La direction nationale d'arbitrage a recours, en ce début de saison, aux manières fortes dans ses rapports avec ses pensionnaires pour tenter de «réguler» la direction des rencontres. Ce n'est plus le bâton et la carotte qu'elle emploie lorsqu'il s'agit d'évaluer la prestation de ses affiliés, mais plutôt le bâton tout court. Après deux journées de championnat de Ligue 1, la plus haute instance de l'arbitrage en Tunisie a déjà sévi: -Deux mois de suspension pour Nasrallah Jaouadi qui a officié El Gawafel de Gafsa-Espérance de Tunis (un penalty sévère sifflé en faveur de l'équipe du Sud-Ouest, suivi de l'expulsion du «Sang et Or» Coulibaly). -Deux semaines de suspension pour Yosr Saâdallah et ses assistants qui ont dirigé le Club Africain, Club Athlétique Bizertin au cours duquel le Cabiste Houssem Zdiri a été averti deux fois sans être expulsé sur le champ. Son exclusion n'intervenant qu'après une bonne dizaine de minutes. Et cela va se poursuivre avec Hichem Barkallah, auteur de quelques bourdes lors du match Espérance Sportive de Tunis-Union Sportive Monastirienne de dimanche dernier, et qui est convoqué aujourd'hui devant la commission de suivi de la DNA. Celle-ci a jugé dans son communiqué que la prestation de Jaouadi «a influé sur le cours et le verdict final de la rencontre», alors qu'elle reproche à Saâdallah et à ses assistants «leur manque d'attention qui a permis au joueur cabiste, Houssem Zdiri, de poursuivre la rencontre après avoir écopé un carton rouge consécutif à un deuxième avertissement». Est-ce un souci de transparence qui fait que les suspensions font désormais l'objet de communiqués officiels, ce qui n'était pas le cas, il y a quelques saisons quand, par discrétion et pour protéger un corps aux prérogatives fort délicates, on se gardait de rendre publiques ces mesures disciplinaires? Jadis, on gelait les activités d'un referé pour une période déterminée sans cette forme de dénonciation aux effets «fragilisants». De surcroît, les sanctions n'étaient pas aussi systématiques : on ne sévissait pas pour des appréciations techniques de façon aussi régulière frisant l'acharnement, le harcèlement de la révolution n'a au fond rien à voir avec cette stratégie de la sanction qui risque immanquablement de mettre toute la corporation dans un état de fragilisation et de précarisation extrêmes. Loin de nous l'idée de défendre la médiocrité arbitrale quand elle s'érige en attitude fondatrice, en comportement systématique. Mais il nous semble que la DNA doit constituer le premier rempart contre la marginalisation de l'arbitrage tunisien et le bouclier qui le protège contre le grave discrédit où il est jeté. D'autant que, par exemple, dans le cas d'une omission du juste décompte des cartons infligés à un joueur (le Bizertin Zdiri), il ne peut pas y avoir mauvaise foi. Sinon, le 4e arbitre et le commissaire de match auraient pu intervenir immédiatement pour attirer l'attention du trio arbitral. Un trop-plein de frustration La DNA aurait-elle la mémoire courte? Souffrirait-elle d'une quelconque forme d'amnésie qui lui ferait évacuer de sa mémoire sélective les misères et les vicissitudes endurées dans la deuxième phase de la saison dernière par des hommes en noir, lesquels partaient officier un match de foot comme on va dans un champ de bataille, sur le front de guerre (et la comparaison n'est guère exagérée, croyez-nous). Les brutalités, menaces, insultes, agressions physiques… devenaient leur pain (noir) quotidien. A telle enseigne que, n'en pouvant plus, dans le sillage de la démission de leur patron, Younès Selmi, pour protester contre cette violence rampante, ils observèrent une grève entrée dans les annales, d'autant qu'elle a bloqué toutes les compétitions. Il a également fallu aux hommes en noir — dont la couleur de l'habit n'a jamais été aussi sombre dans le contexte très délicat de l'absence des agents de sûreté dans les stades — quasiment négocier avec la fédération afin qu'ils puissent tenir leur séminaire annuel, reporté à deux reprises. Cette même fédération s'enorgueillit d'avoir fermé la porte, tout au long de la saison dernière, devant le recours aux arbitres étrangers, ce qui a permis une économie de 300 mille dinars. Mais qui se met à présent le doigt dans l'œil en laminant le corps arbitral — de son élite même — à coups de suspensions dont l'effet «curatif» n'est guère assuré. Loin s'en faut…