de l'Utica». Les choses étant ce qu'elles sont à l'heure actuelle, l'on est en droit de se poser les questions suivantes : Comment le gouvernement va-t-il réagir devant la situation actuelle : des salariés assurés d'être augmentés en 2015 et 2016 alors que leurs collègues du secteur privé sont menacés de vivre une année ou deux blanches ? Les concessions accordées par le gouvernement aux salariés de la Fonction et du secteur publics alors que ses caisses sont vides n'encouragent-elles pas les salariés du secteur privé à toutes les enchères possibles afin que leurs revendications soient satisfaites ? L'atmosphère de tension et d'escalade créée par les syndicalistes va-t-elle s'arrêter ? Enfin, quel sera le prix social de ces augmentations concédées par le gouvernement ? Pour l'économiste et président de l'Association tunisienne de gouvernance, Moez Joudi, «ces augmentations constituent un suicide collectif. Avec un taux de croissance de moins 1% d'ici fin 2015 et avec un endettement qui atteindra les 54% du PIB, il est possible que la Tunisie n'arrivera plus à payer ses dettes. On contracte aujourd'hui des prêts pour payer les salaires qui ont atteint 12 milliards de dinars en 2015, ce qui correspond à près de 50% du budget général de l'Etat évalué à 28 milliards de dinars. Christine Lagarde, directrice général du FMI, a raison en tirant la sonnette d'alarme en déclarant qu'en Tunisie, la masse salariale est évaluée à 13% du PIB. Au lieu d'arrêter l'hémorragie, on enfonce encore le clou et on décide des augmentations dont l'Etat ne dispose pas. Même pour les salariés, c'est contreproductif puisque dans quatre ou cinq moins, on va revenir à la case départ avec une inflation qui engloutira ces augmentations». Un pacte de bonne gouvernance Quelle solution prévoir face à cette situation ? Notre interlocuteur précise : «Il faudrait que le gouvernement signe un pacte social ou un pacte de bonne gouvernance selon lequel les augmentations seront liées à la croissance. Malheureusement, les syndicats sont devenus incontrôlables et il paraît que le bureau exécutif de l'Ugtt n'a plus d'emprise sur les secteurs qui n'en font qu'à leur tête. Quant au secteur privé, il est normal qu'on exige que la productivité augmente puisque, actuellement, tous les indicateurs sont en baisse».