La soumission du projet de la loi de finances 2017 au parlement est toujours suspendue à la satisfaction des désirs de l'Ugtt et de l'Utica Le président Béji Caïd Essebsi l'a affirmé clairement: «L'initiative relative à la formation du gouvernement d'union nationale ne peut aboutir qu'à la condition que l'Ugtt et l'Utica y participent». Le chef de l'Etat savait de quoi il parlait. Aujourd'hui, près de six semaines après la formation du gouvernement Youssef Chahed et l'installation de ses ministres dans leurs fonctions, les deux centrales syndicales ouvrière et patronale montrent que rien ne sera entrepris sans que Hassine Abassi et Wided Bouchamaoui ne donnent leur aval. Autrement dit et pour dire les choses telles qu'elles sont : le projet de la loi de finances 2017, devant être remis au plus tard, samedi 15 octobre à l'Assemblée des représentants du peuple et voté au plus tard le 10 décembre prochain, attend toujours que les syndicalistes acceptent le gel des majorations salariales jusqu'en 2019 (dans le secteur et la fonction publics comme l'a rappelé, mardi dernier, Mohamed Trabelsi, ministre des Affaires sociales, précisant que pour le secteur privé, l'Ugtt et l'Utica décideront) et que les promoteurs économiques et chefs d'entreprise donnent leur accord à la proposition gouvernementale leur demandant un effort supplémentaire en matière de fiscalité, c'est-à-dire qu'ils sont appelés à payer plus d'impôts, «une contribution exceptionnelle sur les bénéfices que leurs entreprises vont réaliser en 2017», comme le précise le chef du gouvernement dans ses différentes interventions médiatiques. Utica : oui, mais à nos conditions Et les observateurs de convenir que les sacrifices que réclame le gouvernement aux salariés et aux patrons sont bien «ces mesures douloureuses» que tous les gouvernements post-révolution n'ont pas eu le courage de décréter et que seul le gouvernement Youssef Chahed a eu l'audace de révéler, croyant que la voie lui était balisée du fait que son équipe est en principe soutenue officiellement par neuf partis politiques et trois organisations professionnelles (Ugtt, Utica et Utap), soit 185 députés au parlement. Sauf qu'en révélant «les douloureuses» et bien qu'il ait cherché à promettre que les sacrifices exigés seront supportés avec le maximum d'équité, Youssef Chahed n'a pas trouvé le soutien qu'il espérait auprès de l'Utica et de l'Ugtt et même auprès de Nida Tounès, dont les chefs sont toujours en guerre, et d'Ennahdha dont certains responsables lui jouent de bien vilains tours, notamment dans les régions en ébullition permanente. Du côté de la Cité El Khadhra, Wided Bouchamaoui et ses lieutenants expriment «leur disposition à interagir positivement avec la proposition relative à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices de 2017, mais à condition d'en discuter les détails pratiques avec la présidence du gouvernement». Dans un communiqué publié mardi 11 octobre, le bureau exécutif de l'Utica détaille davantage ses conditions et exige que «les crédits qui seront mobilisés par la grâce de la contribution exceptionnelle doivent être consacrés au développement des régions, à l'impulsion de l'investissement et à la création d'emplois». Le message est on ne peut plus clair: les patrons ne veulent pas que leurs contributions servent à verser les salaires ou à payer les dettes contractées auprès du FMI et de la BM. Ils vont encore plus loin en exigeant «une lutte réelle et effective contre la contrebande et l'économie parallèle, à élargir la liste des personnes soumises à la fiscalité et à ne pas se limiter à faire pression sur les secteurs organisés et à faire la guerre à ceux qui payent déjà leurs impôts». Le discours de l'Utica est sec, virulent et incisif : ceux qui payent ne sont pas disposés à continuer à payer pour ceux qui trouvent mille ruses pour échapper aux agents de la fiscalité. Les patrons concluent : «L'instauration de nouvelles charges fiscales entrave la capacité concurrentielle et d'investissement des entreprises organisées (le terme "organisés" revient désormais dans le discours quotidien de l'Utica). Pour dépasser la crise, il faut réhabiliter le travail, augmenter la productivité, réaliser le rendement maximum, ce qui contribuera à la création de richesse et d'emplois». Ugtt : c'est la commission administrative qui décide C'était dans l'air et tout le monde s'attendait à ce que le bureau exécutif de l'Ugtt se décharge sur les membres de la Commission administrative nationale pour opposer un non catégorique à la proposition de Youssef Chahed demandant le gel des majorations salariales d'ici 2019. Mardi 11 octobre, les membres de la Commission administrative nationale de l'Ugtt ont décidé de refuser la proposition de Youssef Chahed parce que «cette décision aura des répercussions négatives sur le pouvoir d'achat des Tunisiens, surtout pour les fonctionnaires». Sauf que la porte du dialogue n'est pas fermée totalement et il existe toujours une possibilité pour que le gel des salaires soit accepté par les syndicalistes. Bouali M'barki, membre du bureau exécutif et l'un des candidats à la succession à Hassine Abassi, pose les conditions de l'Ugtt: «Si le gouvernement fait ce qu'il faut (des mesures urgentes) en matière de lutte contre la contrebande, l'évasion fiscale et la corruption et s'il recouvre ses dettes auprès des entreprises publiques (on ne sait pas pourquoi il oublie les entreprises privées qui boudent elles aussi la Cnss et les recettes fiscales), nous accepterons que les salaires soient gelés». Ainsi, à une journée de la finalisation du projet de la loi de finances 2017, on attend toujours une solution consensuelle. En parallèle, Amor Mansour, gouverneur de la capitale, continue sa guerre contre les étals anarchiques et Hamma Hammami crie à qui veut encore l'entendre que les citoyens de Jemna ont raison et ils n'ont fait que récupérer les terres et les henchirs qui appartenaient à leurs aïeux.