La police municipale, juridiquement sous les ordres du chef de district de la sûreté, est en même temps placée sous la tutelle des communes qui n'ont aucun droit sur elle. Ce qui a abouti à un état des lieux désastreux, marqué par l'anarchie ambiante et encouragé par l'impunité Pour comprendre cette situation insolite, il serait utile de rappeler que les agents de la police municipale appartenaient, à l'origine, au corps des agents de réglementation, dépendant hiérarchiquement des municipalités. Dès 2011, ils avaient réclamé et obtenu, par la suite, leur intégration dans le corps des services d'ordre, ce qui a permis de mettre fin à trois ans de blocage et d'inertie de l'action municipale. Il n'en fallait pas plus pour que la situation connaisse une dégradation continue avec la prolifération des constructions anarchiques, la multiplication des étals sauvages, l'invasion des cités par les ordures, etc. Bref, avec les infractions de toutes sortes à la réglementation municipale en vigueur. Les contrevenants, qui sont légion, profitaient de la semi-absence de l'Etat et de la focalisation des autorités nationales, régionales et locales sur la gestion d'événements plus urgents, pour donner libre cours à leur incivisme et bafouer la loi, sous le regard impuissant des municipalités. Pour Me Mabrouk Ksomtini, président de la délégation spéciale à Sfax, cette incapacité à bien gérer la situation et à imposer le respect de la loi est due à la législation réglementant le statut des agents de la police municipale : «Ces agents sont placés sous l'autorité du chef de district de la sûreté. C'est leur chef hiérachique, qui détient toutes les prérogatives en matière d'affectation, de promotion, de congés et de sanctions. D'un autre côté, ils sont placés sous la tutelle de la municipalité qui est tenue de leur fournir la logistique nécessaire à l'accomplissement de leurs tâches en tant que policiers municipaux (local, moyens de transport, ordinateurs, meubles, paperasses ...), alors qu'elle n'a aucune autorité sur eux. D'autre part, ces agents ne sont pas toujours disponibles, dans la mesure où ils sont souvent affectés à d'autres tâches, sous le commandement de leurs chefs hiérarchiques, lors des manifestations sportives, culturelles et autres. Comme ils sont souvent au four et au moulin, ils se trouvent forcément dans l'incapacité de fournir les prestations attendues d'eux, ce qui crée une situation de laisser-aller difficile à gérer par les services communaux». Et notre interlocuteur de regretter : «En 2015, nous, présidents des sept délégations spéciales du Grand-Sfax, avons conclu, suite à une évaluation de leur travail et de leur rendement, que les agents de la police municipale, sont objectivement incapables de remplir les tâches exigées par les municipalités. Nous avons adressé à l'époque une requête au ministre de l'Intérieur pour demander une solution à cette situation préjudiciable aux actions des communes. Sans résultat». Le président de la délégation spéciale avance la proposition suivante : «Ces agents, tout en conservant leur statut d'agents de l'ordre, doivent être exclusivement affectés à des tâches relevant de l'action municipale. C'est-à-dire qu'ils doivent être, comme c'est le cas en France, placés directement sous l'autorité du maire qui est chargé de la police municipale et de l'exécution des actes de l'Etat qui y sont relatifs». En attendant, c'est toujours le règne de l'anarchie. Les ordures ménagères, jetées n'importe où par les citoyens, enlaidissent le paysage et polluent l'air. La situation est de plus en plus lamentable dans les établissements ouverts au public, comme les cafés et les restaurants où les conditions d'hygiène laissent à désirer. La propagation du phénomène des étals sauvages s'accentue à vue d'œil. Idem pour l'occupation illégale du sol par les cafés, commerces de fruits et légumes et autres restaurants. Sans parler de la prolifération incontrôlée des constructions anarchiques. A ce propos, Mabrouk Ksomtini précise : «Dans ces cas-là, c'est le timing qui compte le plus, sinon ce sera trop tard, car l'intervention des agents doit être rapide, c'est-à-dire, dès le début des travaux». Le président de la délégation spéciale à Sfax se dit navré de constater que le taux de démolition des constructions construites au mépris des lois en vigueur soit faible, d'autant plus que «c'est la municipalité qui encaisse et essuie les attaques du citoyen, alors qu'elle n'a pas les moyens de ses prérogatives». Concernant la mise en place d'une police de l'environnement, notre interlocuteur s'empresse de répondre : «La question a été évoquée par le ministre mais encore rien d'officiel pour le moment».