L'ancien patron de la Commission fédérale d'arbitrage, rebaptisée Direction nationale d'arbitrage, met l'accent sur le malaise qui sévit dans un secteur où il trouve que des arbitres qui se croient protégés sont sacrifiés sur l'autel des clubs. Cette vague de retraits ou démissions résulte d'une réaction compréhensible. Il y a ce qu'on appelle «des arbitres de clubs» qui roulent pour certains clubs. A un moment donné, ils se retrouvent lâchés. Ils avancent, percent et se font une place au soleil avant d'être abandonnés que ce soit par la Direction nationale d'arbitrage, que ce soit par la fédération qui avaient constitué jusque-là leur refuge, leur protecteur, leur parapluie. Désabusés, perdant le soutien de la fédération, ils découvrent que celle-ci protège en fait les clubs. On sait que certains arbitres qui se sentent au-dessus du lot n'ont aucun compte à rendre. En revanche, d'autres paient cash leurs erreurs et sont sanctionnés quand ils commettent des erreurs. Actuellement, on voit deux catégories: certains hommes en noir toujours protégés, et d'autres, au bout du rouleau et carrément lâchés. Cette deuxième catégorie sort du coup de ses gonds. Ses arbitres se veulent dès lors des saints, alors que, sur leur bouche, la fédération est subitement diabolisée. Pourquoi ne s'étaient-ils pas exprimés de la sorte plus tôt? C'est un peu ce qui se passe actuellement. La confiance compte pour beaucoup dans notre métier. Quand le commissaire de match signale que tel arbitre a fait un grand match, il faut le confirmer et le désigner de nouveau. Il doit sentir qu'il y a des gens derrière lui quels que soient les lobbies. Conséquence: sa motivation va grandir. «Un gâchis sportif et financier» Pour parvenir à «produire» un arbitre de l'envergure de Mourad Ben Hamza, Mohamed Ben Hassana ou Maher Harrabi, il faut en fait suivre un long processus d'une vingtaine d'années. Une fois arrivés à l'âge de la maturité, de la sagesse, à une étape où ils deviennent sobres et ne cherchent plus à se mettre en avant et à briller, les voilà partir ! Il est admis dans les milieux de l'arbitrage que ce ne sont pas les arbitres qui choisissent leurs rencontres, mais plutôt les rencontres qui «choisissent» leurs arbitres. Or on a besoin de referees de cette envergure-là pour avancer. Mais que voulez-vous, le gâchis, tout à la fois sportif et financier, est énorme. Car il a également fallu beaucoup d'argent pour voir mûrir ces arbitres-là qui s'en vont, aujourd'hui, au sommet de leur carrière. Malheureusement, on ne soucie plus de la représentativité de notre pays dans les grandes manifestations internationales. Qui veut encore à l'étranger des referees tunisiens ? L'unique souci dans l'univers de notre arbitrage est de conforter son pouvoir et de garder son siège le plus longtemps possible. Par quel moyen ? Essentiellement en satisfaisant les caprices des clubs. Les gens qui vont arbitrer dans le mini-foot ressentent moins de pression. Avant, un arbitre allait officier un match comme s'il allait dans une fête. Aujourd'hui, il va vers un cauchemar où il serait tout heureux de rentrer chez lui indemne, sain et sauf. La violence a supplanté le bonheur généré par le foot. On ne gère plus le football, mais plutôt la violence, le chauvinisme. En plus des arriérés de primes colossaux, les arbitres ne se sentent plus protégés. On ne donne plus de suite au rapport du commissaire. Personnellement, je lance un SOS. J'appelle le ministère de tutelle à intervenir et à réconcilier le football national avec son arbitrage».